Texte initialement publié dans le Globe and Mail
Le géant comptable KPMG International Ltd. exploitera la puissance de l’intelligence artificielle (IA) dans ses audits financiers à l’échelle mondiale en intégrant à ses flux de travaux le logiciel de MindBridge Analytics Inc., une société d’IA en plein essor basée à Ottawa.
Le cabinet de services professionnels a conclu une entente mondiale avec MindBridge pour son logiciel d’IA, qui aide les auditeurs en passant au peigne fin toutes les écritures comptables d’un mandat et en signalant les irrégularités ou les écritures suspectes à examiner de plus près. À titre de comparaison, un auditeur humain ne révise qu’une fraction de ces écritures à la fois, et certaines erreurs ou anomalies peuvent lui échapper.
« L’intelligence artificielle de MindBridge fera partie de la méthode de KPMG » et sera intégrée à sa plateforme d’audit numérique utilisée dans 143 pays, a affirmé en entrevue Kristy Carscallen, associée directrice canadienne de l’Audit chez KPMG. « Ça deviendra notre façon de faire des audits. En ce qui concerne notre objectif de réaliser des audits de grande qualité, MindBridge répondait à la plupart de nos critères. »
Kevin Kolliniatis, leader national, Technologies, Audit et certification chez KPMG au Canada, a comparé l’audit traditionnel à « chercher une aiguille dans une botte de foin à l’aide de techniques d’échantillonnage. Maintenant, nous décelons ces aiguilles du premier coup. »
L’entente représente une grande victoire pour MindBridge, qui existe depuis huit ans. L’entreprise a commencé à travailler avec KPMG au Canada il y a plusieurs années, tirant parti de ses perspectives pour étendre les capacités de son logiciel. « Il s’agit d’une combinaison d’années de travail pour, d’une part, gagner la confiance de personnes clés, et d’autre part, affiner l’argumentaire de vente », explique John Stokes, directeur de MindBridge et associé directeur de l’investisseur Real Ventures.
C’est également un indicateur que MindBridge est en bonne voie de réaliser son potentiel initial comme l’une des sociétés d’IA les plus prometteuses du Canada, deux ans après que Leyton Perris, cadre chevronné en vente de logiciels, a pris la relève en tant que chef de la direction et concentré les efforts sur une approche dynamique des ventes.
MindBridge a attiré des dizaines de nouvelles sociétés clientes, faisant sextupler ses activités au cours des 2 dernières années et amenant son chiffre d’affaires au-delà des 20 millions de dollars en 2022.
L’entreprise, qui n’a pas mobilisé de capitaux depuis 2019, est également en pourparlers actifs pour du nouveau financement, a révélé M. Perris en entrevue. « Pour une entreprise qui connaît une croissance comme la nôtre, il est prudent d’un point de vue financier [de chercher du financement]. Nous ne sommes pas criblés de dettes et nous avons une solide trajectoire de croissance. »
MindBridge a été fondée en 2015 par Solon Angel, un entrepreneur d’Ottawa qui était convaincu que l’IA pouvait aider les auditeurs à détecter les fraudes et autres anomalies comptables. M. Angel a rapidement été inondé d’appels d’entreprises intéressées par son logiciel. Comme son projet n’était encore qu’au stade de concept, M. Angel a fait appel à Eli Fathi, entrepreneur technologique chevronné d’Ottawa.
Séduit par l’occasion, M. Fathi était convaincu que MindBridge pourrait devenir un géant. Il a intégré l’entreprise à titre de chef de la direction et s’est adjoint des leaders émérites, dont Robin Grosset comme directeur de la technologie, auparavant architecte en chef d’IBM Watson Analytics (M. Angel étant désormais chef de l’impact). En 2017, la société comptait 20 clients et partenaires en audit au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Le moment était opportun : le Canada attirait d’énormes investissements étrangers dans des entreprises en démarrage et des laboratoires de recherche grâce à sa réputation de plaque tournante en IA.De 2017 à 2019, MindBridge a mobilisé 42,3 millions de dollars en capital d’investisseurs et en financement gouvernemental.
Cependant, l’entreprise n’avait pas d’orientation claire quant au segment de marché à cibler – auditeurs internes ou externes, sociétés, administrations publiques –, ce qui a refroidi nombre de clients prudents à adopter la nouvelle technologie.
MindBridge a également connu une rotation du personnel, notamment avec le départ précipité de deux hauts dirigeants recrutés pour des postes importants en 2019. À cela se sont ajoutées les conséquences de la COVID-19 sur les revenus en 2020, entraînant une réduction de 10 % du personnel en avril de la même année.
Le sort de l’entreprise s’est grandement éclairci depuis que M. Perris a pris la relève de M. Fathi, maintenant président du conseil d’administration. En entrevue avec le Globe and Mail en juin dernier, M. Perris a déclaré qu’il mettait « l’accent sur la commercialisation rapide, en misant moins sur le mouvement et plus sur les résultats ».
« Nous avons recentré notre approche en ce qui a trait à l’adéquation entre le produit et le marché, a expliqué M. Grosset. Nous connaissons nos acheteurs et nous savons quels sont les points forts de notre produit. Nous sommes reconnus pour ce que nous faisons, et ça nous aide beaucoup. »
Par ailleurs, MindBridge n’avait pas intensifié son recrutement avant le repli technologique qui a débuté fin 2021, comme l’ont fait de nombreuses entreprises du secteur, forcées de procéder à d’importantes réductions du personnel par la suite. « Nous nous trouvons dans une position commerciale saine, en ce sens que notre entreprise est viable et nos flux de trésorerie sont positifs », a affirmé M. Perris au sujet de l’entreprise de 130 employés, qui n’a pas eu à réduire ses effectifs dans le contexte de récession.