Comment les Maisons peuvent-elle rationaliser leurs coûts sans compromettre leur avenir ?
Le secteur du Luxe en crise
Publié le 12 décembre 2024

A son tour, le secteur du luxe est confronté à un ralentissement de sa croissance voire à une baisse de son chiffre d'affaires, et ne pourra pas échapper à l'exercice de rationalisation des coûts.
Mais alors, quels leviers les Maisons de luxe peuvent-elles activer pour optimiser leurs dépenses, directes ou indirectes ? Et comment entraîner l'ensemble des acteurs de leur écosystème (fournisseurs, façonniers, logisticiens…), sans obérer leurs capacités à répondre à une reprise du marché ?
Un secteur en ralentissement face à des défis structurels
En 2024, pour la première fois depuis l'ère post-Covid, les ventes d’articles de luxe ont reculées. L'industrie subit de plein fouet le net repli des marchés asiatiques et la très forte contraction du nombre de clients, pour beaucoup issus de la classe moyenne. A l'exception de l’ultra-luxe, de l’horlogerie et joaillerie qui progresse chez certaines marques et est en retrait chez d’autres, et du marché de la cosmétique - beauté en net développement sous l’impulsion de la génération Z, tous les produits sont concernés : prêt-à-porter, maroquinerie, accessoires, vins & spiritueux.
Après une course effrénée pour gagner des parts de marché, dans un contexte de croissance annuelle extrêmement dynamique, de 20 à 70%, où les grands acteurs du luxe ont multiplié leurs acquisitions de façonniers, on peut raisonnablement penser que ces Maisons vont maintenant se soucier de rentabiliser leurs investissements. Et ce, d’autant plus si les volumes ne sont plus au rendez-vous. Il y a alors fort à parier qu’elles voudront notamment reprendre le contrôle de leurs dépenses indirectes et des frais généraux qui ont eu tendance à se calquer sur la même courbe de croissance que celle du chiffre d’affaires.
Comment rationaliser les coûts tout en préservant l'excellence?
Une nouvelle équation s'impose : réduire les coûts sans compromettre la capacité à répondre à une reprise de l'activité, vraisemblablement vers le second semestre 2025.
Plusieurs pistes de travail sont envisageables, à trois niveaux de la chaîne de valeur :
et selon deux horizons de temps, le court terme et le moyen / long terme.
Les achats : réduire à l’essentiel et rationnaliser le sourcing
- Conduire une analyse des dépenses indirectes, au siège et dans les manufactures, sur l’ensemble des Maisons d’un même acteur et réduire leurs montants en travaillant sur la rationalisation des fournisseurs et la massification des achats.
- Revoir le budget de ces dépenses dans une logique BBZ (Budget Base Zéro) qui a le mérite de s'obliger à s'interroger sur leur utilité ou sur la pertinence des volumes d'achat.
- Réorganiser le service achats en mettant en place des centres de services partagés en charge des coûts indirects et d'articles stratégiques communs à plusieurs marques, comme les métaux précieux par exemple ;
- Doter les équipes achats d’outils spécialisés pour leur permettre de se concentrer sur des activités à forte valeur ajoutée tels que la négociation de contrats, la recherche de nouveaux sourcings ou bien encore l’audit de fournisseurs sur leurs engagement ESG ;
- Et laisser les Maisons gérer avec autonomie l'achat d'articles qui leur sont propres, tels que les matières premières (exemple, le cachemire) ou bien des composants (exemple, boutons).
La supply Chain : ajuster rapidement et concentrer durablement
- Ajuster au plus vite les stocks de produits finis et de matières pour réduire le BFR et les coûts logistiques ;
- Profiter de la baisse des volumes pour améliorer les délais et réduire le recours aux transports express, très coûteux et à fort impact carbone ;
- Travailler sur la performance des logisticiens pour améliorer la qualité de la prestation à coûts équivalents ou, dans un premier temps, ramener ce coût au niveau du service rendu.
- Regrouper au sein d'une plateforme centrale les stocks et les commandes fournisseurs en mutualisant les besoins des différents sites sur la base des prévisions de ventes et de production (S&OP) ;
- Confier aux équipes site de passer des ordres de sorties de stocks en regroupant tous les articles nécessaires à leur production, un tel système permettant à minima de réduire le BFR, les coûts de transport et l’impact carbone.
- Digitaliser les process : les éditeurs proposent désormais des solutions adaptées au secteur du luxe, capables d'améliorer la prévision des ventes, d'optimiser les charges par rapport aux capacités et de donner la vision de l’encours par rapport à l'activité de fabrication ainsi que de l’utilisation des matières premières.
Le manufacturing : optimiser le modèle
- Réduire le recours aux façonniers de rang 1 et de rang 2, voire même ré-internaliser certaines étapes de fabrication, partiellement ou totalement externalisées, puisque le savoir-faire, les équipements, et maintenant les ressources, sont présentes chez le donneur d’ordre.
- Rechercher à gagner en performance dans la réalisation de certaines étapes pour éliminer la non-qualité, réduire la perte matière, et améliorer la productivité.
Passer du 100% « A façon » à une production pour partie « Produits Finis ». Il s'agit alors de faire monter en compétence certains fournisseurs pour qu’ils prennent en charge l’ensemble de la chaîne de valeur (approvisionnement, contrôle qualité aval et amont, fabrication et expédition d’articles ou de produits semi-finis) et ajuster en conséquence les ressources internes ;
Déployer des processus performants, en particulier sur le développement et l’industrialisation des nouveautés, selon les meilleurs standards « best-in-class », avec une définition claire des rôles & responsabilités des différents acteurs. C'est un moyen de faire face à l’accélération des collections (et à tous les évènements qui leur sont associés) et au rythme de lancement des nouvelles références (tous les 2 ou 3 mois).
2025, une année idéale pour préparer la reprise
Les prochains mois devraient être une période de transition permettant aux Maisons du Luxe de se focaliser sur leur transformation et celles de leurs maisons et/ou façonniers. Leur défi sera de se mettre en position de répondre durablement et rentablement à la reprise prévisible du marché alors même que la contraction de leur résultat sur 2024 les contraint dans les projets à lancer au profit de ceux ayant un impact significatif sur leurs modes et coûts de fonctionnement tout en consolidant leur savoir-faire, enjeu fondamental de leur réputation et de leur proposition de valeur.
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