Le temps presse. La présentation de l’information sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG ») qui était volontaire est maintenant obligatoire. Certaines sociétés canadiennes devront obligatoirement présenter leurs informations ESG dès 2025. Toutefois, peu d’organisations sont préparées à l’entrée en vigueur de ce nouveau régime et à la certification par un tiers devant être obtenue. Pour être prêtes, les sociétés doivent élaborer un plan détaillé, apporter des changements organisationnels et engager des ressources.

La présentation obligatoire de mesures non financières au public expose les sociétés à de nouveaux risques. Une information trompeuse ou inexacte peut nuire à la réputation aux yeux des principales parties prenantes, réduire l’accès aux capitaux et entraîner une baisse du prix de l’action de la société. Les sociétés pourraient devoir divulguer des informations de nature concurrentielle, comme l’utilisation de ressources, qu’elles n’auraient peut-être pas communiquées précédemment aux investisseurs, et la stratégie d’affaires globale pourrait être touchée par les pressions exercées par les actionnaires visant à améliorer certaines mesures. Parallèlement, l’intégration de la stratégie ESG à la stratégie d’affaires globale et ses effets sur les mesures financières seront plus visibles et plus susceptibles d’être examinés par les parties prenantes.

Compte tenu de ces répercussions, les sociétés doivent élaborer un solide système de gestion et de gouvernance pour les facteurs ESG, sous la surveillance du conseil d’administration. Dans la plupart des sociétés, ce système pourrait bien être délégué au comité d’audit, car c’est l’instance qui a le plus d’expérience en certification, en surveillance des données et des contrôles, et en examen des rapports qui seront rendus publics. De plus, l’auditeur financier de la société pourrait avoir reçu pour mission de fournir une certification par un tiers à l’égard de la présentation de l’information ESG, et le service des finances y participera – et devrait y participer – probablement activement, parce que ses compétences cadrent étroitement avec celles qui sont nécessaires à la préparation de cette nouvelle présentation de l’information.

Bon nombre d’organisations exigeront la présentation officielle des informations ESG, plutôt qu’une présentation sur une base volontaire ou aucune présentation du tout

Dans la publication de KPMG intitulée Road to Readiness: KPMG ESG Assurance Maturity Index 2023, les deux tiers (66 %) des répondants et 78 % des répondants qui sont des sociétés cotées déclarent que leur entreprise « doit maintenant présenter les données ESG ou devra bientôt le faire » [traduction].1 Jusqu’à maintenant, la présentation de ces informations se faisait la plupart du temps sur une base volontaire, mais, au cours des prochaines années, les sociétés ouvertes et les autres entités d’intérêt public devront présenter des informations ESG précises en vertu d’un ou de plusieurs cadres de présentation de l’information.

En juin 2023, l’International Sustainability Standards Board (« ISSB ») a publié ses premières normes d’information sur la durabilité, l’IFRS S1, Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et l’IFRS S2, Informations à fournir en lien avec les changements climatiques, qui doivent être adoptées à l’échelle mondiale sur une base juridictionnelle.2 Au Canada, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (« CCNID ») a d’ailleurs été constitué pour favoriser l’adoption des normes. Entre-temps, certaines sociétés peuvent choisir de les adopter de façon volontaire et de présenter leur information conformément aux normes IFRS S1 et S2 pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024. Ces normes ont également été approuvées par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (« OICV »), qui a invité ses 130 juridictions membres à envisager leur application.L’OICV représente 95 % des marchés mondiaux des titres, de sorte que l’adoption des normes dans la réglementation sera probablement généralisée.3

Pour les exercices clos à compter du 1er octobre 2024, certaines institutions financières fédérales du Canada devront fournir des informations financières relatives aux changements climatiques, conformément à la Ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques, publiée par le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF »). Par ailleurs, en Europe, les premières sociétés assujetties à la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD) doivent commencer à présenter leur information conformément aux normes européennes d’information sur la durabilité (European Sustainability Reporting Standards ou ESRS) pour les périodes ouvertes à compter du 1er janvier 2024.4

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») collaborent avec le CCNID qui envisage d’adopter les normes de l’ISSB. D’ailleurs, le CCNID mène toujours des consultations et n’a pas annoncé de date d’entrée en vigueur pour les nouvelles obligations d’information qui s’appliquent aux entités cotées au Canada, mais nous prévoyons qu’elles entreront en vigueur au cours des deux prochaines années.Aux États-Unis, les sociétés doivent se préparer en vue des exigences qui s’appliqueront peu après que la Securities and Exchange Commission (« SEC ») aura fait son annonce finale sur les règles relatives à la présentation des informations en lien avec les changements climatiques. Les comités d’audit voudront s’assurer que la direction dispose d’un processus de suivi de l’environnement réglementaire et qu’elle sait quels règlements s’appliquent à la société.

Le « S » dans les ESG entraîne également de nouvelles obligations de présentation de l’information. La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement exigera de certaines sociétés canadiennes et d’institutions gouvernementales qu’elles présentent chaque année au ministre de la Sécurité publique un rapport accessible au public sur les mesures prises au cours de son dernier exercice « pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité – au Canada ou ailleurs – ou de leur importation au Canada ».5 Le premier rapport devra être produit au plus tard le 31 mai 2024, et le défaut de produire un rapport peut donner lieu à des amendes, à des enquêtes et engager la responsabilité des administrateurs.Les comités d’audit doivent s’assurer que les dirigeants savent si leur organisation est visée par la présentation de l’information et, le cas échéant, s’enquérir des mesures prises pour fournir des informations exhaustives et exactes d’ici la date limite.

Les entreprises doivent établir un plan d’action

Malgré l’importance des exigences à venir en matière de présentation officielle de l’information ESG, peu d’organisations sont prêtes à leur entrée en vigueur. Seulement 27 % des sociétés sondées par KPMG ont indiqué qu’elles « ont des politiques et des procédures solides pour appuyer l’élaboration de leurs informations ESG » et seulement le quart (25 %) estiment avoir mis en place les « politiques, les compétences et les systèmes nécessaires à la certification ESG ».6Compte tenu de l’imminence des échéances pour la présentation obligatoire de l’information, les comités d’audit doivent s’assurer que la direction met en place les politiques et les systèmes nécessaires, et recrute du personnel ou veille à la mise à niveau des compétences des employés afin de s’assurer que la société possède les talents et les connaissances nécessaires pour répondre à ces exigences.

Presque toutes les organisations devront renforcer la présentation de leur information ESG pour qu’elle soit conforme à ces nouvelles exigences réglementaires, et la complexité de la transition ne doit pas être sous-estimée. Cela nécessitera beaucoup de ressources, de temps et de collaboration interdisciplinaire à l’échelle de l’organisation. Même les sociétés qui présentent volontairement leurs mesures ESG devront apporter des changements importants, puisque la version définitive des règlements exigera que les sociétés présentent des mesures qu’elles ne déclarent pas actuellement, qu’elles utilisent une méthodologie différente de celle qu’elles emploient aujourd’hui, ou les deux. Les sociétés qui exercent leurs activités dans plusieurs juridictions pourraient également constater que les déclarations préparées pour une juridiction donnée sont insuffisantes ou non conformes pour une autre.

Le comité d’audit doit s’assurer que la direction a établi un plan d’action pour que sa présentation de l’information soit conforme aux normes officielles de présentation de l’information et de certification qui s’appliquent. Ce plan doit être réalisable compte tenu des ressources disponibles de l’organisation et de l’importance d’autres initiatives. Il commence par une compréhension claire de la situation actuelle de la société et des mesures à prendre pour se conformer aux nouvelles normes de présentation de l’information. Des plans doivent être élaborés pour combler les lacunes et répondre aux besoins en ressources.

Un défi particulier pour les sociétés, et l’un des domaines sur lesquels les comités d’audit peuvent se concentrer, est celui des processus et des contrôles que la direction a mis en place (ou qu’elle entend mettre en place) pour s’assurer que l’information communiquée est exhaustive, exacte et peut être certifiée. Ces processus et ces contrôles devraient être aussi solides que ceux relatifs à l’information financière, et leur conception et leur mise en place devraient impliquer des personnes possédant les compétences et les connaissances appropriées dans ces domaines. Compte tenu de leurs compétences fondamentales dans ces domaines, nous nous attendons à ce que les équipes de la présentation de l’information financière et de l’audit interne jouent un rôle clé dans la présentation de l’information ESG.

Les capacités actuelles de la direction et celles qui sont nécessaires pour réussir la transition vers l’état de préparation de la présentation de l’information ESG et la certification sont des éléments cruciaux. Le comité d’audit peut jouer un rôle essentiel dans la compréhension des capacités actuelles, de ce qui est nécessaire et des cas où un soutien supplémentaire est requis en améliorant les compétences du personnel actuel ou en faisant appel à des experts internes ou externes, y compris au niveau du conseil d’administration.

La présentation de l’information ESG sera intégrée à celle des informations financières

Bien que les normes de présentation de l’information financière et celles de présentation de l’information ESG demeurent distinctes, nous nous dirigeons probablement vers un rapport intégré contenant des informations financières et non financières. Certaines organisations ont déjà ce type de rapports, même si seulement certains éléments peuvent faire l’objet d’une certification externe.

Dans de nombreux cabinets, la stratégie et la présentation de l’information en matière d’ESG sont cloisonnées par rapport à la stratégie globale et à d’autres types de rapports. Toutefois, une collaboration interfonctionnelle sera nécessaire à mesure que nous nous rapprocherons de la présentation de l’information intégrée. Une approche globale de la présentation de l’information doit commencer au niveau du conseil d’administration et se répercuter sur la direction et l’organisation dans son ensemble. Le comité d’audit dispose de toute la perspective nécessaire pour s’assurer que l’organisation évolue vers une structure où les facteurs ESG et la durabilité sont intégrés à tous les aspects de l’organisation.

L’auditeur financier de la société devrait fournir une certification de l’information ESG

La déclaration obligatoire de l’information liée aux facteurs ESG étant à l’horizon, les investisseurs exigent une validation par des tiers de ces mesures et des informations connexes. La fourniture d’une certification est la compétence fondamentale des auditeurs d’états financiers, ce qui fait en sorte qu’ils sont les mieux placés pour fournir une certification des informations non financières.Les normes sont rédigées selon un bon nombre des principes utilisés pour les normes d’information financière, lesquelles sont bien connues des auditeurs d’états financiers.

Au-delà des connaissances fondamentales, le recours à l’auditeur des états financiers d’une société procure des avantages et des gains d’efficience supplémentaires. Le fait de traiter avec une seule entreprise imposera un fardeau administratif moins lourd que celui de traiter avec plusieurs entreprises et évitera aux sociétés des complications qui pourraient survenir du fait de devoir traiter deux opinions divergentes et d’avoir à fournir les mêmes informations deux fois. L’auditeur financier connaît déjà la société, ses processus et ses systèmes de contrôle, et il est donc le mieux placé pour aider les sociétés à identifier les écarts ou les risques entre les informations financières et non financières et les informations à fourn

Il est temps aujourd’hui de commencer à se préparer à la présentation obligatoire des informations liées aux facteurs ESG

Les sociétés doivent commencer dès maintenant à effectuer la transition à la présentation officielle de l’information ESG. C’est une tâche complexe qui les expose à de nouveaux risques. Les compétences et les connaissances des comités d’audit leur permettront de fournir des conseils précieux tout au long de ce processus.

Questions que les comités d’audit devraient poser

  • Où en est la société en ce qui a trait à sa préparation à la présentation officielle d’informations liées aux facteurs ESG?
  • En tant que comité d’audit, comment nous préparons-nous à examiner et à comprendre ce qui est présenté, communiqué et certifié?
  • Quelle est la feuille de route de la direction pour être prête à rendre publiques les informations officielles liées aux facteurs ESG?
  • La société, la direction et le conseil d’administration sont-ils adéquatement structurés pour assurer la gouvernance de la présentation de ces informations?
  • Comment intégrer la stratégie ESG dans la stratégie d’affaires globale?
  1. Road to readiness: KPMG ESG Assurance Maturity Index 2023, KPMG International, 2023
  2. Canadian Securities Administrators statement on proposed climate-related disclosure requirements, Calgary and Toronto, 5 juillet 2023
  3. IOSCO endorses the ISSB’s Sustainability-related Financial Disclosures Standards, Madrid, 25 juillet 2023
  4. Ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques, Bureau du surintendant des institutions financières, (site Web) consulté le 10 octobre 2023
  5. L.C. 2023, ch. 9, Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement
  6. Road to readiness: KPMG ESG Assurance Maturity Index 2023, KPMG International, 2023

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