Vouloir réconcilier la performance économique avec la création de valeur environnementale et sociétale est une chose. En faire la démonstration en est une autre. La question de l’évaluation des impacts devient alors centrale. Et c’est tout l’enjeu d’un cadre méthodologique robuste.
Pour l’illustrer, Anne Garans, associée, responsable du département Développement durable chez KPMG en France, n’a pas à chercher loin. « Notre cabinet s’est engagé dans une démarche de mesure et de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, explique-t-elle. En appliquant le référentiel de l’Ademe, nous faisons ressortir cinq principaux postes émetteurs. Avec les facteurs d’émission du référentiel international du GHG Protocol, le résultat est différent, notamment en ce qui concerne le premier poste émetteur. »
Tout le paradoxe est là : alors que l’essor d’un nouveau modèle d’entreprise fait l’objet d’un mouvement de fond, valoriser la contribution au bien commun d’un produit ou d’une activité reste aujourd’hui encore une gageure. À plus forte raison quand il s’agit de celle d’une entreprise ou d’un groupe…
Il existe désormais de nombreux référentiels. Certains, comme l’ISO 26000, le label B Corp ou les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, sont précieux pour construire une stratégie RSE et en faire un levier de transformation. Ils incitent généralement les entreprises à se doter d’indicateurs, mais sans aller plus loin. « D’autres avancent des pistes plus précises, à l’image du référentiel standard du GRI (Global Reporting Initiative), du SASB (Sustainability Accounting Standards Board) ou de la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures), souligne Anne Garans. Mais, aussi inspirants soient-ils, ces dispositifs manquent de précision dans la définition des indicateurs proposés. »
L’arsenal réglementaire n’offre pas de repères plus solides. En France, son évolution au fil du temps illustre la volonté de remettre entre les mains des entreprises le choix de leurs indicateurs de mesure. Depuis l’article 116 de la loi NRE de 2001, qui a conduit les grandes sociétés cotées en bourse à publier des informations de développement durable, jusqu’à la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière), issue récemment de la transcription d’une directive européenne, le nombre des thématiques « imposées » s’est restreint. Et, selon le test de « matérialité »*, les organisations doivent être capables de sélectionner elles-mêmes les enjeux éthiques, sociaux ou environnementaux sur lesquels elles feront porter leurs efforts.
Intégrer des regards extérieurs, une tendance appelée à durer
« Faire appel à des parties prenantes capables d’apporter leur impulsion, de challenger pour faire progresser : cette approche correspond au sens de l’histoire », estime Anne Garans.
Ensuite, de nouvelles voies de progrès se font jour. L’une d’entre elles consiste à mobiliser au-delà des limites de l’entreprise afin, notamment, d’enrichir la réflexion sur la mesure des impacts. Animée par cet objectif, EDF a mis en place un conseil de parties prenantes rassemblant, autour du président-directeur général, treize personnalités de la société civile : spécialistes de l’environnement et du climat, universitaires, représentants de collectifs d’étudiants et de consommateurs, économistes et acteurs des solidarités. Avec son comité Critical Friends, Veolia suit une logique similaire. Le comité de mission de Danone a, pour sa part, travaillé aux côtés de l’entreprise pour déterminer un ensemble d’indicateurs sur la base des fondamentaux de sa mission : améliorer la santé, préserver la planète et promouvoir l’inclusion sociale.