• Conor Chell, Author |
8 minutes de lecture

Cet article est le premier d’une série de quatre sur les procédures d’enquête et d’application de la loi relativement aux allégations d’écoblanchiment en vertu de la Loi sur la concurrence. Il décrit ces procédures et les conséquences qu’elles entraînent, et suggère les principales activités d’atténuation des risques auxquelles devraient penser les entreprises canadiennes.

Le deuxième article présentera certains éléments clés à prendre en considération pour les entreprises susceptibles de faire l’objet d’une enquête active du Bureau de la concurrence. Le troisième article portera sur les poursuites civiles pour pratiques commerciales trompeuses et traitera des deux nouvelles dispositions visant à contrer l’écoblanchiment ainsi que du droit privé d’action en vertu de la Loi sur la concurrence. Enfin, le quatrième article résumera la marche à suivre pour les allégations qui relèvent du traitement des pratiques commerciales trompeuses selon le droit criminel.

Le 20 juin 2024, la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 (le « projet de loi C-59 ») a été adoptée et des modifications ont été apportées à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») du Canada afin d’établir des dispositions contre l’écoblanchiment qui visent à accroître la responsabilité des entreprises à l’égard de leurs allégations en matière d’environnement et de responsabilité sociale.

Le comportement susceptible d’examen englobe maintenant les allégations publiques non fondées au sujet des avantages d’un produit, d’une entreprise ou d’une activité commerciale pour ce qui est de protéger ou de restaurer l’environnement, ou d’atténuer les causes ou les répercussions environnementales, écologiques et sociales1 des changements climatiques.

Ces dispositions s’appliquent à quiconque fait la promotion, directement ou indirectement, de ses produits, services ou intérêts commerciaux au Canada, y compris les entreprises étrangères qui font de la publicité et du marketing au Canada, et à quiconque fournit des produits comportant des allégations non fondées à des grossistes, à des détaillants ou à des distributeurs au Canada.

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») et des parties privées pourraient contester de plusieurs façons les allégations environnementales fausses, trompeuses ou non fondées ainsi que certaines allégations en matière de responsabilité sociale, comme il est expliqué ci-après.

Enquêtes et application de la loi par le Bureau de la concurrence

Le Bureau, un organisme fédéral indépendant d’application de la loi, a des pouvoirs étendus pour enquêter sur de possibles infractions à la Loi, y compris l’écoblanchiment. Si une entreprise fait une allégation fausse, trompeuse ou non fondée en matière d’environnement ou de responsabilité sociale, le Bureau dispose de plusieurs outils d’enquête et d’application de la loi :

  1. Enquête informelle : Le Bureau reçoit chaque année des milliers de plaintes de marketing trompeur effectuées par des parties privées à l’aide du formulaire de plainte en ligne. Si une plainte se révèle fondée, un premier examen permet de recueillir plus de renseignements afin d’évaluer s’il y a eu infraction à la Loi. À cette étape, le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») peut mener des enquêtes criminelles et civiles et s’appuyer sur les renseignements fournis volontairement par l’entreprise visée par l’enquête ou d’autres parties.
  2. Enquête officielle : Si l’enjeu est suffisamment grave, le commissaire peut lancer une enquête officielle : i) en se fondant sur la demande assermentée de six résidents canadiens; ii) si le commissaire a des raisons de croire qu’il y a eu une infraction à la Loi; ou iii) sur ordre du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Lorsqu’une enquête officielle est lancée, le commissaire peut obtenir des ordonnances de la cour pour obliger des personnes à témoigner et à produire des documents et des informations, ainsi que des ordonnances provisoires. Le commissaire doit mener ses enquêtes en privé, mais des informations peuvent être divulguées si l’affaire devient publique.
  3. Poursuites : Si l’enquête établit des preuves d’allégations fausses ou trompeuses, le commissaire peut prendre d’autres mesures :
    1. Le commissaire peut renvoyer l’affaire au Service des poursuites pénales du Canada pour intenter une poursuite criminelle. Cette démarche est réservée aux cas les plus flagrants, lorsque des allégations trompeuses sont faites sciemment ou de façon insouciante.
    2. Le commissaire peut déposer un recours civil auprès du Tribunal de la concurrence. Les poursuites civiles sont la seule possibilité en cas d’allégations non fondées.

Le commissaire ne peut pas poursuivre une entreprise à la fois au criminel et au civil.

Élargissement des droits pour les parties privées

Les parties privées, comme les consommateurs, les concurrents et les organismes non gouvernementaux, ont plusieurs moyens de contester les allégations d’une entreprise. Par exemple, les parties privées peuvent :

  1. Remplir un formulaire de plainte en ligne pour demander au Bureau d’enquêter.
  2. Intenter une poursuite contre une entreprise, que ce soit une poursuite civile ou un recours collectif, pour :
    1. réparer des préjudices résultant d’une conduite contraire aux dispositions criminelles en matière de pratiques commerciales trompeuses;
    2. obtenir des dommages-intérêts et une autre forme de réparation à l’égard de déclarations fausses ou trompeuses en vertu de la common law et des lois provinciales sur la protection des consommateurs.

Par ailleurs, à compter du 20 juin 2025, les parties privées auront des droits étendus leur permettant de s’adresser au Tribunal si une entreprise contrevient aux dispositions civiles en matière de pratiques commerciales trompeuses. Avant qu’une poursuite privée puisse être intentée, une autorisation doit être accordée par le Tribunal.

Des conséquences financières importantes en cas de non-conformité

S’il est établi qu’une entreprise a fait des allégations environnementales ou sociales qui sont fausses, trompeuses ou non fondées, les conséquences varient selon la gravité des allégations :

  • Dans le cadre de poursuites criminelles, les entreprises sont passibles d’amendes sans limite prescrite.
  • Dans le cadre de poursuites civiles, les recours suivants sont possibles :
  • Des ordonnances provisoires ou temporaires (à compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront demander des ordonnances temporaires).
  • Des ordonnances d’interdiction, interdisant les déclarations fausses ou trompeuses ou les allégations non fondées en cause (pour une période de 10 ans, à moins que la cour ne précise une période plus courte).
  • Des avis correctifs, exigeant la publication de tels avis.
  • Des pénalités administratives pécuniaires (« PAP ») payables au gouvernement, jusqu’à concurrence du plus élevé des montants suivants : 10 millions de dollars pour la première ordonnance (et 15 millions de dollars pour chaque ordonnance subséquente), trois fois la valeur de l’avantage tiré de l’entente ou, si le montant ne peut être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de l’organisation.
  • Le paiement de la restitution aux acheteurs des produits en cause2 – sauf les grossistes, les détaillants ou d’autres distributeurs, dans la mesure où ils ont revendu ou distribué les produits – de toute manière que la cour juge appropriée.

Il est important de noter qu’une défense de diligence raisonnable est possible – dans le cas des affaires civiles, aucune ordonnance ne peut être rendue à l’égard d’une personne pour la publication d’avis correctifs, les PAP ou la restitution, si cette personne établit qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir le comportement susceptible d’examen.

Principaux points à retenir concernant l’atténuation des risques

De plus en plus d’avenues s’offrent aux organismes de réglementation et au grand public pour surveiller et contrer l’écoblanchiment. En outre, les nouvelles mesures relatives à l’écoblanchiment et le droit des parties privées d’intenter une action en vertu de la Loi font ressortir la nécessité pour les entreprises d’étayer leurs allégations en matière d’environnement et de responsabilité sociale. Les entreprises doivent faire preuve de vigilance à l’égard de leurs processus internes et des informations qu’elles rendent publiques. Celles qui ne s’adapteront pas pourraient faire l’objet d’enquêtes coûteuses et de mesures d’application de la loi, en plus de s’exposer à des risques d’atteinte ou à des atteintes à leur réputation. Étant donné les risques potentiels, il est essentiel que les entreprises actualisent leurs processus internes et veillent à ce que les informations qu’elles rendent publiques soient soumises à un examen juridique régulier chaque année.

Pour atténuer ces risques, les entreprises doivent :

Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des procédures d’enquête et d’application de la loi relatives aux pratiques commerciales trompeuses en vertu de la Loi sur la concurrence. Ce document est offert à titre informatif seulement et il ne vise pas à remplacer un avis juridique. Si vous avez besoin d’obtenir des directives, veuillez communiquer avec notre équipe Risques juridiques et présentation de l’information, Enjeux ESG pour explorer la façon dont nous pouvons répondre à vos besoins juridiques.

  1.  Les causes ou les répercussions sociales des changements climatiques sont prises en compte pour les allégations sur les avantages des produits en vertu de l’alinéa 74.01(1)b.1) seulement.
  2. La restitution n’est possible que pour les ordonnances relatives aux violations de l’interdiction générale visant les allégations significativement fausses ou trompeuses; elle n’est pas possible en cas de violation de l’une ou l’autre des deux nouvelles dispositions relatives à l’écoblanchiment.

 

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