Plus que jamais, la vie des Canadiennes et Canadiens se retrouve en ligne. Comme notre empreinte numérique s’élargit, il est de plus en plus important de planifier la gestion des biens numériques en cas de décès ou d’invalidité.
Qu’est-ce qu’un bien numérique? Voilà une question intéressante, à laquelle il est étonnamment difficile de répondre. Lorsque nous pensons à un bien, nous nous imaginons pour la plupart une forme de propriété, quelque chose qui nous appartient et qui peut donc être vendu ou donné. Cependant, le terme « bien numérique » va au-delà de la notion de propriété, pour inclure un plus large éventail de biens électroniques, moins tangibles. Les comptes de médias sociaux, les communications électroniques (dont les courriels), les données stockées en nuage, les comptes chez les détaillants et les abonnements aux programmes de fidélité sont autant d’exemples de biens numériques, dont certains correspondent plus concrètement que d’autres à notre notion de propriété.
Si les biens numériques peuvent valoir beaucoup d’argent, ils peuvent aussi avoir une valeur sentimentale – photos, messages, musique – et en révéler beaucoup sur nous : historiques de recherche, données de localisation, messages privés. Plus que jamais, les biens numériques fournissent des indices sur la vie privée d’une personne décédée. Compte tenu du volume d’information numérique qui existe sur chaque personne, ce type de biens doit être traité à part dans la succession, en raison de ce qu’il peut révéler sur nous, le meilleur comme le pire. En effet, il faut maintenant inclure les biens numériques dans toute planification en cas de décès ou d’incapacité – en veillant à maintenir un équilibre entre la vie privée et le transfert ordonné de biens incorporels et numériques de la personne décédée.
Mais parfois, ce n’est pas si simple.
Les droits des détenteurs de biens numériques reposent souvent sur les accords acceptés par l’utilisateur lors de la création du bien numérique. L’ouverture d’un compte de médias sociaux, par exemple, demande généralement que l’utilisateur accepte un contrat en un clic, vite vu et vite oublié. Le contrat d’utilisation limite souvent les droits de la succession de l’utilisateur à accéder à un compte en ligne au moment de son décès. De plus, il peut interdire le dévoilement du mot de passe, qui permettrait à une personne de confiance d’accéder au compte en cas de décès ou d’incapacité. Le plus souvent, le contrat d’utilisation soumet son signataire aux lois d’une juridiction étrangère et exige que toutes les plaintes contre la société en ligne avec laquelle le contrat d’utilisation a été conclu soient portées devant cette juridiction. Au décès de l’utilisateur, le contrat lie la succession et peut forcer le liquidateur à mener de longues batailles pour accéder au compte.
Peu de réformes législatives ont été entreprises pour régler ce type de problème. La Saskatchewan figure parmi les premières provinces à avoir édicté une loi en ce sens. En se fondant sur la législation type acceptée par la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, la Loi sur l’accès des fiduciaux à l’information numérique, entrée en vigueur en juin 2020, prévoit que par défaut, les fiduciaires testamentaires (y compris les liquidateurs) ont accès aux biens numériques, sous réserve, dans le cas d’une personne décédée, des conditions de son testament ou d’une ordonnance. L’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ont emboîté le pas en 2022 avec des lois similaires.À ce jour, elles restent les trois seules provinces au Canada à s’être attaquées de front à ce problème, bien que l’Alberta ait modifié la Loi sur l’administration des successions pour inclure la gestion des comptes en ligne dans les obligations fondamentales des liquidateurs. (Mise à jour: En adoptant la Loi sur l’accès des fiduciaux aux biens numériques, L.Y. 2023, ch. 15 le 15 novembre 2023, le Yukon est devenu le quatrième territoire canadien à adopter une loi confirmant l’accès fiduciaire aux actifs numériques.)
Toutefois, malgré cette loi, il n’est pas certain que les sociétés basées à l’extérieur du Canada se conformeront aux exigences énoncées sans prendre d’autres mesures dans leur propre juridiction.
Par conséquent, que doivent faire les Canadiennes et Canadiens? Au minimum, chaque personne devrait revoir sa planification successorale avec un notaire pour s’assurer que ses biens numériques seront liquidés et que le liquidateur sera explicitement autorisé non seulement à administrer les biens numériques, mais aussi à donner des instructions sur leur transfert ou leur destruction. Une liste à jour des biens numériques devrait être tenue, y compris leur emplacement et les détails nécessaires pour les identifier. Les sauvegardes hors ligne devraient également être prises en compte, dans la mesure où elles sont sécuritaires et appropriées. Enfin, il faudrait revoir les modalités d’utilisation de chaque bien. Certaines sociétés en ligne prévoient la désignation d’un contact légataire ou la configuration d’un gestionnaire de compte inactif. Ces outils, s’ils sont disponibles, peuvent réduire considérablement la pression exercée sur le liquidateur et fournir une certitude au titulaire du compte.Cependant, l’application des volontés de la personne décédée peut tout de même se révéler difficile.
La prise en compte des biens numériques est désormais un élément essentiel de la planification successorale complète. Il s’agit d’un domaine du droit qui évolue rapidement, et qui gagne en importance chaque année. Qu’à cela ne tienne, il s’agit d’une excellente raison de réfléchir aux choses qui comptent le plus dans votre vie, d’en discuter avec votre famille et de demander des conseils juridiques qui peuvent vous apporter une valeur durable.
Pour plus de conseils sur la planification des fiducies familiales, le groupe Fiducies et successions du cabinet juridique de KPMG est là pour vous aider.
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