L’expérience collaborateur garante de la satisfaction client

Interview : Maria Harti, Présidente de la société Interfaces.

Publié le 4 juin 2021

Tag : Innovation

La présidente de la société Interfaces, ancienne directrice générale de Ouibus, revient sur les bénéfices de la co-construction menée avec les consommateurs mais aussi, et surtout, avec les collaborateurs. De ces échanges surgissent, entre autres, tendances émergentes et amélioration opérationnelle.

Quels usages émergents la co-construction avec le consommateur permet-elle d'identifier ?

Ce que nous rappelons à tous les jeunes entrepreneurs qu’INTERFACES accompagne est  que la co-construction ne consiste pas à tester ses propres idées auprès de consommateurs mais à pratiquer une réelle écoute et une véritable observation de leurs besoins et usages. Si vous souhaitez vraiment capter les tendances et comprendre les mouvements de fond qui sont à l’œuvre, vous devez vous présenter avec une certaine naïveté et une vraie ouverture, plutôt que d'essayer de coller des hypothèses préconçues sur un panel de consommateurs.

Les nouveaux besoins que nous pouvons actuellement identifier grâce à la co-construction avec le consommateur sont au nombre de quatre. Nous observons tout d’abord que les jeunes collaborateurs, issus des générations Y et Z, de plus en plus majoritaires aujourd'hui sur le marché du travail, sont dans des cycles très courts vis-à-vis de leurs employeurs. Ces cycles courts impactent significativement la manière de recruter, de motiver et de fidéliser ces jeunes recrues mais aussi de travailler avec elles.

Autre tendance lourde : le retour à l'ancrage local, aux racines, au territoire. De plus en plus de personnes retournent vivre dans leur terre natale, se disant qu’elles peuvent désormais travailler à distance et faire quelques allers-retours de temps en temps en cas de besoin. La troisième tendance de fond tient au fait que les consommateurs ont désormais pris l’habitude de passer commande en ligne et de voir les produits achetés leur être rapidement livrés, sans effort ni perte de temps. Cette économie d'énergie humaine et de temps est réallouée à des activités ayant davantage de sens pour eux.

Le dernier point est lui aussi étroitement lié au sens. Enfermé pendant plus de trois mois au cours des confinements successifs, chacun d’entre nous a eu le temps de se poser de nombreuses questions sur le sens de la vie. Il en ressort que, à chaque fois que nous entreprenons quelque chose, nous réfléchissons davantage au sens de notre action. Un plus haut niveau de conscience et d'exigence est donc en train de se développer.

En quoi la pluridisciplinarité facilite-t-elle l'experience economy ?

En 2011, quand j'ai créé Ouibus, opérateur européen de transport par autocar, j'ai réuni autour de la table, au tout début des réflexions, plusieurs profils : une artiste, un designer, une chasseuse de tendances, un directeur financier et un marketeur. L’enjeu était de répondre aux questions suivantes : « Quelles sont les différentes alternatives dans la mobilité et quelle est la mobilité idéale pour chaque type de persona ? ».

J’ai par la suite fait appel à un historien des transports et je lui ai demandé de travailler sur l'histoire des sociétés ferroviaires ayant œuvré en France depuis la fin du 19ème siècle. Je souhaitais savoir ce qu'elles avaient développé comme services et découvrir s'il y avait un lien avec les offres routières. Il faut en effet se remettre dans le contexte de la création de Ouibus : je montais de toutes pièces une offre routière dans un Groupe profondément ferroviaire, ce qui correspond à des cultures radicalement différentes.

L’historien m’a rappelé que la SNCF était le résultat, en 1937, du rachat par l’État des 5 grandes compagnies ferroviaires privées du pays, et de leur fusion. Il m’a également montré que toutes ces sociétés privées avaient développé, dès leurs débuts, une offre routière, en complément de leur offre ferroviaire. Ce travail « historique » m'a donc permis de bâtir un argumentaire visant à démontrer que ce n’est pas parce que la SNCF avait décidé de ne pas développer d'offre routière longue distance, que cela n'avait jamais existé.

Autre exemple de pluridisciplinarité : j'ai travaillé avec le cabinet Carbone 4 pour démontrer que Ouibus ne serait pas une entrepris polluante, comme certains l’insinuaient. Nous avons prouvé, chiffres à l’appui, qu’un autocar permettait d'économiser 20 voitures et que le bilan carbone complet de cette activité était meilleur que celui de la voiture individuelle.

La pluridisciplinarité permet donc d’éviter de concevoir de nouvelles offres ou de nouveaux produits en ayant autour de la table des profils trop similaires, trop « clonés » les uns sur les autres. De là jaillissent le maximum d'angles de vue différents, autrement dit, le minimum d’angles morts, c’est-à-dire le minimum de risques d'échec. 

« La pluridisciplinarité permet également de construire des argumentaires solides pour bâtir et défendre des projets. »

La co-construction avec le collaborateur est-elle une condition sine qua none d'une expérience client réussie ?

Même si un service est entièrement délivré par le canal digital, les clients rentrent toujours en contact, à un moment donné, avec un humain. Cela peut être dans le cadre d’une question posée sur un produit, d’une réclamation... L'enjeu est bien entendu de donner entière satisfaction aux clients lors de ces interactions, afin de les fidéliser et de générer un bouche-à-oreille positif de leur part.

Mais pour parvenir à ce niveau de qualité, le collaborateur doit non seulement être convaincu du bien-fondé du service qu'il rend mais aussi être à l'aise émotionnellement et ergonomiquement quand il réalise sa prestation de service. Si tel n’est pas le cas, il va perdre beaucoup de temps et d'énergie à corriger les défauts de production et sa disponibilité vis-à-vis des clients va s’en trouver réduite. 

Quelles sont les bonnes pratiques à suivre ?

Il est tout d’abord crucial, en amont de toute conception ou réinvention d’un service, d’associer les collaborateurs à la construction d’une vision commune. Les questions à se poser sont les suivantes : « Que voulons-nous devenir ? Comment allons-nous y parvenir ? Avec quelles valeurs ? » Cette démarche permet de s’assurer que tout le monde est aligné sur le sens, la mission et les valeurs de l’activité. Une fois cet alignement réalisé, les collaborateurs peuvent même inclure leurs propres rêves dans cette vision collective. Convaincus de ce qu’ils font, ils deviennent alors les meilleurs ambassadeurs de l’entreprise.

« La co-construction avec les collaborateurs permet également de recueillir une information de très haute qualité sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas au quotidien dans leur travail. Je dirais que les salariés sont le meilleur bureau d'étude des processus qui soit ! »

Grâce à eux, vous pouvez construire des processus de production d’un service les plus lean possibles et vous épargner les projets de type Six Sigma.

Enfin, il est extrêmement important de faire vivre cette démarche dans le temps. Donner régulièrement la parole aux salariés, faire remonter les dysfonctionnements récurrents et les corriger rapidement permet de fluidifier les prestations de service fournies et d’améliorer la satisfaction client. En d’autres termes, quand vous rentrez dans ce type d’approche, vous renforcez la fidélité de vos clients mais vous réduisez aussi, et surtout, vos coûts de non-qualité. Cela se traduit par une amélioration de votre EBITDA et de votre marge opérationnelle, ce qui représente un véritable cercle vertueux. C'est la raison pour laquelle je dis toujours qu'il faut commencer par les collaborateurs et non par les consommateurs.

À retenir

La pluridisciplinarité permet donc d’éviter de concevoir de nouvelles offres ou de nouveaux produits en ayant autour de la table des profils trop similaires, trop « clonés » les uns sur les autres. De là jaillissent le maximum d'angles de vue différents, autrement dit, le minimum d’angles morts, c’est-à-dire le minimum de risques d'échec.

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