Supply chain décarbonée

      Comment les industriels créent de la valeur par la réduction du scope 3.

      Publié le 25 juillet 2025

      Le scope 3 désigne toutes les émissions indirectes générées par la chaîne de valeur d'une entreprise : fournisseurs, transport, utilisation et fin de vie des produits. Ces émissions sont en moyenne 11 fois supérieures à celles provenant des scopes 1 et 2 [1]. Selon le CDP, les entreprises engagées dans la réduction de leur empreinte carbone sur le scope 3 ont déjà économisé 13,6 milliards de dollars tout en évitant 43 millions de tonnes d'émissions [2] - soit l'équivalent des émissions annuelles de la Suède. Pourtant, seulement 15 % des acteurs industriels déploient des actions ciblées sur leur chaîne d'approvisionnement

      Scope 3 industriel : des enjeux critiques sous-estimés

      Le scope 3 de l'industrie manufacturière présente des spécificités qui le distinguent radicalement des autres secteurs. Contrairement au tertiaire où les déplacements professionnels dominent, l'activité industrielle concentre ses émissions indirectes sur trois sources : les achats de matières premières, le transport de marchandises, et les investissements en biens d'équipement.

      Dans l'industrie automobile par exemple, plus de 94 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) relèvent du scope 3 [3]. L'intérieur véhicule génère 34 % des émissions scope 3, le groupe motopropulseur 31 %, la carrosserie 26 % [4]. Cette répartition guide les stratégies de décarbonation : il devient essentiel de cibler les fournisseurs d'intérieur. La complexité des chaînes d'approvisionnement amplifie ces défis.

      Les fournisseurs de rang 2 contribuent à 34 % des émissions scope 3, contre 14 % pour le rang 1 et 26 % pour le rang 3. Ces chiffres remettent en cause l'approche traditionnelle centrée sur les relations directes avec les fournisseurs de premier rang.

      Bon à savoir : alors que l'intégration du scope 3 dans les bilans GES était auparavant facultative, les entreprises ont désormais l'obligation de l’inclure depuis le 1er janvier 2023 [5]. Cette évolution réglementaire renforce son caractère essentiel dans la lutte contre le changement climatique.

      Diagnostic scope 3 : cartographier les 15 catégories industrielles

      L'analyse du scope 3 industriel exige une approche granulaire des 15 catégories définies par le GHG Protocol, chacune présentant des ordres de grandeur et des leviers d'action spécifiques selon les secteurs manufacturiers.

      • Les catégories amont (1 à 8)

        Elles concentrent l'essentiel des émissions dans l’activité industrielle. La catégorie 1 (achats de biens) domine en raison de l'intensité matière des processus industriels. Par exemple, 900 kg d'acier sont nécessaires pour produire une voiture [6].

      • La catégorie 4 (transport amont)

        Elle présente des spécificités industrielles : transport sur de longues distances, multimodalité (ferroviaire et fluvial), stockage intermédiaire. L'objectif est de mutualiser les flux, d'optimiser les tournées et de relocaliser certains fournisseurs.

      • Les catégories aval (9 à 15)

        Elles varient selon les secteurs. La catégorie 11 (utilisation des produits vendus) devient critique pour les biens d'équipement : une machine-outil génère plus d'émissions en phase d'usage qu'en phase de production. Cette réalité incite les équipementiers à optimiser l'efficacité énergétique de leurs produits.

      • La catégorie 12 (fin de vie)

        Elle prend de l'ampleur avec les exigences sur l'économie circulaire. Pour de nombreux industriels, la marge de manœuvre est considérable sur cette catégorie. Par exemple, 85 % des matériaux d’une voiture sont recyclables, mais seulement 30 % de matériaux recyclés [7] sont intégrés. Cette situation offre un avantage aux industriels qui investissent dans des solutions de recyclage structurées au sein de leur chaîne de valeur.

      Technologies de rupture pour la décarbonation industrielle

      L'industrie mise sur quatre innovations spécifiquement adaptées à la décarbonation du scope 3 :

      • L'hydrogène bas carbone

        Il révolutionne les procédés à haute température. Dans la sidérurgie - responsable de 7% des émissions globales [8], l'hydrogène permet de remplacer le coke (issu de la pyrolyse de houille) et d’éviter ainsi des émissions de dioxyde de carbone. ArcelorMittal investit 1,7 milliard d'euros dans cette technologie sur son site de Dunkerque. L'hydrogène permet également la décarbonation des procédés chimiques : production d'ammoniac, raffinage, synthèse de méthanol.

      • L'électrification des procédés

        Elle transforme les opérations énergivores. Dans le secteur de la verrerie, les fours électriques remplacent progressivement ceux à gaz. Pour optimiser leur bilan carbone, ces technologies doivent utiliser de l’électricité décarbonée, issue des énergies renouvelables ou du nucléaire.

      • La biomasse

        Elle substitue les énergies fossiles dans les procédés nécessitant de la chaleur. L'industrie du bois (papeterie, scieries, menuiseries, etc.) valorise ainsi ses déchets (copeaux, sciures) pour produire de l'énergie durable.

      • La technologie CCUS (Capture stockage et utilisation de carbone)

        Elle cible les émissions incompressibles et « permet de retenir du CO2 émis par les procédés industriels » [9]. Lafarge investit ainsi plus de 200 millions d'euros dans CarboClearTech, un projet pilote pour capter le dioxyde de carbone de sa cimanterie de Martres-Tolosane [10]

      Quelle gouvernance supply chain pour décarboner vos chaînes de valeur ?

      Déployer une stratégie de réduction carbone sur le scope 3 implique de repenser la gouvernance de la chaîne d'approvisionnement, bien au-delà du premier cercle de fournisseurs. Cette approche nécessite des outils de pilotage adaptés et des mécanismes d'incitation innovants.

      Elle identifie les contributeurs majeurs aux émissions scope 3. Cette analyse permet de cibler les efforts. Accompagner 200 fournisseurs stratégiques génère un impact plus grand que sensibiliser 2000 fournisseurs de rang 3.

      Ils évoluent : les contrats intègrent désormais des clauses de performance carbone, avec bonus/malus liés aux émissions.

      Il devient un service différenciant. Certains industriels déploient des équipes d'experts chez leurs fournisseurs pour optimiser leurs consommations énergétiques.

      Ils deviennent stratégiques : ils facilitent le suivi et le pilotage. Les plateformes de collecte de données automatisent le recueil d'informations auprès de milliers de fournisseurs. L’IA identifie les anomalies et suggère des actions correctives en temps réel.

      ROI de la décarbonation scope 3 : business cases industriels

      La décarbonation du scope 3 ne se limite pas à une exigence environnementale. Elle génère des retours sur investissement tangibles :

      • La sécurisation des approvisionnements : les fournisseurs engagés dans la décarbonation sont plus résilients, diversifient leurs sources d'énergie et réduisent leur exposition à la volatilité des prix fossiles. Cette stabilité se traduit par des relations commerciales plus durables et des coûts prévisibles.
      • L'optimisation logistique génère des économies directes. La consolidation des flux de transport, l'optimisation des tournées et les reports modaux réduisent les coûts.
      • L'accès aux financements verts facilite les investissements. Les banques proposent des taux préférentiels aux industriels qui justifient d'une stratégie de décarbonation crédible, mesurable et ambitieuse.
      • La différenciation commerciale ouvre de nouveaux marchés. Les grands groupes industriels imposent des critères carbone à leurs fournisseurs.

      Méthode KPMG : 4 phases adaptées aux spécificités industrielles

      KPMG accompagne les entreprises industrielles via une méthodologie structurée autour de quatre phases pour décarboner leur chaîne de valeur, intégrant les contraintes techniques, économiques et organisationnelles des secteurs manufacturiers.

      looks_one

      Phase 1

      La phase de diagnostic industriel (2 mois)

      Elle cartographie les 15 catégories selon les spécificités sectorielles. L'analyse des fournisseurs identifie les contributeurs critiques. La collecte de données intègre les spécificités industrielles : facteurs d'émission par procédé, coefficients de transport par mode, émissions de combustion par technologie.

      looks_two

      Phase 2

      Le ciblage des technologies (2 mois)

      Il évalue les 4 technologies de rupture selon les contraintes industrielles. L'analyse technico-économique intègre les CAPEX, OPEX et gains opérationnels spécifiques. Les scénarios de décarbonation considèrent les cycles d'investissement industriels et les contraintes de continuité de production.

      looks_3

      Phase 3

      Le design de la gouvernance (2 mois)

      Il structure l'écosystème multi-tiers. Les mécanismes d'incitation adaptent les pratiques achats aux enjeux carbone. La gouvernance intègre les spécificités industrielles : cycles longs, investissements lourds, contraintes techniques.

      looks_4

      Phase 4

      Le déploiement opérationnel (18 mois)

      Il accompagne la transformation des processus industriels. L'implémentation des technologies de rupture s'appuie sur des partenaires spécialisés. Le pilotage intègre les KPI industriels : émissions par tonne produite, efficacité énergétique des procédés, taux de recyclage des matières.


      La décarbonation du scope 3 n'est plus un choix mais un impératif stratégique. Les 13,6 milliards [11] de dollars déjà économisés le démontrent : réduire les émissions indirectes crée une valeur durable, réduit l'empreinte environnementale, et assure un avantage concurrentiel dans un contexte climatique exigeant. Les industriels qui maîtrisent aujourd'hui leur équation scope 3 construisent leur avantage concurrentiel de demain.

      Auteurs : 

      Nicolas Leonetti

      Associé, Head of Energy transition

      KPMG en France

      Valérie Besson

      Associée, Responsable France du secteur des Énergies, Ressources Naturelles et Chimie, Responsable Monde Audit du secteur ENRC

      KPMG en France

      Aller plus loin

      notes ARTICLE

      Découvrez comment adapter les data centers aux besoins énergétiques croissants de l'IA tout en respectant les objectifs de décarbonation.

      notes ARTICLE

      Réduire ses émissions de gaz à effet de serre génère des bénéfices. La décarbonation est un facteur de compétitivité et de résilience face aux crises.

      notes ARTICLE

      Exploiter la valeur de votre volume de données.

      Restez informés des dernières actualités de KPMG en vous abonnant dès maintenant à nos communications personnalisées.