Les couples passent beaucoup de temps à régler chaque petit détail de leur mariage, de la salle de réception à la liste des invités, en passant par la palette de couleurs. Je suis d’ailleurs étonné de ne pas voir plus de couples mettre autant d’efforts dans les aspects juridiques de leur vie à deux. Après tout, le mariage est un contrat légal. Mais qui veut parler de divorce au moment des fiançailles?
Peut-être parce que le concept d’accord ou de contrat prénuptial est devenu si chargé. Ce concept n’est pourtant pas nouveau, puisqu’il existe depuis au moins 2 000 ans. On le voit souvent à la télévision et dans les films : on recourt à l’accord prénuptial pour briser un couple dont l’union est réprouvée par l’une des familles.
Prenons plutôt le terme « contrat matrimonial ». Il ne s’accompagne pas autant de notions préconçues, et il peut être conclu avant ou après le mariage. Il n’y a donc aucune urgence de signer quoi que ce soit avant de se rendre à l’autel. Les conjoints de fait peuvent aussi conclure un contrat semblable, que l’on appelle généralement « contrat de vie commune ».
Bien que les contrats de ce type soient souvent perçus négativement, je crois qu’ils peuvent comporter des avantages pour les couples fiancés ou nouvellement mariés. Essentiellement, un contrat matrimonial est un accord écrit conclu entre deux conjoints qui établit les droits et les responsabilités des deux parties concernant l’administration des biens et des dettes pendant le mariage et à sa fin (en cas de divorce ou de décès).
Cette formule a pour avantage de forcer les époux à avoir des conversations souvent difficiles – sur les objectifs financiers, les actifs et les dettes, et la façon d’élever les enfants – qui pourraient autrement devenir problématiques. En abordant tous les problèmes dès le départ, on peut construire une base beaucoup plus solide pour le mariage.
Voici quelques éléments à considérer au sujet des contrats matrimoniaux (sachant que les règles diffèrent légèrement d’une province à l’autre).
Quand la foudre frappe
Le contrat matrimonial sert entre autres à établir comment résoudre les questions de pension alimentaire et de séparation des biens advenant une rupture. Ce contrat peut stipuler expressément le montant de la pension alimentaire pour ex-conjoint ou révoquer complètement ce droit. Il peut également énumérer les actifs ou les passifs à exclure de tout paiement de compensation, de la liste des biens ou des biens à séparer.
Prenons un exemple fictif. Olivia est fiancée à William. Il s’agit de son deuxième mariage, et elle a deux enfants d’un mariage précédent. Les parents d’Olivia sont retraités et financièrement à l’aise, alors ils ont offert leur chalet de Muskoka à Olivia et William comme cadeau de mariage. Étant donné que le chalet est un cadeau pour le couple, il pourrait être considéré comme un « foyer conjugal », ce qui signifie qu’il s’agit d’un bien qui serait divisé également entre les deux parties en cas de séparation ou de divorce.
Mais Olivia veut garder le chalet dans sa famille et éventuellement le léguer à ses deux enfants. Donc, après une conversation avec William, ils décident d’ajouter cela dans leur contrat matrimonial. Olivia aura ainsi l’esprit tranquille avant de convoler une deuxième fois. Et avec un contrat matrimonial plutôt que prénuptial, la signature peut avoir lieu après le mariage.
Lorsque vous venez de vous marier – ou que vous en êtes encore dans la phase de lune de miel – ce genre d’entente ne sonne pas trop romantique. Mais il est bien pire d’avoir ces conversations quand le mariage s’effondre, et que les deux parties sont à couteaux tirés et à fleur de peau. Un contrat matrimonial peut aussi aider à atténuer les craintes quant à ce qui adviendra de l’entreprise familiale, des biens communs, de l’héritage et de la prise en charge d’enfants issus de relations antérieures.
En l’absence d’entente, ce sont les règles provinciales et fédérales régissant le partage des biens et des dettes, et le paiement de la pension alimentaire pour ex-conjoint qui prévalent. Mais, après de nombreuses années de mariage, il pourrait y avoir désaccord sur la valeur des biens communs, l’inclusion et l’exclusion de certains biens, et le montant de la pension alimentaire qu’une personne devra payer à l’autre (surtout si les situations financières s’inversent durant le mariage).
Un filet de sécurité pour convoler en justes noces
La mise en place d’un contrat matrimonial permet d’éviter des procédures judiciaires coûteuses et épuisantes sur le plan émotionnel en cas de contestation en cour. Mais on ne peut pas y inclure tout. Par exemple, vous ne pouvez pas prendre de dispositions qui diminueraient les droits d’un enfant actuel (ou futur), par exemple qui annuleraient le droit à une pension alimentaire pour enfants ou à la garde d’enfants.
Il est également important de suivre les règles et de divulguer vos actifs en toute transparence, sans quoi votre tendre moitié pourrait plus tard contester le contrat, alléguant qu’elle aurait signé un autre contrat si elle avait connu l’étendue de vos actifs et de votre passif.
Les deux parties devraient également convenir des dispositions du contrat matrimonial. Bien que cela devrait aller de soi, tout contrat qui a été signé sous pression ou sous la contrainte – ou qui est extrêmement injuste pour une partie – pourrait être rejeté pendant la procédure de divorce. Par exemple, si vous remettez un stylo à votre conjoint et lui demandez de signer un accord prénuptial juste avant de vous rendre à l’autel, vous vous exposez à une éventuelle contestation en cour.
Chaque partie devrait solliciter des conseils juridiques indépendants sur la nature du contrat et ce qu’il signifie. En s’entendant sur les conditions à l’avance, les deux parties peuvent économiser des années de chagrin et d’innombrables dollars en frais juridiques advenant une procédure de séparation ou de divorce.
Selon moi, le mariage est plus solide si ces conversations difficiles ont lieu plus tôt que tard. Après tout, l’avenir est toujours quelque peu incertain. Ce ne sont pas toutes les histoires d’amour qui finissent bien et parfois, elles se terminent bien avant que « la mort ne vous sépare ». Ainsi, avant de dire « oui, je le veux », faites d’une pierre deux coups : établissez un contrat matrimonial. Vous vous réjouirez de l’avoir fait.