Cet article a été rédigé par : Thomas Straub, Marie Chenal, Philippe-Emmanuel Goussard et Virginie Vincent.
Le changement climatique bouscule en profondeur les métiers de la fonction publique territoriale
Il n’est plus besoin de grandes manifestations internationales, de rapports éclairés ou de manifestations concrètes et désormais régulières des dérèglements climatiques à l’œuvre pour cerner les enjeux qui se présentent et la nécessité impérieuse de devoir y répondre.
Pour les collectivités territoriales, les axes d’action ont été depuis longtemps dessinés : contrarier, atténuer en déployant toutes les stratégies, les initiatives qui permettront d’infléchir la trajectoire que promettent les experts ; adapter les politiques publiques, les organisations et les pratiques professionnelles pour mieux répondre, absorber les chocs annoncés.
Les métiers vont changer. L’Institut de l'Économie pour le Climat évalue à 25 000 le nombre de recrutements nécessaires d’ici 2030 pour renforcer les capacités d’ingénierie des collectivités. Les compétences vont se transformer. La moitié des près de 2 millions d’agents territoriaux sont considérés comme exerçant un métier verdissant (acheteur, urbaniste, protection civile, agents du cadre de vie, etc.) impliquant une évolution vers des pratiques plus durables et respectueuses de la nature, même si ces métiers ne sont pas nécessairement directement liés à des secteurs environnementaux spécifiques.
Les collectivités se sont dotées progressivement et continuent à se doter de stratégies et de plans de décarbonation et de plans climat. Nombreuses sont celles qui ont programmé des investissements massifs pour améliorer l’efficacité énergétique de leur patrimoine immobilier.
D’autres, moins nombreuses, se sont lancées dans des démarches de budget vert. Où sont les RH ?
La révolution numérique et digitale des années 2000 et 2010 a démarré bien avant que les collectivités prennent conscience des besoins en investissement en matière d’adaptation des compétences des agents territoriaux. Il ne faudrait pas (une nouvelle fois) que le volet RH de la révolution climatique soit le parent pauvre de la stratégie de transformation et d’adaptation des collectivités.
La prise de conscience sur la nécessité pour les Directions générales de faire de leur fonction RH et de leur DRH un levier et un acteur majeur du changement climatique est aujourd’hui impérative.
Des actions déjà engagées touchant les différents aspects du travail des agents territoriaux…
Les collectivités territoriales sont en première ligne et chacune doit désormais répondre à une nouvelle donne dont les caractéristiques se redessinent chaque jour et dont les impacts ne sont encore finalement qu’esquissés.
Déjà elles sont nombreuses à interroger leurs politiques et leur action publique, leurs projets et leurs priorités en les réorientant, en les interrompant aussi : la communauté urbaine de Caen la Mer et la Ville de Caen ont déjà par exemple suspendu un vaste projet d’aménagement pour le réévaluer à l’aune des projections établies quant à l’élévation du niveau de la mer à l’horizon 2100.
Ont été aussi engagées des transformations de gestion, de process, ou d’organisation pour répondre et pour s’adapter aux mieux à ces contraintes inédites :
- réorganisations des cycles de travail dans les collectivités frappées par des épisodes caniculaires répétés ;
- évolution des pratiques professionnelles dans les espaces verts pour économiser la ressource en eau dans les territoires touchés par des vagues de sécheresse inédites ;
- adaptation des métiers exercés en extérieur ou en intérieur dans les équipements non dotés de climatisation (dans les EHPAD et les établissements d’accueil du jeune enfant notamment) ;
- renforcement des compétences et des moyens en matière de prévention et de sécurité face aux risques climatiques (évolution des missions des SDIS, impératif d’amélioration de l’entretien du patrimoine forestier détenu à plus de 16% par les collectivités, etc.) ;
- développement des mobilités douces pour les agents territoriaux nombreux à habiter en zone rural ou périurbaine ;
- formations des professionnels aux enjeux des transformations climatiques qui imposent parfois des changements profonds et un accompagnement durable et individualisé...
Mal ou trop peu accompagnée, cette révolution des métiers pourrait se heurter à des incompréhensions voire à des oppositions car elle serait perçue comme venant s’ajouter à des difficultés déjà connues : contexte inflationniste, défaut d’attractivité de la fonction publique territoriale dans une société qui se rapproche (pour l’instant) du plein emploi, etc.
Il y a déjà quelques années, pour de nombreux agents des espaces verts, la suppression progressive de l’utilisation des produits phytosanitaires a été vécue comme une contrainte avec des effets directs sur leurs conditions de travail. L’exemple est à éviter.
L’adaptation des métiers au changement climatique ne se décrète pas.
Elle doit s’expliquer. Elle doit se penser collectivement en partant de l’observation de la situation du travail réel des agents.
Ce mouvement d’ampleur, complexe, repose sur la mobilisation de compétences, certes pour partie déjà engagées dans les collectivités - mais pas toutes -, dont l’essentiel est encore à dessiner, à qualifier et à quantifier, et pour lesquelles dès lors, les DRH doivent rapidement organiser le plan de leur acquisition et de leur développement.