L’insécurité alimentaire prend de l’ampleur au Canada en grande partie à cause de l’inflation, qui a entraîné une flambée des prix au supermarché. L’inflation gonfle la facture à l’épicerie, certes, mais elle se fait également sentir dans toute la chaîne de valeur, notamment dans les coûts croissants pour l’alimentation animale, l’équipement, la main‐d’œuvre, le transport et l’emballage.

L’inflation de même que les changements climatiques et les maladies animales ne sont que quelques-uns des facteurs interconnectés qui ont une incidence sur le système alimentaire canadien. Ces facteurs contribuent à la volatilité des prix et de la disponibilité des aliments dans les supermarchés canadiens. Le Rapport sur les prix alimentaires au Canada de 2023 prévoit une hausse des prix des aliments de 5 à 7% en 2023, s’ajoutant à la forte hausse de 2022.1 Le rapport Hunger Signs (en anglais) de KPMG aux États-Unis révèle que de nombreux consommateurs modifient leurs comportements d’achat en réponse à la hausse des prix, notamment en privilégiant les produits en rabais. Ils cherchent aussi à acheter des produits d’autres marques ou de marque privée pour éviter de payer des coûts plus élevés, à stocker des produits au cas où les prix continueraient d’augmenter, ainsi qu’à acheter en gros ou en vrac.

L’an dernier, l’achalandage dans les banques alimentaires a atteint ses plus hauts niveaux dans l’histoire du Canada, en partie à cause des augmentations importantes du coût de la vie qui ont mis de nombreux Canadiens au pied du mur, notamment les aînés, les familles monoparentales et les salariés à faible revenu.2 Selon l’organisme sans but lucratif Second Harvest, le nombre de personnes desservies par les banques alimentaires et d’autres organismes sans but lucratif devrait augmenter de 60% en 2023, ce qui s’ajoute à la croissance de 134 % enregistrée en 2022.3 L’organisme affirme que des milliers de Canadiens n’auront pas assez de nourriture pour se nourrir si la situation ne change pas. Toutefois, la solution ne réside pas dans l’augmentation du nombre de banques alimentaires. Il faut un changement systémique majeur, d’où l’importance de la diversification, de l’innovation et des technologies agricoles dans l’écosystème alimentaire canadien.

Diversification de l’écosystème alimentaire canadien

Bien que la pandémie ait été un événement inattendu, elle n’a pas causé l’insécurité alimentaire. Elle a plutôt mis en lumière des problèmes structurels tels que la pénurie de main‐d’œuvre et la dépendance à des chaînes alimentaires mondiales complexes.4 Parmi les aspects à améliorer pour faire face à l’insécurité alimentaire figurent le renforcement des capacités nationales, la résilience des chaînes d’approvisionnement et le développement de nouveaux marchés. En outre, la diversification sera essentielle si l’on veut s’adapter à des événements climatiques extrêmes.

Une augmentation de la production nationale pourrait aider à atténuer certains problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et à protéger l’approvisionnement alimentaire canadien des perturbations liées aux conflits mondiaux, aux problèmes frontaliers et aux embargos commerciaux. En soutenant les infrastructures nécessaires à un marché national, il est possible de raccourcir les chaînes d’approvisionnement et d’accroître la résilience au sein du système alimentaire. On pourrait notamment privilégier la production régionale plutôt que centralisée et diversifier les centres de distribution pour inclure les plus petits desservant les zones locales.

Dans une perspective d’adaptation aux phénomènes climatiques, l’intégration de la durabilité aux activités pourrait se faire à l’aide de nouvelles technologies qui améliorent les rendements et réduisent au minimum les intrants, favorisent la transition vers des formes d’agriculture régénérative et utilisent des sources d’énergie renouvelable pour alimenter les systèmes agricoles.

Les producteurs cherchent encore des moyens d’atténuer la volatilité des prix, notamment en diversifiant leurs propres fournisseurs et en cherchant des sources plus près de chez eux. Diversifier les exportations, évoluer au rythme de la demande mondiale et atténuer la pénurie de main‐d’œuvre grâce à l’automatisation sont autant de moyens qui peuvent aider à renforcer la chaîne d’approvisionnement alimentaire du Canada.5

Renforcer la sécurité alimentaire grâce à l’innovation

L’innovation agricole peut contribuer à réduire les coûts de production alimentaire grâce à des technologies de pointe comme l’intelligence artificielle, l’Internet des objets (IdO), la robotique, les véhicules autonomes et la chaîne de blocs, aidant les agriculteurs et les producteurs à faire plus avec moins. Recourir à la technologie pour produire plus d’aliments au pays, notamment en analysant les données de la chaîne d’approvisionnement pour agir au lieu de réagir, pourrait aider à réduire les coûts des intrants qui entraînent l’insécurité alimentaire.

Par exemple, des capteurs et des drones connectés pourraient servir à surveiller les niveaux d’humidité du sol dans les champs, ce qui aiderait à augmenter les rendements. Grâce à la chaîne de blocs, les agriculteurs et les producteurs auraient une visibilité en temps réel sur la chaîne d’approvisionnement et ajusteraient la production pour répondre à la demande.Et l’IdO aiderait les agriculteurs, les producteurs, les transformateurs et les détaillants à comprendre où les aliments se détériorent dans la chaîne d’approvisionnement, ce qui contribuerait à réduire le gaspillage.

Même si une augmentation de la production nationale pourrait aider à résoudre certains de ces problèmes, elle n’enrayera pas à elle seule le phénomène global de l’inefficacité et du gaspillage lié aux modèles de livraison « juste-à-temps ». Dans un système de production alimentaire circulaire, les aliments en voie de gaspillage sont réutilisés pour produire, par exemple, de la nourriture pour les animaux, des engrais, des tissus, ou même des sources de bioénergie. Faire la transition vers un tel modèle réduirait le coût des intrants qui repassent dans le cycle, diminuerait le gaspillage et régénérerait les systèmes naturels.

La Politique alimentaire pour le Canada de 2019 présente l’innovation comme un élément important de son plan d’avenir, qui comprend des investissements visant à accroître la capacité du secteur agricole et alimentaire de produire des aliments de qualité supérieure. Même si les technologies agricoles peuvent aider les agriculteurs, les producteurs et les transformateurs à faire plus avec moins, investir dans de nouvelles technologies et de nouveaux processus peut entraîner des coûts initiaux importants – et l’on pourrait en faire plus du point de vue des politiques et du financement pour commencer à bâtir un système alimentaire véritablement stable et sûr. Une approche collaborative entre les intervenants, l’innovation agricole ainsi que des politiques adaptatives peuvent aider le Canada à remplir son assiette.



1 Rapport sur les prix alimentaires au Canada de 2023, Université Dalhousie. Université de la Colombie-Britannique, Université de Guelph, Université de la Saskatchewan, décembre 2022
2 Ibid.
3 Ibid.
4 Growing Stronger: Conclusions from Agri-Food Community Consultations on the COVID-19 Pandemic, Arrell Food Institute, Institut canadien des politiques agroalimentaires, Université de Guelph, janvier 2021
5 Le résilient secteur des aliments et boissons s’adapte à la pandémie, Exportation et développement Canada, juillet 2021

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