La conclusion de l’ARC au sujet des subventions accordées
Le 19 décembre, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a discrètement publié la version définitive de ses lignes directrices relativement au nouveau régime sur les versements admissibles, intitulée CG-032, Organismes de bienfaisance enregistrés accordant des subventions à des donataires non reconnus. La version définitive fait suite à une version préliminaire à des fins de discussion qui a suscité une grande variété de commentaires provenant du secteur et d’importants changements ont donc été apportés à cette nouvelle version. Les nouvelles lignes directrices appuient l’interprétation de l’ARC des nouvelles lois qui ont été initialement adoptées en juin 2022. C’est en ayant connaissance de l’interprétation de l’autorité de réglementation relativement aux dispositions qu’un organisme de bienfaisance se sentira à l’aise de savoir comment ses subventions seront prises en considération par l’ARC.
La version initiale des lignes directrices a surpris bon nombre d’acteurs du secteur, car elle comportait un ensemble de considérations détaillées qui n’étaient pas du tout explicitement indiquées dans la loi. En effet, l’ARC semblait instaurer un tout nouveau système de responsabilisation pour les organismes de bienfaisance afin d’évaluer le risque inhérent d’une subvention particulière et les mesures attendues. Les lignes directrices contiennent des observations sur l’interprétation de l’ARC à l’égard des règles relatives aux dons dirigés qui sont entrées en vigueur en même temps que les nouvelles dispositions relatives aux subventions. Nous allons passer en revue ci-dessous certains de ces changements.
Subventions accordées
Les lignes directrices commencent par reconnaître que les nouvelles règles visent à ce qu’un organisme de bienfaisance puisse soutenir les activités du donataire, contrairement à l’exigence précédente selon laquelle un organisme de bienfaisance menait des « activités qui lui étaient propres ». De plus, l’ARC comprend que l’organisme de bienfaisance peut prendre des mesures raisonnables, souples et proportionnées en fonction de la nature de chaque subvention (bien que cela puisse nécessiter à la fois peu et beaucoup de rigueur), mais la principale responsabilité de l’organisme de bienfaisance est de faire preuve de diligence raisonnable. En effet, les lignes directrices définissent la « diligence raisonnable » comme étant les étapes nécessaires pour satisfaire aux exigences de la Loi et reconnaissent qu’il s’agit seulement d’un processus recommandé (mais non obligatoire). Par ailleurs, les nouvelles dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu ne font nullement mention de la notion de « diligence raisonnable », ce qui laisse planer un doute sur l’autorité de la position de l’ARC et la mesure dans laquelle les différentes mesures peuvent être utilisées aux fins de conformité avec la loi.
Cela dit, les lignes directrices expliquent plus clairement les raisons pour lesquelles l’ARC considère l’ensemble de la procédure d’évaluation et d’atténuation des risques comme un élément essentiel de la loi. La loi stipule qu’un organisme de bienfaisance doit « veiller » à ce que les fonds de la subvention soient utilisés en vue de la réalisation de fins de bienfaisance déterminées. L’ARC a mis l’accent sur le terme « veiller » selon lequel l’organisme de bienfaisance doit prendre un large éventail de mesures pour garantir que les fonds sont utilisés aux fins auxquelles ils sont destinés. De là découlent un grand nombre de suggestions de l’ARC.
Bien que de nombreux facteurs doivent être pris en considération pour l’évaluation d’un projet, il n’existe aucune suggestion sur la façon de classer ces facteurs ou quant à savoir si une considération est plus importante que d’autres. Ainsi, tous les organismes de bienfaisance, même les plus petits, devront maintenant analyser tous les risques (sociaux, économiques et politiques) ainsi que la réputation et les capacités du donataire particulier, ainsi que le montant et la durée de la subvention pour décider si le risque est élevé, moyen ou faible, puis prendre les mesures appropriées.
Par ailleurs, l’ARC peut effectuer certains ajustements en fonction des commentaires reçus. Par exemple, un montant supérieur à 25 000 $ était auparavant considéré comme une subvention importante. Ce montant a maintenant été porté à 50 000 $ (montant qui est peu susceptible d’atténuer les préoccupations d’un bon nombre de grands donateurs du secteur). De plus, une subvention à moyen terme est maintenant d’une durée de 2 à 5 ans (auparavant de 1 à 2 ans). Ces deux mesures constituent une excellente nouvelle, mais ne reflètent pas la réalité selon laquelle le secteur des organismes de bienfaisance est immense et varié. Un montant important pour une petite église peut représenter un petit montant pour un organisme de bienfaisance multinational. Nous ne nous attendons pas non plus à ce que ces lignes directrices soient régulièrement mises à jour pour refléter les réalités changeantes du monde.
Enfin, il n’existe aucun commentaire sur les conséquences pour un organisme de bienfaisance s’il ne « veille » pas à ce que les fonds soient utilisés de manière appropriée, mais qu’ils le sont tout de même. Dans ce cas, selon la compréhension de l’ARC relativement aux dispositions, il semblerait que l’organisme de bienfaisance ait manqué à ses obligations et puisse faire l’objet d’une révocation. Ce n’est clairement pas l’intention des dispositions légales, mais l’accent important mis par l’ARC sur le seul terme « veiller » mène à cette étrange conclusion. Des commentaires à l’égard de cette situation auraient été souhaités.
Un certain nombre d’autres changements rédactionnels sont apportés au document sous la rubrique du régime de diligence raisonnable. Les suggestions relatives à la conservation des documents justificatifs liés à la subvention sont les changements plus importants du fait qu’elles soient exigées par la loi. Dans d’autres cas, des exemples sont ajoutés ou supprimés ou des libellés précis peuvent être modifiés. Ces changements sont généralement utiles dans le secteur puisqu’ils clarifient habituellement la position de l’ARC, bien que la suppression d’une phrase qui a précédemment été accueillie favorablement peut être préoccupante. Parmi les changements se trouve la définition de « risque » qui « fait référence aux conditions qui pourraient compromettre l’enregistrement de l’organisme de bienfaisance et la confiance du public dans le secteur de la bienfaisance ». Cette définition illustre davantage (idéalement) les préoccupations de l’ARC plutôt que celles d’organismes de bienfaisance particuliers, mais il convient de garder à l’esprit la perspective d’un don lors de l’élaboration d’une subvention.
Dons dirigés
Le deuxième aspect présentant des changements importants concernait la discussion relative aux dons dirigés.
La Loi de l’impôt sur le revenu comprend également de nouvelles dispositions selon lesquelles un organisme de bienfaisance qui accepte un don assujetti à la condition explicite ou implicite qu’il soit effectué sous forme de subvention à un donataire non reconnu est passible de révocation. Une condition explicite est évidente et les lignes directrices en donnent un exemple simple. Toutefois, c’est l’utilisation du terme « implicite » qui est ambiguë et soulève de sérieuses préoccupations sur la façon dont un organisme de bienfaisance peut se conformer à cette disposition. Bien que les lignes directrices donnent de meilleures indications sur ce que l’ARC pourrait considérer comme une « condition implicite », l’ambiguïté du terme a permis à l’ARC de choisir des exemples qui interdisent fermement le mécanisme de versements admissibles dans certaines parties du secteur des organismes de bienfaisance. Et ce que l’ARC ne dit pas peut créer beaucoup de réticence à l’égard de l’octroi des subventions.
Les lignes directrices traitent d’une condition implicite qui inclut (c.-à‑d. qui ne se limite pas à) une situation où il est connu que si l’organisme de bienfaisance effectuait un don, il l’accorderait à un donataire non reconnu spécifique. Cette information est indiquée par l’inclusion du nom d’un donataire non reconnu dans son nom ou dans son acte constitutif. Il n’existe pas de source légale appuyant la position de l’ARC à ce sujet ni aucun commentaire sur ce qu’il adviendra si l’organisme de bienfaisance canadien effectue réellement des dons aux autres groupes. Toutefois, les lignes directrices conviennent qu’aucune préoccupation ne sera soulevée tant que l’organisme de bienfaisance exerce une direction et un contrôle. Ainsi, les organismes qui travaillent avec un seul donataire étranger non reconnu peuvent continuer à utiliser le mécanisme initial des « propres activités ». Cependant, l’interprétation de l’ARC à l’égard de ces dispositions donnera probablement naissance à une industrie artisanale de possibilités de planification afin de permettre aux organismes de bienfaisance d’accéder au financement à l’étranger par cette voie en apparence plus facile sans donner lieu à une condition « implicite ».
Nous nous attendons à être très occupés à aider les organismes de bienfaisance à composer avec ces nouvelles règles et nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
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