Fiscalité immobilière changement de pratique genevoise

29-06-2022
Application du «step-up» pour les sociétés immobilières lorsque leurs actions ont fait précédemment l’objet d’une imposition lors de leur transfert.

A Genève, il est désormais possible d’appliquer, sous certaines conditions, le «step-up» pour éviter une double imposition de la plus-value immobilière. Ce changement de pratique offre des opportunités à certains acteurs en rendant plus attractif qu’avant la reprise d’une société immobilière.

Contexte général et précédente pratique genevoise

La vente des actions d’une société immobilière (SI) ayant un bien-fonds sis dans le canton de Genève par une personne physique (privé) est assimilée à la cession de l’immeuble lui-même (transfert économique). De ce fait, ce transfert est en principe soumis à l’impôt sur les gains immobiliers prélevé sur la différence entre le prix de vente attribué au bien-fonds genevois et son coût d’acquisition (selon la définition de l’art. 82 LCP).

En cas de vente ultérieure de l’immeuble par la SI (asset deal), le gain immobilier, correspondant à la différence entre la valeur vénale du bien et sa valeur comptable dans les comptes de la SI, est à nouveau imposé par le biais de l’impôt sur le bénéfice au niveau de la SI. Ainsi, une double imposition de la même plus-value peut se produire.

Christoph Frey

Partner, Real Estate Tax

KPMG Switzerland

Nouvelle pratique de l’Administration fiscale genevoise et possible application du mécanisme du «step-up»

Afin d’éviter cette double imposition, l’Administration fiscale genevoise est désormais disposée à reprendre le prix de vente attribué aux immeubles genevois lors de la cession des actions de la SI en cas de vente subséquente par cette dernière des biens fonds (asset deal), sous réserve de certaines conditions (voir ci-dessous). Ainsi, une réserve latente imposée pour refléter le prix de vente attribué aux biens-fonds lors du transfert des actions de la SI pourra être reconnue dans les comptes fiscaux de la SI. Au moment de l’asset deal, le gain comptable sera neutralisé par la dissolution de ladite réserve latente. Cette approche, nommée communément «step-up», est d’ores et déjà admise dans de nombreux cantons suisses allemands qui appliquent un système d’imposition moniste mais également dans certains cantons dualistes. Elle a par ailleurs été validée dans deux décisions émises par le Tribunal Fédéral.

Conditions pour pouvoir bénéficier du mécanisme du «step-up»

Ce changement de pratique, communiqué lors du Panorama fiscal 2022 par l’Administration fiscale genevoise, est soumis à certaines conditions qui sont notamment les suivantes :

  • Déclaration d’une réserve latente imposée sur les immeubles dans les comptes fiscaux déterminants de la SI en matière d’impôts cantonaux et communaux remis avec la déclaration de la période fiscale où le transfert des actions a eu lieu. Une déclaration «rétroactive» ne devrait pas être admise,
  • Prélèvement effectif d’un impôt sur les gains immobiliers lors du transfert des actions de la SI,
  • Validation de l’application du mécanisme de «step-up» et du montant de la réserve latente recommandée en transmettant toutes les informations déterminantes aux autorités fiscales.

Par ailleurs, l’Administration fiscale genevoise a prévu de publier une notice ou information officielle relative aux conditions de l’application du mécanisme du «step-up».

Quelles sont les opportunités à considérer pour les acteurs du marché immobilier, notamment pour les institutions de prévoyance?

L’application du «step-up» facilitera désormais la cession des actions d’une SI par des particuliers (privés) dans la mesure où l’acquéreur peut éviter de reprendre l’impôt latent dû sur les réserves latentes précédemment constituées par le vendeur sur les biens-fonds genevois en cas d’asset deal.  Ce même impôt latent est par ailleurs souvent l’objet de négociations entre les parties étant donné que l’acquéreur ne voudra en principe pas le supporter dans son intégralité.

De plus, certains acquéreurs ne souhaitent pas maintenir une détention immobilière indirecte et de ce fait, ils procèdent souvent à la liquidation ou à la fusion des SI nouvellement acquises. Un des freins à ce processus est le décaissement d’un impôt latent sur les réserves latentes constituées sur les immeubles détenus par ladite SI. Ainsi, l’application du mécanisme du «step-up» constitue une opportunité pour les acteurs immobiliers qui n’envisageaient précédemment pas l’acquisition de biens immobiliers détenus par une SI car l’élimination d’une telle structure de détention après la cession représentait une sortie de liquidités. 

En revanche, si une neutralité fiscale au niveau cantonal / communal est admise lors de la fusion ou la liquidation de la SI, la possibilité d’invoquer la reprise du prix de vente attribué aux immeubles genevois lors de la cession des actions de cette dernière doit également être considérée par l’entité reprenant le bien-fonds. Si tel est le cas, il y aura lieu de s’assurer que la déclaration des réserves latentes sur ledit bien-fonds genevois est également effectuée par le biais de l’établissement de comptes fiscaux. Cette opportunité peut notamment représenter un certain intérêt pour les institutions de prévoyance.

Enfin, lors de l’acquisition d’une SI cédée par des privés, un acquéreur devra s’assurer, dans le cadre des négociations et la conclusion du contrat, de la pleine coopération des vendeurs pour la transmission des informations nécessaires à l’application du mécanisme du «step-up».