Préface
Il s’agit de la troisième partie d’une série portant sur les nouvelles règles relatives aux versements admissibles (aussi appelées subventions) s’appliquant aux organismes de bienfaisance canadiens. Par le passé, les organismes de bienfaisance canadiens devaient mener leurs « propres activités », peu importe où ils se trouvaient dans le monde. En pratique, cela signifiait qu’ils devaient conserver le contrôle et la direction à l’égard de l’utilisation de leurs ressources. En juin 2022, le Parlement a adopté des règles permettant aux organismes de bienfaisance de soutenir les activités d’autres organismes dans la mesure où ils poursuivaient également les objectifs du bailleur de fonds canadien. En décembre 2023, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a publié sa position définitive sur la façon dont les organismes de bienfaisance devraient mettre en œuvre ces nouvelles règles. Nos articles précédents de la série (voir ci-dessous) portaient sur la nature de l’analyse des risques requise, et nous aborderons ici certains des éléments les plus pratiques de l’analyse des risques.
Élaboration d’un argumentaire de gestion des risques
On peut pardonner à quiconque ayant lu les nouvelles « lignes directrices » de l’ARC sur les versements admissibles1 de ne pas se sentir particulièrement guidé. Le document donne davantage une idée de l’attitude qu’adopteront les vérificateurs de l’ARC au moment de la vérification, plutôt qu’une feuille de route pour les organismes de bienfaisance sur la meilleure façon de mettre en œuvre les nouvelles règles.En pratique, les vérificateurs se présentent au bureau de l’organisme de bienfaisance (habituellement) de nombreuses années après que les événements qu’ils vérifient se sont produits. À moins qu’ils n’aient obtenu une explication verbale, cela les oblige à s’appuyer sur des preuves documentaires pour déterminer si les organismes de bienfaisance se conforment à la loi.
Lorsqu’ils examinent des documents, les vérificateurs évaluent le caractère convaincant des preuves qu’ils voient et rejettent celles qu’ils jugent peu convaincantes ou non pertinentes. Étant donné que le vérificateur joue un rôle extrêmement important dans la prise de la décision quant à la sanction, le fait qu’un vérificateur puisse ne pas être convaincu par les preuves est manifestement d’une importance capitale dans le cadre de la réalisation de la vérification. La solution à ce problème consiste à effectuer une planification méticuleuse avant de participer à une opération internationale. Dans la pratique, cela exige que l’organisme de bienfaisance se munisse des éléments de preuve nécessaires et d’une analyse justifiable pour démontrer qu’il s’est conformé à la loi.
Analyse des risques
L’ARC est d’avis qu’un organisme de bienfaisance doit effectuer une analyse des risques avant d’accorder une subvention. Comme la loi ne le mentionne pas explicitement, nous n’avons pas de source externe sur laquelle nous appuyer pour expliquer ses exigences, à l’exception des propres prises de position de l’ARC2. L’ARC elle-même précise que les facteurs à prendre en considération dans l’analyse des risques ne sont pas exhaustifs et que les lignes directrices ne contiennent aucune indication sur la pondération des facteurs particuliers. En effet, les lignes directrices ne traitent même pas de la façon dont l’analyse devrait être menée ni ne fournissent de gabarit. Malheureusement, cela donne à l’ARC une latitude incroyable pour affirmer que l’analyse des risques est insuffisante, qu’il s’agisse des preuves ou de l’analyse.
Au cours de nos nombreuses années d’expérience auprès d’organismes de bienfaisance menant des activités à l’étranger, nous avons constaté que l’ARC allègue souvent qu’il n’y a pas suffisamment de contrôle et de direction. C’est en partie parce qu’il est toujours possible de faire cette allégation. La même situation prévaut avec les nouvelles règles. Étant donné que l’ARC a elle-même déclaré que la liste des facteurs à prendre en considération n’est pas exhaustive, et qu’elle n’a fourni aucun type d’exemple d’analyse, nous devons partir du principe que l’ARC s’attendra à davantage de de preuves et à des analyses plus poussées plutôt qu’au contraire.
Preuves
L’ARC a déjà dressé la liste des facteurs minimaux qu’elle s’attend à voir dans une analyse des risques. Il faut garder à l’esprit que le nom des documents peut changer en fonction de l’emplacement prévu, mais elle s’attend donc, à tout le moins, aux éléments suivants :
- Une proposition de subvention avec une description détaillée de la subvention proposée.
- Une description de l’organisation donataire potentielle, en particulier de son expérience en matière d’obtention de résultats liés à l’objectif de la subvention.
- Une description de l’expérience antérieure du donateur avec l’organisation donataire potentielle, le cas échéant. Cela pourrait également comprendre des réflexions personnelles d’un représentant de l’organisme de bienfaisance qui a acquis de l’expérience dans d’autres travaux et des références de tiers.
- Les documents constitutifs de l’organisation donataire.
- Des copies de tout document de nom commercial ou d’emprunt.
- Un organigramme de l’organisation donataire pour comprendre qui contrôle l’argent.
- Un certificat de bonne réputation de l’organisation donataire fourni par le gouvernement étranger pertinent (statut d’entreprise et potentiellement statut d’« organisme de bienfaisance », et tout autre élément pertinent).
- Des documents juridiques (statuts, résolutions ou documents bancaires) qui illustrent le contrôle légal de l’utilisation des fonds.
- La documentation de tiers sur la stabilité politique et la fiabilité du secteur bancaire. Documentation supplémentaire requise sur la région où sont menées les opérations si le pays est généralement instable.
Exemples d’ajouts à prendre en considération
En plus des informations nécessaires pour documenter les éléments minimaux soulevés par l’ARC, un rapport d’analyse des risques tenant compte de tous les aspects pourrait inclure :
- La documentation sur les contrôles internes pour montrer qu’il est peu probable que l’organisation donataire détournera des fonds.
- Une déclaration de toute relation personnelle entre les employés du donateur/les bénévoles et les particuliers bénéficiaires.
- Toute information, comme un parti pris, qui pourrait compromettre la fiabilité de l’analyse.
- Les informations indiquant que le destinataire est susceptible de réaliser les prestations. Par exemple :
- Des articles de journaux sur le bénéficiaire éventuel de la subvention.
- Des photos des activités du bénéficiaire éventuel.
- Toute autre information propre au contexte.
Malheureusement, il est toujours possible pour un critique (ou un vérificateur) de faire une allégation selon laquelle le dossier ne contient pas suffisamment de preuves. Il n’y a pas de ligne de démarcation claire qui permette d’indiquer la quantité de preuves qui est suffisante, mais il doit à tout le moins y avoir un élément qui justifie le transfert de fonds par l’organisme de bienfaisance au donataire.
Analyse
Bien sûr, la collecte de preuves n’est que la première partie du rapport. La deuxième consiste à analyser les preuves afin de déterminer si l’organisme de bienfaisance devrait accorder la subvention en question.
À quoi devrait ressembler une telle analyse? Malheureusement, l’ARC a omis cette partie de ses « lignes directrices », mais, du moins en ce qui concerne l’ARC, on pourrait s’attendre à ce que l’analyse tienne compte des preuves compilées pour déterminer les différents points à risque dans le cas desquels les ressources de l’organisme de bienfaisance pourraient être utilisées à mauvais escient. L’intention n’est pas seulement de déterminer si l’organisme de bienfaisance devrait aller de l’avant avec la subvention, mais, le cas échéant, d’atténuer les risques identifiés dans le cadre de l’analyse.
Il semble probable, surtout en raison de l’imposition de méthodes d’exploitation canadiennes à des pays étrangers, qu’il manquera des preuves. Cet aspect en soi (ou le fait qu’il est possible que les Canadiens ne comprennent pas bien les documents étrangers) pourrait être identifié comme un facteur de risque élevé potentiel.
La valeur du rapport ne réside pas seulement dans les preuves recueillies, mais aussi dans l’analyse effectuée à partir de ces preuves. De toute évidence, ces rapports devraient être rédigés par des personnes bien informées qui peuvent, dans une certaine mesure, inspirer confiance et donner légitimité au rapport. Des rédacteurs compétents et professionnels aideront à atténuer le risque que l’ARC déclare simplement que l’organisme de bienfaisance n’a pas veillé à ce que les fonds soient utilisés de façon appropriée et qu’il contrevient donc à la loi.La loi donne une grande marge de manœuvre à l’ARC pour faire cette allégation.
Étant donné que l’exigence relative à l’analyse des risques est nouvelle, il n’y a pas beaucoup de personnes qui peuvent accomplir ce travail au Canada. Toutefois, comme l’intention n’est pas seulement de produire un rapport utilisable, mais aussi de protéger l’organisme de bienfaisance contre les risques juridiques (liés à la subvention et à l’ARC), nous suggérons aux organismes de bienfaisance qui souhaitent effectuer des versements admissibles de retenir les services d’un avocat d’expérience en droit des organismes de bienfaisance pour les aider à préparer l’analyse et l’accord de subvention approprié.
1 Organismes de bienfaisance enregistrés accordant des subventions à des donataires non reconnus, Gouvernement du Canada, Le 19 décembre 2023.
2 Le fait que l’analyse des risques ne soit pas explicite dans la loi signifie qu’il est peu probable qu’elle soit un jour soumise devant un tribunal et, par conséquent, cela place l’ARC dans la position involontaire de législateur sans les contrôles démocratiques habituels à l’égard du pouvoir
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