Propositions de l’IASB pour enrichir les informations sur les regroupements d’entreprises et simplifier les tests de dépréciation des goodwills.
Décryptage de l’ED : Business Combinations-Disclosures, Goodwill and Impairment
Publié le 4 juillet 2024
L’IASB a publié le 14 mars 2024 un exposé-sondage (Exposure Draft) intitulé « Regroupements d’entreprises — Informations à fournir, goodwill et dépréciation ». Cet exposé-sondage fait suite au document de discussion (Discussion Paper) du même nom qui avait été publié par l’IASB en mars 2020 à la suite de la Post-implementation review d’IFRS 3. Il englobe les propositions de l’IASB visant à répondre aux attentes exprimées par les utilisateurs des états financiers IFRS demandant :
- davantage d’informations sur les regroupements d’entreprises, notamment sur les performances attendues de ces opérations et leur réalisation postérieurement à l’acquisition ; l’objectif étant de permettre aux investisseurs de mieux apprécier la pertinence des acquisitions décidées par la direction et l’utilisation faite des ressources de l’entité (prix payé, …), et
- une amélioration et une simplification des tests de dépréciation des goodwills.
Dans cet exposé-sondage, l’IASB propose des amendements aux normes IFRS 3 Regroupements d’entreprises et IAS 36 Dépréciation d’actifs.
La période de commentaires sur cet exposé-sondage est ouverte jusqu’au 15 juillet 2024.
Propositions d’amendements à IFRS 3 - Regroupements d’entreprises
De nouvelles informations à fournir sur les acquisitions réalisées et en particulier sur celles considérées « d’importance stratégique »
De nouvelles informations seraient à fournir en notes annexes mais pas toutes requises au même moment – i.e. certaines informations seraient à communiquer dans les comptes de l’exercice au cours duquel le regroupement d’entreprises a lieu, alors que d’autres informations seraient à communiquer au cours des exercices ultérieurs. De plus, ces nouvelles informations ne seraient pas toutes systématiquement requises : certaines ne seraient à communiquer que pour des regroupements d’entreprises dits « d’importance stratégique » et d’autres informations pourraient bénéficier d’une exemption, sous certaines conditions, pour répondre aux préoccupations concernant la divulgation d’informations sensibles commercialement ou les risques de litiges.
Synthèse des nouvelles informations, qualitatives et quantitatives, qui seraient à fournir sur les regroupements d’entreprises :
En annexe à cette publication figurent des illustrations de ces nouvelles informations à fournir.
Les informations sur les synergies devraient décrire chaque catégorie de synergie attendue (ex. synergies sur le chiffre d’affaires, synergies de coûts, etc.) et indiquer pour chacune de ces catégories, une estimation :
- du montant des synergies attendues ;
- des coûts nécessaires pour atteindre ces synergies ; et
- du moment à compter duquel, ainsi que la durée pendant laquelle l’entité s’attend à percevoir les avantages de ces synergies.
Selon les propositions de l’IASB, les objectifs clés du regroupement d’entreprises, ainsi que les cibles associées, seraient ceux réellement revus par les principaux dirigeants de l’entité tels que définis par IAS 24 Information relative aux parties liées. Ainsi, les informations relatives aux objectifs du regroupement d’entreprises ainsi qu’aux cibles associées n’auraient pas à être communiquées dans le cas où les principaux dirigeants ne reverraient pas et ne prévoiraient pas de revoir ces objectifs dans le temps ; ou s’ils arrêtaient de les revoir. Il conviendrait néanmoins, dans ce cas, d’expliquer en annexe les raisons de l’absence ou de l’arrêt du suivi des objectifs. Dans la même logique, s’il est prévu par l’acquéreur d’intégrer l’entité acquise dans une de ses activités existantes, les informations relatives aux objectifs, ainsi qu’aux cibles, pourraient être basées sur ceux de l’activité existante au sein de laquelle l’entité acquise est intégrée, plutôt que sur les objectifs et cibles de l’entité acquise prise isolément.
Un regroupement d’entreprises « d’importance stratégique »
Un regroupement d’entreprises « d’importance stratégique » serait un regroupement d’entreprises qui remplirait une seule des conditions suivantes :
- Pour la période annuelle la plus récente précédant le regroupement d’entreprises :
o le résultat opérationnel[1] de l’entité acquise représenterait au moins 10% du résultat opérationnel consolidé de l’acquéreur ;
o le chiffre d’affaires de l’entité acquise représenterait au moins 10% du chiffre d’affaires consolidé de l’acquéreur ;
- A la date de clôture la plus récente précédent le regroupement d’entreprises : le montant total des actifs de l’entité acquise en date d’acquisition (y compris le goodwill) représenterait au moins 10% du total des actifs comptabilisés dans le bilan consolidé de l’acquéreur ;
- L’opération permettrait à l’acquéreur d’obtenir une nouvelle ligne d'activité ou région géographique principale.
[1] Tel que défini dans la norme IFRS 18 venant remplacer l’actuelle IAS 1 Présentation des états financiers
Les exemptions
Les exemptions possibles visent uniquement les informations suivantes :
- les synergies attendues et les objectifs clés du regroupement d’entreprises ainsi que les cibles, à communiquer dans les comptes de l’exercice d’acquisition ;
- la déclaration post-acquisition sur l’atteinte des objectifs clés et des cibles.
Pour chacune de ces informations, l’exemption ne serait applicable que lorsque l’information serait de nature à porter préjudice à l’atteinte même des objectifs du regroupement d’entreprises.
Le cas échéant, l’entité devrait être en mesure de donner la raison de l’utilisation de l’exemption, en indiquant le préjudice qui résulterait de la communication de l’information exemptée en sachant qu’un risque de perte de compétitivité ou d’incidence négative sur les marchés financiers ne serait pas, selon l’IASB, une raison suffisante pour justifier de l’exemption.
Propositions d’amendements à IAS 36 Dépréciation d’actifs
Selon les dispositions actuelles d’IAS 36 :
- Un test de dépréciation consiste à comparer la valeur comptable d’un actif (ou d’un groupe d’actifs regroupés dans une unité génératrice de trésorerie (UGT)) avec sa valeur recouvrable et le cas échéant à déprécier la valeur comptable d’un actif (ou d’une UGT) pour la ramener au niveau de sa valeur recouvrable lorsque sa valeur comptable est supérieure à sa valeur recouvrable.
- La valeur recouvrable d’un actif (ou d’une UGT) est le plus élevé entre sa valeur d’utilité et sa juste valeur diminuée des coûts de sortie.
- La valeur d'utilité d’un actif (ou d’une UGT) est la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs attendus de l’utilisation de l’actif (ou de l’UGT).
- Le goodwill, ne générant pas de flux de trésorerie à lui seul, n’est testé qu’avec d’autres actifs dans une UGT. Dans un groupe contenant plusieurs UGT, le goodwill est ainsi alloué aux différentes UGT.
Clarifications des dispositions sur l’allocation du goodwill aux unités génératrices de trésorerie
En réponse aux critiques sur des dépréciations de goodwill comptabilisées souvent trop tard – i.e. le goodwill bénéficiant dans certains cas d’une sorte de « bouclier » du fait d’une allocation à un niveau trop élevé qui permettrait de bénéficier dans le test de marges réalisées par d’autres activités – l’IASB vient préciser l’application des règles d’allocation du goodwill selon IAS 36, en indiquant que l’entité :
- doit d’abord identifier les unités génératrices de trésorerie (UGT) susceptibles de bénéficier des synergies du regroupement d’entreprises ;
- doit ensuite déterminer le niveau le plus faible à partir duquel l’information est utilisée par le Management pour piloter le business auquel le goodwill est associé ;
- ne doit pas allouer le goodwill à un niveau plus élevé qu’un secteur opérationnel selon IFRS 8 Secteurs opérationnels, cette étape ne devant pas s’appliquer par défaut sans avoir appliqué les deux premières.
Simplifications du calcul de la valeur d’utilité
En réponse aux remarques portant sur la complexité du test de dépréciation selon IAS 36, l’IASB propose dans son exposé-sondage de simplifier le calcul de la valeur d’utilité en supprimant :
- l’interdiction de prendre en compte des flux de trésorerie issus de restructurations non encore approuvées, et
- l’interdiction de prendre en compte des flux de trésorerie améliorant la performance de l’actif (ou de l’UGT) testé.
Ceci devrait permettre, dans le cadre de l’estimation des flux de trésorerie, d’utiliser les prévisions budgétaires de la direction sans les retraiter, réduisant ainsi le risque d’erreur. Il est en effet souvent complexe pour les préparateurs des états financiers, dans le modèle actuel d’IAS 36, de distinguer d’une part, les dépenses de maintenance de l’actif (ou de l’UGT) testé qui sont prises en compte dans les tests de dépréciation, et d’autre part, les dépenses visant à améliorer la capacité de l’actif (ou de l’UGT) testé qui doivent être exclues. Ces simplifications seront sans doute les bienvenues à l’heure de la transition énergétique où ces questions autour des actifs se posent particulièrement. Ceci devrait aussi permettre de réduire les écarts conceptuels parfois mal compris entre la notion de valeur d’utilité qui exclut les dépenses visant à améliorer la capacité de l’actif (ou de l’UGT) testé et la notion de juste valeur qui inclut ces dépenses lorsqu’un participant de marché estime qu’il aurait à les encourir.
Il est à noter que, selon l’IASB, ces simplifications ne remettraient pas en cause le principe d’IAS 36 consistant à tester l’actif (ou l’UGT) « dans son état actuel » puisqu’elles ne seraient applicables que dans des circonstances où l’actif (ou l’UGT) testé contiendrait dans son état actuel un potentiel de restructuration ou d’amélioration.
L’IASB propose aussi de supprimer l’obligation de réaliser le test de dépréciation avant impôt. Néanmoins, en pratique, beaucoup de groupes réalisent déjà leurs tests de dépréciation après impôt compte tenu du fait que les taux représentatifs du coût moyen pondéré du capital permettant d’actualiser les flux de trésorerie (en anglais Weighted Average Cost of Capital ou WACC) sont souvent des taux après impôt.
Modalités de première application
Ces amendements seraient applicables de manière prospective – i.e. à compter de leur date d’entrée en application. Ainsi, les nouvelles informations relatives aux regroupements d’entreprises ne seraient à communiquer que pour les regroupements d’entreprises dont la date d’acquisition serait postérieure à l’année d’entrée en application de ces amendements.
Annexe
Illustrations des nouvelles informations à fournir sur les regroupements d’entreprises
Ces deux illustrations sont inspirées des exemples illustratifs (Illustrative Examples) proposés dans l’exposé-sondage et portent sur :
- les informations à communiquer sur les synergies ;
- les informations à communiquer pour les regroupements d’entreprises d’importance stratégique.
Ils simulent l’acquisition d’une cible (appelée « la cible ») au 1er juillet 2024 qui serait communiquée dans les états financiers consolidés IFRS de l’acquéreur au 31 décembre 2024.
Tag : Audit et assurance ESG
Auteurs :
Cet article a également été rédigé par :
Nicolas Vigneron, Directeur, Doctrine comptable - KPMG en France
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