Les « lignes directrices » sont sans doute les communications les plus importantes de la Direction des organismes de bienfaisance de l'ARC. Toutefois, il ne s'agit pas nécessairement de lignes directrices sur les opérations pratiques, mais plutôt d'un aperçu de l'utilisation par l'ARC de son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de vérifications, ce qui, bien entendu, mène à des décisions concernant les opérations pratiques. Il en va de même avec les nouvelles lignes directrices intitulées « Organismes de bienfaisance enregistrés accordant des subventions à des donataires non reconnus »[1] à partir desquelles des étapes pratiques doivent être tirées de la position de l'ARC en matière de vérification. Cet article est le deuxième d'une série (voici le premier article de cette série Le Royaume-Uni influence le nouveau régime de subventions du Canada) visant à approfondir la question de l'utilisation pratique des lignes directrices.
En vertu de la loi, un organisme de bienfaisance enregistré canadien doit « s'assurer » que la subvention est utilisée aux fins de l'organisme de bienfaisance canadien. Il doit également conserver la documentation comme preuve et ne peut pas agir comme canalisateur des fonds. Il n'y a aucune mention d'une « analyse des risques », mais la position de l'ARC est que l'organisme de bienfaisance doit entreprendre une analyse relativement approfondie qui va probablement au-delà de la capacité de la plupart des organismes de bienfaisance. Compte tenu des éléments techniques et pratiques difficiles, un organisme de bienfaisance pourrait avoir besoin d'un incitatif supplémentaire à procéder à l'évaluation – en particulier dans des circonstances où le temps presse et où l'organisme de bienfaisance est presque certain que les fonds seront utilisés correctement.
La meilleure raison, c'est que l'ARC demande cette analyse. Bien que nous ne puissions pas imaginer l'ARC cherchant à punir un organisme de bienfaisance lorsque la subvention a effectivement été utilisée correctement même si aucune analyse des risques n'a été effectuée, nous ne pouvons pas le garantir. Un différend avec l'ARC peut représenter un lourd fardeau, et la prudence étant mère de sûreté, il est préférable de simplement faire l'analyse. La deuxième raison, c'est que peu importe à quel point on fait confiance au bénéficiaire, on ne peut pas savoir, avant que les fonds ne soient dépensés, s'ils le seront correctement. Des événements se produisent. Les catastrophes naturelles, les incendies, les inondations, les maladies, les décès prématurés et les vols sont tous imprévisibles, tout comme leur incidence sur les fonds de l'organisme de bienfaisance. Étant donné que le critère juridique n'inclut pas de clause de caractère raisonnable, il faudrait s'appuyer sur l'indulgence de l'ARC à ne pas imposer de sanction dans ces circonstances. Habituellement, l'ARC est plus compréhensive dans les cas où ses propres lignes directrices ont été suivies avant que le problème ne se pose.
Bien qu'il soit nécessaire d'effectuer l'analyse des risques, formuler une exigence explicite à cet égard ne l'est probablement pas. Outre le fait que l'évaluation fait de toute façon partie de la responsabilité d'un administrateur (voir à nouveau notre premier article), on peut imaginer qu'une évaluation des risques tacite est effectuée par toute partie expérimentée à une opération, en particulier une partie internationale.
Implicitement, dans la plupart des opérations, l'acheteur évaluera si l'autre partie à l'opération peut ou non tenir ses promesses. Il examinera des aspects comme la fiabilité de l'associé, la taille du fournisseur, la qualité du produit, la sécurité entourant la livraison, la réputation de l'autre partie et la probabilité que ses fonds soient volés par le fournisseur, l'administration locale ou des bandits. Imaginez que vous achetez du feutre pour votre entreprise de chapeaux pour la première fois auprès d'un fournisseur inconnu en Roumanie (par exemple). Dans quelle mesure seriez-vous sûr du produit et de sa livraison? En tant que petite entreprise, vous mèneriez une enquête et examineriez tous les aspects avant d'envoyer vos fonds.
En effet, l'analyse pourrait être plus approfondie. Il pourrait y avoir un examen du risque d'atteinte à la réputation du fait d'être associé à un partenaire particulier ou à une région particulière, des préoccupations liées aux facteurs ESG ou d'autres risques d'atteinte à la réputation qui pourraient découler de cette opération. De plus, même si les choses se passaient bien pendant plusieurs années, tout changement important dans la structure de votre partenaire pourrait vous amener à repenser votre analyse avant de poursuivre la relation.
Les lignes directrices précisent que les facteurs à prendre en considération sont variables et elles sont vagues quant au classement des divers facteurs de risque. Étant donné l'étendue et la taille du secteur des organismes de bienfaisance, cette approche est peut-être bonne pour l'ARC, mais elle fait en sorte qu'il est difficile pour les organismes de bienfaisance de savoir s'ils ont procédé à une analyse des risques qui les protégera d'un vérificateur de l'ARC exigeant. Toute évaluation des risques effectuée par un organisme de bienfaisance peut être considérablement différente de celle exigée par l'ARC, et elle devrait être acceptable si les critères de l'ARC sont respectés et que l'intention est de protéger les ressources de l'organisme de bienfaisance.
Pour illustrer notre propos, voici un tableau tiré des lignes directrices qui énumère certains facteurs, bien que, encore une fois, la liste ne soit pas exhaustive, et qui ne fournit aucun moyen de classer les préoccupations.
Évaluation des risques
Facteurs | Risque faible | Risque moyen | Risque élevé |
Expérience de l'organisme de bienfaisance | Une expérience importante en matière de subventions ou de travail avec des donataires non reconnus (tel qu'un intermédiaire). | Une certaine expérience en matière de subventions ou de travail avec des donataires non reconnus (tel qu'un intermédiaire). | Aucune expérience en matière de subventions ou de travail avec des donataires non reconnus (tel qu'un intermédiaire). |
Expérience de l'organisation donataire | Une expérience approfondie et efficace avec des organismes de bienfaisance et des programmes de bienfaisance. | Une certaine expérience dans le domaine des organismes de bienfaisance ou des programmes de bienfaisance. | Une organisation donataire ou un programme de bienfaisance nouvellement établi. |
Fins et document constitutif de l'organisation donataire | Les fins sont étroitement alignées avec celles de l'organisme de bienfaisance. | Il y a certaines différences entre les fins de l'organisme de bienfaisance et de l'organisation donataire, comme une fin qui ne relève pas de la bienfaisance. Toutefois, l'activité subventionnée peut tout de même s'inscrire dans au moins une des fins de bienfaisance de l'organisation donataire; par exemple, une entité à but lucratif qui a une fin qui pourrait également relever de la bienfaisance, comme la prestation de services éducatifs. | Il n'est pas clair que l'activité de bienfaisance subventionnée s'inscrive dans une fin de bienfaisance de l'organisation donataire. |
Structure de gouvernance de l'organisation donataire | Un cadre clair des responsabilités et de la structure hiérarchique au sein de l'organisation. | Une certaine structure organisationnelle est en place, mais elle n'est pas exhaustive. | Il y a peu ou pas de structure organisationnelle en place. |
Réglementation et surveillance de l'organisation donataire | Assujettie à la réglementation des organismes de bienfaisance, y compris dans une administration à l'extérieur du Canada. | N'est pas assujettie à la réglementation sur les organismes de bienfaisance, mais est assujettie à d'autres mesures de surveillance gouvernementale dans une administration à l'extérieur du Canada. | Ne fait pas l'objet d'une surveillance réglementaire. |
Préoccupations relatives aux avantages privés | Peu de préoccupations relatives aux avantages privés. | Un certain degré de préoccupations relatives aux avantages privés. | Un potentiel important d'avantages privés inacceptables, comme le fait d'accorder une subvention à une partie ayant un lien de dépendance. |
Emplacement de l'activité de subvention | Au Canada. Dans un pays ou une région stable, y compris en ce qui a trait à la sécurité et la stabilité sociale. Une infrastructure solide. Dans un pays où l'organisme de bienfaisance ou l'organisation donataire a une présence établie. |
À l'extérieur du Canada. Dans un pays ou une région présentant une certaine stabilité, tout en étant socialement instable, ou présentant des préoccupations en matière de sécurité. Au moins une infrastructure de base, comme des banques ou un accès fiable à Internet. Dans un pays où l'organisme de bienfaisance ou l'organisation donataire n'ont pas d'expérience ou de lien antérieur significatif. |
À l'extérieur du Canada. Dans un pays ou une région présentant une instabilité importante, y compris des conflits violents ou toute autre instabilité sociale, ou présentant des préoccupations en matière de sécurité. Un manque d'infrastructure, comme un accès limité aux institutions financières, comme les banques, ou à Internet. Dans un pays où l'organisme de bienfaisance ou l'organisation donataire n'ont pas d'expérience ou de lien antérieur. |
Montant de la subvention | Subvention à faible valeur (jusqu'à 5 000 $). | Subvention à valeur modérément élevée (plus de 5 000 $ jusqu'à 50 000 $). | Subvention à valeur élevée (plus de 50 000 $). |
Nature des ressources allouées | Ressources autres qu'en espèces susceptibles d'être utilisées uniquement à des fins de bienfaisance, comme des biens de bienfaisance, notamment des manuels scolaires ou des fournitures médicales. | Ressources quelque peu susceptibles d'être utilisées à des fins autres que de bienfaisance, comme une combinaison de ressources en espèces ou autre qu'en espèces. | Ressources susceptibles d'être utilisées à des fins autres que de bienfaisance, comme l'argent comptant, la cryptomonnaie et les biens immobiliers. |
Durée de la subvention | Subventions à court terme (moins de deux ans). | Subventions à plus long terme avec une date de fin (entre deux et cinq ans). | Subventions d'une durée de plus de cinq ans, y compris les subventions sans date de fin (comme les subventions immobilières). |
Afin de satisfaire aux exigences de l'ARC et aux responsabilités du directeur en matière de bonne gérance, l'analyse devrait être raisonnablement solide et pratique compte tenu des considérations de l'organisme de bienfaisance. Plutôt que de considérer le document de l'ARC comme une formule, les organismes de bienfaisance devraient prendre en compte toutes les circonstances de la subvention particulière. Aussi, le rapport lui-même devrait raisonnablement tenir compte des différents facteurs.
Le prochain article de notre série traitera de l'élaboration d'une analyse des risques concluante.
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