Dans les années 1970, un frère et une sœur ont fondé une petite entreprise dans une ville rurale de l’Ouest canadien. Pendant des années, ces entrepreneurs ont eu du mal à joindre les deux bouts. Après avoir sué sang et eau, ils ont transformé l’entreprise, qui vaut maintenant plusieurs millions de dollars et qui emploie la majeure partie de la ville.
Alors que les fondateurs s’apprêtaient à prendre leur retraite, un investisseur privé de la grande ville leur a proposé d’acheter l’entreprise, semant ainsi le doute quant à son avenir en tant que moteur économique de la ville. Puis, un jour fatidique, un nouveau plan émergea : vendre aux employés l’entreprise que ces entrepreneurs ont travaillé si fort à bâtir, veillant ainsi à ce qu’elle continue de servir la communauté et que leur héritage durement acquis se perpétue.
Une FCE est une fiducie qui détient des actions d’une entreprise pour le compte des employés. Elle peut être utilisée pour les aider à acheter une entreprise sans avoir à payer directement pour acquérir ses actions. Ainsi, les employés, qui n’ont peut-être pas accès à du financement, peuvent acquérir l’entreprise et récolter les fruits de la propriété. Pour les propriétaires d’entreprise, il s’agit d’une nouvelle stratégie de planification de la relève à prendre en considération.
Les FCE sur la table
Les propositions législatives concernant la création des FCE initialement annoncées dans le budget fédéral de 2023 n’ont pas fait beaucoup de bruit puisqu’elles comprenaient des incitatifs fiscaux minimes. Puis, en novembre 2023, le ministère des Finances a proposé d’exonérer d’impôt les 10 premiers millions de dollars en gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE, sous réserve de certaines conditions.
En d’autres termes, la première tranche de 10 millions de dollars touchée par un propriétaire d’entreprise pourrait être essentiellement libre d’impôt, ce qui, pour beaucoup, représenterait une part importante du prix d’achat.
Les murmures initiaux se sont alors transformés en un vacarme, mais certaines questions ont subsisté jusqu’à ce que le budget fédéral de 2024 fournisse davantage de détails. Celui-ci indiquait notamment que l’exonération d’impôt liée aux premiers 10 millions de dollars serait applicable aux ventes d’actions à une FCE entre 2024 et 2026 si certaines conditions sont remplies. Voici quelques-unes de ces conditions :
- Le particulier, une fiducie personnelle dont le particulier est bénéficiaire ou une société de personnes dans laquelle le particulier est un associé, dispose d’une « entreprise admissible »
- À un moment donné avant le transfert admissible d’entreprise, le particulier (ou son époux ou conjoint de fait) a participé activement à l’entreprise admissible, de façon régulière et continue pendant au moins 24 mois
- Immédiatement après le transfert admissible d’entreprise, au moins 90 pour cent des bénéficiaires de la FCE doivent résider au Canada.
[Lié : Budget fédéral canadien de 2024 : Restez à l’affût des principales mesures budgétaires touchant les Canadiens et les entreprises]
La conservation des liens qui unissent
Si le transfert de l’entreprise à la génération suivante n’est pas une option, ou que trouver le bon acheteur équivaut à chercher une aiguille dans une botte de foin, la FCE s’avère une lueur d’espoir dans le monde complexe de la succession.
Un sondage de KPMG Entreprises privées a révélé que près de 8 dirigeants d’entreprise familiale canadiens sur 10 (79 %) accélèrent leurs plans de relève en raison de pressions croissantes tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la famille. De plus, étant donné le changement démographique en cours, 73 % des répondants ont indiqué s’attendre à une transition vers un nouveau leadership d’ici 3 à 5 ans.
Dans l’ensemble, la FCE représentera probablement une option attrayante pour de nombreux propriétaires d’entreprise qui songent à la retraite, et surtout pour celles situées à l’extérieur des principaux marchés. Comme dans notre exemple du frère et de la sœur entrepreneurs, ces propriétaires ont tendance à entretenir des relations étroites avec les employés qui ont contribué au succès de l’entreprise. Ils sont admirablement sentimentaux lorsqu’il s’agit de veiller au bien-être de leurs employés et de s’assurer que l’entreprise demeure enracinée dans sa communauté.
L’une des craintes de ces propriétaires est qu’un acheteur important déménage le siège social de l’entreprise dans un grand centre-ville, ce qui aurait un effet dévastateur sur le marché du travail local. Une autre préoccupation est qu’un tiers ou un acheteur étranger remplace la culture organisationnelle existante par la sienne.
Entre donc en jeu la FCE, qui offre des avantages aux deux parties concernées, ainsi que la possibilité de concrétiser l’actionnariat des employés.
Toutefois, il ne faut pas négliger les inconvénients potentiels de la FCE. Les propriétaires qui optent pour cette stratégie acceptent généralement de prélever des paiements différés sur les bénéfices de l’entreprise au fil du temps plutôt que de recevoir un chèque pour le montant dû, comme ils le feraient s’il s’agissait d’un acheteur tiers, mais cela ne représente que l’une des manières de procéder. En outre, ce n’est pas tout le monde qui souhaite toucher un paiement immédiat.Les entreprises familiales ont tendance à être financées par des capitaux patients et plus disposées à accepter ce compromis, avec l’idée que leur entreprise sera « entre bonnes mains ».
Elles doivent toutefois savoir que les liquidités versées au fil du temps seront fortement liées au rendement de l’entreprise, ce qui comporte un certain risque en ce qui concerne le capital. Un autre inconvénient est que les propriétaires peuvent encore se sentir concernés par l’entreprise après la transaction; il n’y a pas de coupure nette. Ils ne jouiraient donc pas de la liberté qu’ils espéraient, mais cela pourrait être compensé par le fait que l’entreprise conserve son statut d’élément vital de la ville et que la cote d’estime continue de croître pour les propriétaires.
Les questions et points à prendre en considération
Le concept de gouvernance occupe une place importante dans une transition de FCE, car elle implique la participation de fiduciaires qui agissent pour les intérêts de tous les employés propriétaires. Bien que la gouvernance soit davantage associée aux grandes sociétés ouvertes, elle est de plus en plus courante au sein des sociétés fermées, y compris celles détenues par des familles.
L’établissement d’une structure de gouvernance qui touche aux éléments tels que la communication intentionnelle et la prise de décision officielle jettera les bases de la réussite du groupe d’employés futurs propriétaires. Les entreprises privées et familiales adoptent la gouvernance et reconnaissent qu’elle peut s’adapter à leurs objectifs et ne pas trop ralentir les entrepreneurs agiles ni formaliser les processus.
Pour déterminer si une FCE vous convient, réfléchissez aux questions suivantes :
- Considérez-vous vos employés comme les membres d’une grande famille? Vous investissez-vous dans leur réussite à long terme?
- Si vous avez instauré une excellente culture organisationnelle, survivra-t-elle à une vente à un investisseur privé ou à un concurrent?
- Voulez-vous que votre entreprise reste enracinée dans la communauté?
- Êtes-vous prêt à céder le contrôle?
- Pouvez-vous faire preuve de patience à l’égard de votre capital?
- Dans quelle mesure souhaitez-vous encore participer à l’entreprise?
Il existe beaucoup d’autres questions et détails à prendre en considération. Toutefois, bien qu’il y ait de nombreux rebondissements dans les histoires d’entreprises familiales, il est possible d’arriver à une fin parfaite avant de passer au prochain chapitre.
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