Nombre de joueurs
Nul ne sera étonné d’apprendre que l’adaptation et la conformité à la directive CSRD ainsi qu’aux propositions de la SEC, des ACVM et de l’ISSB exige beaucoup de temps et de ressources, particulièrement celles de l’ISSB, qui évoluent rapidement. Les réunions mensuelles de leur conseil d’administration permettent de réaliser des progrès en matière de clarification des sujets d’importance et fournissent des réponses transparentes aux préoccupations des parties prenantes et aux lettres d’observations. Les conclusions qui découlent de ces réunions orienteront davantage la version définitive de la directive CSRD et des règles de la SEC et des ACVM.
Par le passé, les responsables des rapports ESG faisaient partie des équipes de développement durable ou des communications, mais nous constatons aujourd’hui un changement : on s’attend à ce que le chef des finances joue un rôle plus actif à ce chapitre. Cette personne aura pour responsabilité d’intégrer les risques liés aux changements climatiques non seulement dans les états financiers, mais aussi dans les rapports de gestion et les rapports ESG distincts, dans la mesure où ils sont utilisés à des fins de conformité aux exigences réglementaires ou de normalisation.
Quoi qu’il en soit, puisque le passage de la présentation volontaire à la présentation obligatoire est prévu pour l’année à venir, plusieurs mesures devront être prises, notamment en matière d’amélioration des modèles de gouvernance, des systèmes, des processus et des contrôles. Il est de plus en plus crucial pour les entreprises de commencer à élaborer un plan et à établir leurs priorités afin d’atténuer leur exposition aux risques réglementaires et de minimiser les préoccupations relatives à l’environnement et à la réputation.
Déroulement de la partie
Habituellement, les entreprises publient leurs rapports ESG des mois après leurs états financiers. Toutefois, l’évolution des exigences réglementaires requiert une harmonisation avec les échéanciers de présentation de l’information financière. Nous entrevoyons donc un recours accru aux estimations et aux variables de substitution pour le calcul de certaines mesures de durabilité, telles que les émissions de gaz à effet de serre de portée 1, 2 et 3, étant donné que les données réelles pourraient ne pas être disponibles en raison des nouveaux échéanciers. Les émissions de portée 1 sont celles qu’une entreprise produit directement. Celles de portée 2 sont générées indirectement par l’entreprise (p. ex., consommation d’énergie achetée pour alimenter les bureaux ou d’autres installations). Les émissions de portée 3, quant à elles, englobent tout ce qui découle de la chaîne de valeur de l’entreprise.
De manière générale, les autorités de réglementation exigent des entreprises qu’elles fassent rapport sur certains sujets conformément aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques du Conseil de stabilité financière, notamment :
- la gouvernance des risques liés aux changements climatiques, à l’aide de données qualitatives;
- l’incidence réelle et éventuelle des occasions et des risques liés aux changements climatiques sur leurs activités;
- leur stratégie et leur planification financière, si elles sont significatives;
- la manière dont elles repèrent, évaluent et gèrent les risques liés aux changements climatiques.
Comment ces exigences s’appliquent-elles dans chaque proposition?
- Émissions de portée 1 et 2 : Les projets de directive CSRD et de propositions de la SEC et de l’ISSB présentent tous l’obligation de communiquer de l’information relativement aux émissions de portée 1 et 2. La proposition des ACVM, elle, contient actuellement le principe « se conformer ou s’expliquer ».
- Émissions de portée 3 : Le manque de cohérence quant aux obligations d’information relatives aux émissions de portée 3 qu’élaborent les autorités de réglementation reflète les défis actuels en matière de quantification de ce type d’émissions. L’ISSB a déclaré qu’il envisage une mise en œuvre progressive, permettant la communication ultérieure de l’information liée aux émissions de portée 3.
- Assurance des tiers : Bien que la certification n’ait pas été explicitement mentionnée dans la proposition des ACVM, cela pourrait changer, surtout à la lumière de ce que d’autres autorités de réglementation ont publié. La proposition de la SEC exige une assurance modérée à l’égard des émissions de portée 1 et 2 pour certaines entreprises. Similairement, la directive CSRD exige une assurance modérée pour les émissions en plus de la présentation d’information globale en matière de développement durable. Ces deux propositions ont pour objectif l’atteinte de l’assurance raisonnable.
- Incidence sur les postes des états financiers : La directive CSRD et les propositions de la SEC, de l’ISSB et des ACVM exigent toutes que de l’information soit fournie relativement à l’incidence des changements climatiques sur la performance financière. Toutefois, des changements pourraient être apportés à la proposition de la SEC, notamment l’augmentation du seuil déclencheur d’obligation d’information en fonction de l’état financier en question et de la quantité de renseignements à fournir dans les notes afférentes aux états financiers.
- Double importance relative : La directive CSRD trace la voie à suivre sur ce front, car elle seule tient compte de la « double importance relative ». Il s’agit d’un concept selon lequel deux volets d’importance existent : l’incidence sur la valeur de l’entreprise et les répercussions sur l’environnement et la société à court, à moyen ou à long terme. Cela entraîne des obligations d’information beaucoup plus exhaustives.
Stratégie gagnante
Dorénavant, les rapports ESG devront être préparés avec le même degré de rigueur que les rapports financiers. En outre, les risques ESG sont de plus en plus considérés comme des risques d’entreprise à part entière. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ces nouvelles exigences réglementaires en matière de présentation de l’information gagnent continuellement en importance aux yeux des chefs des finances, qui devront s’assurer que des processus rigoureux de gestion des risques et des contrôles sont en place.
Dans un premier temps, les entreprises devront effectuer une analyse des écarts par rapport aux exigences applicables en plus des préoccupations relatives aux systèmes et aux données, des processus et des contrôles, ainsi que des compétences manquantes au sein de la main‐d’œuvre. Cette analyse devrait informer la direction et les responsables de la gouvernance sur le travail à faire pour mobiliser les ressources nécessaires, être bien outillé et cerner les mesures à présenter à l’avenir. Tout cela devrait contribuer à la création d’une feuille de route opérationnelle pour assurer la conformité aux exigences futures avant leur entrée en vigueur prévue.
En ce qui concerne les mesures et les sujets liés à l’information à fournir, les propositions de l’ISSB, de la SEC et des ACVM fournissent des directives précises sur ce qui devrait être communiqué. Toutefois, il est possible que les entreprises assujetties à la directive CSRD doivent effectuer une évaluation de l’importance relative afin de repérer et d’examiner les enjeux de durabilité qui pourraient avoir une incidence importante (financière ou autre) sur leurs activités ou leurs parties prenantes. Il s’agit d’une étape importante pour cerner les sujets et les mesures devant faire partie de l’information à divulguer. À l’inverse, les entreprises pourront déterminer quelles informations sont non significatives dans le cadre d’une norme actuelle, d’une obligation d’information individuelle ou au titre d’une source de données unique.
Enfin, il est important de veiller à ce que l’information présentée soit exacte et crédible, car une attention particulière y sera accordée. De plus, la certification est un élément crucial du jeu : les entreprises devraient envisager de procéder à une évaluation de leur état de préparation en matière de certification. Elles seront ainsi en mesure de repérer les systèmes, les processus et les contrôles à l’égard de l’information sur la durabilité qui doivent être améliorés, ainsi que les mesures de certification qui pourraient être mises en place.
Les exigences réglementaires susmentionnées et les progrès attribués aux organismes de normalisation témoignent d’un changement fondamental dans la présentation de l’information relative aux facteurs ESG. La situation évolue rapidement; il est important que les entreprises déterminent où elles se situent et agissent dès maintenant, avant de devoir revenir à la case départ.