Les fondations du milieu des affaires canadien commencent à se fissurer. Les faillites sont en hausse et les grandes banques augmentent leurs provisions pour pertes de crédit. Dans ce contexte, il est impératif que les sociétés génèrent de solides flux de trésorerie, et celles qui le font pourraient dénicher de nouvelles occasions de croissance. Par contre, les autres pourraient être confrontées à des défis – et leurs comités d’audit devraient être prêts à tenir des conversations difficiles à propos de la capacité des sociétés à poursuivre leur exploitation.
Les sociétés font face à des incertitudes et à des perturbations persistantes
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les tensions géopolitiques persistent, et de nombreuses sociétés ont de la difficulté à recruter et à garder en poste du personnel qualifié, même si le taux de chômage augmente au Canada. Dans les mois à venir, nous ferons face à une incertitude accrue quant au coût de l’énergie, nous devrions connaître une nouvelle vague de COVID, et l’élection présidentielle américaine en 2024 viendra accentuer l’incertitude qui plombe les marchés et l’économie en général. La montée du protectionnisme, les bouleversements qui touchent le secteur pétrolier et gazier, le passage aux véhicules électriques et la plus faible productivité de la main-d’œuvre du Canada par rapport à celle de ses partenaires commerciaux et de ses concurrents sont des éléments qui pourraient être à l’origine d’enjeux économiques à long terme.
Les taux d’intérêt plus élevés et les coûts du service de la dette qui en découlent constituent le facteur économique le plus important pour bon nombre de sociétés. La rapidité et l’ampleur des hausses de taux de la Banque du Canada en ont surpris beaucoup, le taux cible de financement de la Banque n’ayant pas été aussi élevé depuis plus de 20 ans. Les dépenses de consommation et la croissance du PIB ralentissent, mais l’orientation et le calendrier des futures interventions de la Banque du Canada demeurent incertains. Un tel contexte risque d’apporter son lot de défis pour les nombreux chefs des finances qui n’ont connu que l’argent bon marché et la forte croissance durant leur carrière. Les comités d’audit joueront donc un rôle crucial pour guider ces chefs des finances dans cette nouvelle réalité.
Bien des sociétés se sont lourdement endettées lorsque les taux d’intérêt étaient au plancher. Or, maintenant que les taux ont remonté, certaines d’entre elles éprouvent plus de difficulté à rembourser et à refinancer leur dette. Les dossiers d’insolvabilité d’entreprises pour la période de 12 mois qui a pris fin le 31 août 2023 ont augmenté de 36,7 % par rapport à la période de 12 mois précédente, et les six grandes banques canadiennes se disent préoccupées par la condition future des emprunteurs canadiensi. Au troisième trimestre de 2023, ces banques ont plus que doublé leurs provisions pour pertes sur prêts par rapport au même trimestre en 2022ii.
Les sociétés doivent évaluer la continuité de l’exploitation
Les sociétés incapables d’honorer leurs obligations étant de plus en plus nombreuses, les comités d’audit doivent aborder la question de la continuité de l’exploitation avec les auditeurs et insister auprès des chefs des finances pour qu’ils démontrent que la société est sur la bonne voie pour poursuivre son exploitation. Le comité d’audit est la première ligne de défense : comme les auditeurs n’entrent en jeu que trois ou quatre mois après la fin de l’exercice, s’il y a un coup dur, ce sera au comité d’audit et/ou au conseil d’administration de s’en occuper.
Les flux de trésorerie constituent un test décisif pour une organisation. Ils doivent être prioritaires pour le comité d’audit, et celui-ci doit s’assurer qu’ils sont importants pour la direction aussi. L’on accorde beaucoup d’attention à la croissance du chiffre d’affaires, mais il ne faut pas confondre la rentabilité et les flux de trésorerie. Les sociétés qui ont un bon chiffre d’affaires peuvent se retrouver sous tension si elles n’arrivent pas à convertir leurs ventes en liquidités parce qu’elles sont coincées dans le fonds de roulement. Le comité d’audit doit examiner de près la structure de coûts et la structure d’emprunt de la société, et entamer une discussion avec le chef des finances au sujet des flux de trésorerie et des processus en place pour les surveiller. S’il n’y a pas de marge de manœuvre, le comité doit s’enquérir auprès de la direction de son plan pour améliorer la situation de trésorerie. Par exemple, est-ce que des possibilités de réduction des coûts sont à l’étude, ou y a-t-il des améliorations qui pourraient être apportées au fonds de roulement? Commencez à poser des questions pour obtenir les réponses qu’il vous faut, pas celles que vous voulez entendre!
Le moment est venu pour les sociétés d’avoir des discussions difficiles, en interne et avec leur groupe plus étendu de parties prenantes. La communication est essentielle – les comités d’audit devraient s’assurer que la direction communique souvent et tôt avec les banques, les fournisseurs de capitaux, les clients et les fournisseurs. Le président du comité devrait aussi rencontrer régulièrement le chef des finances et établir un climat de confiance. La direction, pour sa part, devrait être encouragée à communiquer régulièrement avec les employés de la société, puisque ceux-ci peuvent la renseigner sur les activités et la condition de la société.
Nouveau cycle, nouvel état d’esprit
Les conseils et les comités d’audit doivent examiner leur propre structure et leur personnel. Nous sommes dans un cycle différent qui nécessitera un état d’esprit différent. Le conseil pourrait avoir besoin d’un ensemble différent d’expériences, de compétences et de tempéraments. Par exemple, les membres qui ont vécu un redressement peuvent apporter des points de vue et des conseils précieux. Même s’il existe une foule de ressources de formation pour les administrateurs, il peut être nécessaire d’avoir recours à de la formation externe ou à des services-conseils pour combler les lacunes. Les comités d’audit ne pourront jamais être trop prévoyants dans le cycle actuel; toutes les options et toutes les stratégies doivent être envisagées.
L’intelligence émotionnelle sera plus importante que jamais si les membres du comité d’audit doivent avoir des discussions difficiles avec le conseil et le chef des finances, et s’ils doivent se préparer à remettre en question les décisions de la direction. Si la société doit lutter pour sa survie, les administrateurs devront prendre des décisions difficiles, par exemple, mettre des employés à pied ou vendre des parties ou l’ensemble des activités. Ils devront aussi reconnaître – idéalement, plus tôt que tard – le moment où il devient nécessaire d’obtenir de l’aide extérieure.
Pour les sociétés qui ont des flux de trésorerie solides et qui vont tenir le coup, la période actuelle peut être propice à l’expansion. Il pourrait y avoir des occasions d’acquérir des cibles à des prix plus intéressants que ceux que l’on voyait il y a quelques années. Certaines pourraient devoir vendre parce qu’elles sont en difficulté, mais il pourrait s’agir de sociétés de bonne qualité aux prises avec un bilan trop lourd. D’autres ne seront même pas en difficulté, mais chercheront à vendre pour d’autres raisons, par exemple la relève. Les comités d’audit qui obtiennent l’assurance du chef des finances que la société est en mesure de poursuivre son exploitation et qu’elle affiche un bilan solide devraient s’informer des plans de croissance de la direction pour tirer avantage du cycle actuel.
Un long cycle de forte croissance économique et de faibles taux d’intérêt vient de prendre fin, et il faudra adopter un nouvel état d’esprit et démontrer de nouvelles compétences pour manœuvrer dans les nouvelles réalités économiques. Les comités d’audit peuvent apporter un éclairage et des conseils précieux, mais ils doivent aussi être prêts à prendre des décisions difficiles. Ce ne sont pas toutes les sociétés qui arriveront à rester en exploitation dans ce contexte, et il est essentiel que les sociétés abordent cette épreuve de front.
Questions que les comités d’audit devraient poser
- La société poursuivra-t-elle son exploitation?
- Comprenons-nous le profil d’endettement de l’organisation?
- Obtenons-nous régulièrement les informations qu’il nous faut pour évaluer les flux de trésorerie?
- Quel est le plan de la direction pour améliorer les flux de trésorerie?
- Quel est l’état de notre tableau de bord des risques : est-il rouge ou vert?
[i]« Statistiques sur l’insolvabilité au Canada – Août 2023 (Points saillants) », Gouvernement du Canada, Bureau du surintendant des faillites (site Web), consulté le 4 octobre 2023.
[ii]Denise Paglinawan, « “It's gonna get worse”: Banks are bracing for bad loans, but the trouble is only getting started », Financial Post, 8 septembre 2023.
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