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L’obligation étendue de reporting au niveau européen arrive dans quelques semaines dans nos entreprises. Ceux qui n’y verraient qu’une énième obligation réglementaire seraient bien mal inspirés, devant toute ce que cette directive suggère de changements et d’opportunités.

Le grand virage de la performance !

 

Un tournant dans la communication extra-financière

La Corporate Sustainabilty Reporting Directive devrait, sans surprise, être transposée en droit français au cours de ce mois de décembre. Cocorico ! Nous serons le premier pays membre à le faire !

Cette directive européenne, dont le but est d’encadrer le reporting extra-financier (ESG) à l’échelle de la communauté européenne, vient remplacer la NFRD[1] qui s’appliquait aux seules grandes entreprises européennes depuis 10 ans.

En ayant prêté une oreille plus attentive aux parties prenantes des entreprises, celle-ci va plus loin sur un ensemble de points majeurs :

  • Regarder dans la même direction : elle est en cohérence avec le Pacte Vert pour l’Europe (European Green Deal) et donc l’Accord de Paris qui vise à atteindre la neutralité carbone du continent en 2050
  • Parler le même langage : elle exige des données plus précises, plus nombreuses, plus cadrées par des indicateurs standardisés[2]
  • Favoriser la transparence : pour la société civile, pour les investisseurs, l’homogénéité et la multiplication des informations est une garantie supplémentaire.

50 000 entreprises européennes !

Ce sont quelques 50 000 sociétés, qui vont devoir intégrer et appliquer la CSRD, selon le calendrier suivant :

  • 1er janvier 2024, les entreprises concernées par l’actuelle directive européenne NFRD et qui publient déjà une déclaration de performance extra-financière (DPEF)
  • Il s’agit des entreprises cotées embauchant plus de 500 salariés et affichant plus de 50 millions € de chiffres d’affaires et/ou 25 millions € de total de bilan
  • 1er janvier 2025, toutes les autres grandes entreprises, c’est-à-dire satisfaisant à 2 des 3 critères suivants : 250 salariés / 50 millions € de CA ou 25 millions € de total de bilan
  • 1er janvier 2026, les PME cotées sur un marché règlementé, à l’exception des microentreprises.
  • elles appliqueront des normes de reporting allégées et pourront différer leurs obligations deux années supplémentaires
  • 1er janvier 2028, certaines grandes entreprises extra-européennes réalisant un chiffre d’affaires européen supérieur à 150 millions € et avec une filiale ou succursale localisée dans l’Union européenne

Les mêmes normes pour tous

La directive CSRD a prévu des normes européennes de reporting de durabilité, dites normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) afin d’encadrer et d’harmoniser les communications extra-financières des entreprises.

Dans cet objectif, la Commission européenne a mandaté l’EFRAG qui a produit les standards ci-dessous :

[OC1]

La double-matérialité, socle de la CSRD

Le concept de « matérialité » est emprunté à la terminologie financière. Il consiste à identifier, trier et hiérarchiser les informations comptables susceptibles d’avoir un impact sur la performance financière de l’entreprise. En l’espèce, une information est réputée « matérielle » lorsqu’elle atteint ou dépasse un « seuil de signification », c’est-à-dire un montant au-delà duquel certaines décisions économiques, notamment celles des investisseurs, sont susceptibles d’être influencées.

Le concept s’est ensuite étendu au périmètre de la RSE et du reporting extra-financier, dès le milieu des années 2 000, avec la Global Reporting Initiative (GRI).

Plus concrètement, la matrice -ou test- de matérialité permet de hiérarchiser les enjeux RSE d’une entreprise pour en identifier les plus prioritaires. Chaque enjeu, porté par une ou plusieurs parties prenantes, est donc classé en fonction de sa pertinence, ou de son importance pour l’entreprise.

Mais la « simple » matérialité présente des lacunes. Par exemple, les émissions de GES de telle entreprise pourraient ne pas être considérées comme suffisamment matérielles, ou significatives, alors qu’elles participent indéniablement au dérèglement climatique global.

Une lacune que la double-matérialité ou « matérialité d’impacts » va venir combler en identifiant les risques portés par ces émissions. Une vision « Outside-In » complétée par une vision « Inside-Out ».

Avec la double-matérialité, la CSRD permet de mieux caractériser les enjeux importants et qui, de fait, doivent être intégrés dans le rapport de durabilité.

Une réglementation VERTUEUSE

Cette obligation de transparence va pousser les entreprises à agir, mais aussi à piloter, afin que les engagement pris soient suivis. La responsabilité ne pourra plus jamais être séparée des plans stratégiques, car les engagements qui seront affichés, devront être du plus grand sérieux et suivis. Une nouvelle ère s’ouvre.

Car, avec les outils de transparence qui seront implémentés, les parties prenantes auront la capacité de comprendre très exactement la stratégie de l’entreprise et la sincérité de sa mise en œuvre.

Ne rien dire ou ne rien faire serait un risque réputationnel trop fort. Ainsi, ce sont tous les services qui doivent changer et ne plus considérer que c’est le seul job de la direction RSE que d’assumer les problématiques de responsabilité. Certaines entreprises vont, plus que d’autres, devoir transformer leur appareil industriel. La CSRD impose de fortes évolutions de business-models, de contours de métiers et même de mindset !

Il est à parier que, demain, on ne parlera plus de performance « financière » ou « extra-financière », mais bien de performance « globale ». D’ailleurs certaines entreprises ont déjà créé une « direction de la performance ».

En cela, la CSRD doit être comprise comme une formidable opportunité d’intégrer la responsabilité et la durabilité dans la performance. Et inversement. A la fois dans l’action et dans la démonstration de l’action.

37 ans après la déclaration de Bruntland, il était temps !

Non Financial Reporting Directive, directive européenne qui impose à plus de 11 000 entreprises de réaliser leur reporting extra-financier : suivre et publier leurs performances ESG (environnement, social, gouvernance)

L’EFRAG a publié le 25 octobre dernier un fichier Excel des 1178 points de données en version projet.


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