• Laurent Aillard, Expert |

Une opération de sale et leaseback permet à une entreprise de mobiliser des réserves latentes et ainsi de faciliter la mise en œuvre de sa stratégie opérationnelle.

L’immobilier d’exploitation comme levier pour affronter la crise

Chaque entreprise est impactée par la pandémie de COVID-19. Toutefois, en fonction de son secteur d’activités, de sa situation financière pré-crise ou encore de ses clients, les effets de la crise seront très fortement variables. Si pour certaines, la crise ne constituera qu’un recul ponctuel de l’activité, pour d’autres, c’est leur viabilité même qui sera en jeu avec un possible manque de liquidité et des problèmes de trésorerie malgré les mesures de soutien aux entreprises octroyées par la Confédération ou les cantons.

Si pour affronter la crise, les entreprises disposent de nombreux leviers opérationnels, celles qui sont propriétaires de leur immobilier d’exploitation disposent en plus de réserves latentes importantes. La mobilisation de ces réserves pourraient faciliter la mise en œuvre de la stratégie opérationnelle de l’entreprise, qu’il s’agisse de dégager des liquidités, d’investir dans les outils de production, de financer une acquisition (croissance externe), de se désendetter ou encore de verser des dividendes.

Avec l’univers de taux bas qui prévaut, les prix de l’immobilier de placement sont actuellement à leur plus haut. En effet, l’afflux de capitaux sur le marché et la quête de rendements sécurisés poussent les investisseurs à se positionner sur cette classe d’actif caractérisée par un couple rendement / risque particulièrement attractif comparativement aux obligations d’états et aux marchés actions. Ainsi, en réponse à la crise du COVID-19, il pourrait ainsi être opportun pour les entreprises de réaliser des cessions immobilières, pour dégager des liquidités et profiter de conditions de marché favorables.

Qu’il s’agisse d’une stratégie défensive ou offensive, l’externalisation immobilière, usuellement dénommée « Sale & Leaseback », est une solution qui consiste à passer simultanément du statut de propriétaire à celui de locataire de ses locaux.

D’un point de vue structurel, le core business de l’entreprise rapporte en général plus qu’un placement immobilier. En effet, la marge EBITDA d’une entreprise est généralement supérieure au taux de rendement locatif auquel se négocieraient les actifs immobiliers qu’elle occupe, qu’il s’agisse de bureaux, locaux d’activités, entrepôts ou encore de surfaces de vente. Par ailleurs, compte tenu de la valorisation actuelle de l’immobilier, le potentiel de croissance de la valeur du patrimoine d’exploitation devrait être assez limité à moyen terme. De ce fait, la période actuelle, si singulière, pourrait constituer un timing optimal pour se lancer dans une opération de Sale & Leaseback.

La mobilisation des réserves financières au travers d’une opération de Sale & Leaseback est d’autant plus intéressante que la valeur de marché de l’immobilier est généralement sous-évaluée dans les comptes des entreprises en raison des normes comptables (enregistrement au prix d’acquisition / construction avec amortissement). Ce point est d’autant plus vrai que le bâtiment est inscrit de longue date dans les comptes.

Entre singularité et complexité

Bien qu’en apparence simple, une opération de Sale & Leaseback est une opération complexe qui nécessite, entres autres, une communication interne et externe adaptée, une analyse fiscale voire juridique et des compétences immobilières notables. Si la communication est le plus souvent gérée en interne, le recours à un conseil externe s’avère judicieux pour garantir la réussite de l’opération.

Dans un premier temps, il est indispensable de définir le loyer potentiel, le prix de vente et la durée du bail. Plus le loyer sera élevé et plus la durée d’engagement sera longue, plus le prix de vente sera élevé. Toutefois, un loyer trop élevé présente un risque pour la pérennité de l’entreprise tandis qu’un bail trop long peut être un frein à sa flexibilité future. A l’inverse, un bail trop court ou un loyer trop éloigné du loyer de marché peut également constituer un frein pour les investisseurs. La réalisation d’une expertise immobilière prenant en compte les différents scénarios envisagés est la meilleure solution pour définir ces paramètres. En pratique, il est important de noter que lors d’une opération d’externalisation, l’entreprise vend à la fois son immobilier et sa propre signature (que l’investisseur jugera comme la solvabilité de son locataire).

En plus des «grandes clauses» inscrites au bail et du prix de vente, il est primordial que l’entreprise anticipe ses futurs besoins et les conséquences d’une vente en indiquant contractuellement via le bail ou l’acte de vente, les points qui lui permettront de conserver une maîtrise suffisante de ses locaux. A titre d’illustration, il peut être intéressant d’inclure un droit de préemption pendant la durée du bail dans l’acte de vente, de définir les conditions du renouvellement dans le bail, etc. Des stratégies plus complexes, comme la mise en place de conditions cadres en vue d’une future extension ou encore la création d’un droit de superficie peuvent s’avérer pertinentes.

Notons qu’à l’international, les opérations de Sale & Leaseback sont couramment réalisées sur la base de baux triples nets. Le nouveau propriétaire est ainsi déchargé de l’ensemble des charges (impôts, assurances, entretien). Le droit du bail suisse prévoit à minima que les impôts et l’assurance de l’immeuble soient à la charge du propriétaire.

Une fois les conditions définies par l’entreprise, l’analyse fiscale lui permet d’anticiper le montant d’impôt qui sera à payer sur le produit de la vente. Cette étude facilite la prise de décision. La commercialisation en tant que telle est semblable à une transaction classique, un processus d’appel d’offre ciblé restant un gage de maximisation des rendements financiers et des conditions contractuelles.

Nous sommes actuellement confrontés à un important ralentissement et espérons tous pouvoir retrouver une forme de normalité prochainement. Durant cette période difficile, une opération de Sale et Leaseback réussit pourrait constituer un levier performant pour certaines entreprises.

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