• Josh Hasdell, Author |
8 minutes de lecture

Selon le Forum économique mondial, plus de la moitié de l’économie mondiale, soit 44 billions de dollars américains, dépend fortement ou modérément de la nature. Au Canada, l’agriculture, la foresterie et les pêcheries représentent à elles seules 12 % de l’économie : les écosystèmes constituent donc la pierre angulaire de la production économique du pays.

Dans le but d’explorer davantage les conséquences économiques des pertes liées à la nature et à la biodiversité, j’ai animé plus tôt cette année un webinaire en compagnie de mes collègues Katie Dunphy, associée, Enjeux ESG chez KPMG au Canada, et Carolin Leeshaa, membre du groupe de travail sur les informations financières liées à la nature (TNFD) et leader nationale, Capital naturel au sein de KPMG en Australie. Au cours de ce webinaire, nous avons abordé :

  • les répercussions et les dépendances entre les entreprises et la nature
  • l’incidence des facteurs climatiques
  • l’évolution de la réglementation ainsi que le moment où les entreprises devraient s’attendre à commencer à faire rapport de leur dépendance à la nature et les répercussions de leurs activités sur les systèmes naturels
  • les mesures que les entreprises canadiennes peuvent prendre non seulement pour se protéger contre les risques liés à la perte de biodiversité, mais aussi pour minimiser leur incidence sur l’environnement naturel

Dans ce billet, je vous présenterai quelques-uns des points dont nous avons discuté.

Répercussions et dépendances
Pour bien comprendre ces aspects, il est important de définir d’abord quelques termes clés :

  • Biodiversité : La variabilité des organismes vivants de toutes origines (c’est-à-dire les écosystèmes terrestres, marins et aquatiques) et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi qu’entre les espèces et les écosystèmes.
  • Écosystème : Un complexe dynamique de plantes, d’animaux, de micro-organismes et d’environnement non vivant qui interagissent en tant qu’unité fonctionnelle.
  • Service écosystémique : La contribution des écosystèmes à l’activité économique et à d’autres activités humaines.
  • Capital naturel : Les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables qui procurent des avantages à la population humaine. C’est un moyen de quantifier la valeur de la contribution de la nature aux systèmes, tant économique qu’humain.

Les entreprises et la nature sont reliées de deux principales façons. Premièrement, la nature fournit des services écosystémiques. Deuxièmement, les entreprises ont des répercussions positives et négatives sur la nature. Pour être durables, les entreprises doivent comprendre ces répercussions et leur dépendance à l’égard des écosystèmes, ainsi que leur vulnérabilité à la perte de biodiversité et donc, de services écosystémiques.

Point de rencontre de la nature et du climat
D’un point de vue scientifique, la biodiversité et le changement climatique sont étroitement liés. Ce dernier provoque la perte de biodiversité, qui aggrave par le fait même les conséquences du changement climatique, car cela entraîne la réduction de la capacité des systèmes naturels à limiter les hausses de température ou à atténuer ses effets. À l’inverse, des actions qui améliorent la nature peuvent également atténuer le changement climatique.

Des mesures pour la nature

Voyons de quelles façons cela se traduit dans le concret.

Les milieux humides, un type d’écosystème, sont 50 fois plus efficaces que les forêts pour stocker du carbone. Le Canada contient 25 % des milieux humides du monde, selon l’organisme Conservation de la nature Canada. La détérioration de ces milieux limite donc leur capacité à stocker du carbone, ce qui peut entraîner l’augmentation du rythme et de l’ampleur du changement climatique. L’inverse est aussi vrai : la protection des milieux humides augmentera leur capacité de séquestration du carbone, atténuant ainsi le changement climatique.

Il est particulièrement important pour les entreprises qui explorent des moyens de réduire leurs émissions – et par le fait même leur incidence sur le climat – de comprendre la relation entre celui-ci et la nature. À mesure que les efforts visant à atteindre la carboneutralité se multiplient, il devient évident que certaines solutions climatiques profitent à la biodiversité, tandis que d’autres peuvent entraîner des répercussions négatives sur la nature ou avoir une incidence de plus en plus néfaste sur le climat. Les entreprises qui cherchent à avoir un effet positif global sur l’environnement doivent tenir compte de la nature et des incidences du climat en tant que tout dans leur processus décisionnel.  

La bonne nouvelle pour les entreprises qui tentent de suivre cette voie est qu’il existe un parallèle entre la façon dont elles devraient aborder les stratégies axées sur le changement climatique et la nature. Habituellement, les processus liés à ces deux types de stratégies se composent des mêmes éléments en ce qui concerne la formation, l’analyse de l’incidence et de l’exposition, l’élaboration de stratégies d’atténuation, ainsi que l’analyse de scénarios et de l’information à fournir, ce qui crée des synergies et des occasions d’alignement stratégique.

Cependant, puisque les enjeux liés à la nature et à la biodiversité commencent tout juste à se tailler une place dans l’ordre du jour des entreprises, la plupart d’entre elles sont plus avancées dans leur parcours de lutte aux changements climatiques. Par conséquent, les entreprises devraient faire de la nature la priorité absolue de leurs stratégies sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Réglementation et communication de l’information
Étant donné la récente publication des deux premiers ensembles de normes du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB), il est évident que les organismes de surveillance tiennent de plus en plus compte de la biodiversité et de la nature dans leurs attentes en matière de gouvernance des facteurs ESG. Les normes de l’ISSB entreront en vigueur en janvier 2024, et la biodiversité et les écosystèmes naturels seront intégrés à la norme IFRS S2 ─ Informations à fournir en lien avec les changements climatiques. De plus, l’ISSB recueille actuellement les commentaires de parties prenantes pour établir ses priorités des deux prochaines années dans le cadre d’une consultation qui présente la biodiversité et les services écosystémiques comme un enjeu clé.

Ayant pour objectif d’orienter les flux financiers mondiaux vers des activités qui sont bénéfiques pour la nature, le TNFD travaille sur l’élaboration et la mise en place d’un cadre pratique et cohérent de gestion des risques et de présentation de l’information à l’intention d’entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs. Ainsi, ces entreprises seront davantage en mesure de rendre compte des occasions et des risques en constante évolution liés à la nature, et d’agir en conséquence.

Le cadre du TNFD, lancé le 18 septembre, complémentaire au TNFD, est doté de la même structure, de la même approche et du même libellé, et il est axé sur quatre piliers ─ la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les indicateurs et les cibles.

Même s’il s’agit pour l’instant d’une initiative volontaire, le cadre du TNFD invite les entreprises et les institutions financières à prendre rapidement des mesures à l’égard de la présentation de l’information, et offre une approche structurée pour accroître la divulgation au fil du temps. Cela dit, le cadre a évolué dans une direction qui s’harmonise avec la réglementation émergente et les nouvelles normes de base, comme celles de l’ISSB et de la Global Reporting Initiative (GRI). Le cadre respecte aussi les objectifs politiques mondiaux, comme ceux énoncés dans le Cadre mondial de la biodiversité, qui a été adopté par 196 États en décembre 2022 lors de la COP15, qui s’est tenue à Montréal.

En outre, les nombreux autres cadres climatiques et outils de soutien lancés cette année sont conformes aux lignes directrices du TNFD et tiennent compte d’exigences concernant la nature et la biodiversité :

  • Le cadre des cibles pour la nature fondées sur des données scientifiques (SBTN) a été publié à la fin du mois de mai 2023. 

  • La GRI a récemment conclu sa période de consultation publique dans le but de lancer une norme révisée axée sur la nature au quatrième trimestre de cette année. 

Orientation future
La complexité de ce domaine mérite une attention particulière. Votre organisation devrait commencer par lire attentivement le cadre du TNFD et explorer les composantes clés de son approche de localisation, d’évaluation, d’analyse et de préparation (Locate, Evaluate, Assess and Prepare, ou LEAP). Cette approche vise à vous aider à comprendre la marche à suivre pour évaluer vos interactions avec la nature, les surveiller et en faire rapport.

Envisagez ensuite d’effectuer une évaluation de référence en quatre phases afin de déterminer les interactions et les dépendances de votre entreprise avec la nature :

  1. Établissement des objectifs et de la portée : Déterminez le niveau actuel de compréhension de l’incidence de la nature et de la biodiversité au sein de votre entreprise. Vous pourrez ensuite comparer vos attentes relatives au marché et établir des objectifs.

  2. Évaluation des interactions : Déterminez les secteurs de votre entreprise que vous souhaitez inclure dans l’évaluation. Cette étape est semblable à un exercice de délimitation de l’étendue des travaux en matière de gaz à effet de serre. Souhaitez-vous vous concentrer uniquement sur vos opérations, ou voulez-vous étendre l’évaluation à l’ensemble de l’entreprise? Il est important de déterminer quels sont les risques les plus importants auxquels vous pourriez faire face.

  3. Repérage des impacts et des dépendances : Dressez une liste initiale des impacts significatifs et des dépendances importantes de votre entreprise en vue de les analyser. Cela vous permettra de sélectionner les ensembles de données pertinents pour effectuer des analyses par emplacement. De plus, il est important d’établir un critère de filtrage clair pour chaque ensemble de données afin de veiller à ne sélectionner que celles qui sont pertinentes.

  4. Intégration et évolution : Repérez les occasions d’intégrer un plan de changement favorable à la nature et établissez un ordre de priorité à ce chapitre. Préparez-vous à présenter de l’information relative à la biodiversité et du contenu lié à la nature dans le cadre de rapports réguliers, et élaborez une feuille de route pour vous adapter aux changements à mesure que votre entreprise et l’environnement évoluent.

Plus tôt vous commencerez à prendre de telles mesures, plus vos risques d’emprunter la mauvaise voie lors de votre processus d’évaluation seront faibles. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez des questions ou si vous avez besoin d’aide.

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