Conditions de déductibilité de la TVA grevant des services administratifs acquis au sein d’un même groupe de sociétés

Déduction | CJUE, 12 décembre 2024, C-527/23, Weatherford Atlas Gip SA

CJUE, 12 décembre 2024, C-527/23, Weatherford Atlas Gip SA

LES AUTEURS

Arnaud Moraine
Avocat associé

Suzanne Drilhon
Responsable Doctrine TVA

En vue de fournir des services auxiliaires pour l’extraction de pétrole et de gaz naturel, une société roumaine a acquis des services administratifs généraux (services informatiques, ressources humaines, marketing, comptabilité et conseil) auprès de sociétés de son groupe établies hors de Roumanie. II était recouru à l’autoliquidation pour calculer la TVA sur ces services. D’autres sociétés du groupe bénéficiaient également des mêmes services.

L’administration fiscale roumaine a refusé le droit à déduction de la TVA versée au titre de ces services, considérant que le lien avec les opérations taxées n’était pas établi, dès lors que les services ont été fournis à plusieurs sociétés du groupe et ont donc profité à d’autres membres de ce groupe ou au groupe en tant que tel. Même si les coûts des services ont été partagés, ils n’auraient pas dû être facturés à la société roumaine, car ils ne lui étaient pas nécessaires.

La CJUE rappelle que, même sans lien direct, un droit à déduction peut être accordé si les coûts des services font partie des frais généraux et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des services fournis, dès lors que de tels coûts entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (CJUE, 4 octobre 2024, C‑475/23, Voestalpine Giesserei Linz, pt 21 et jurisprudence citée). Mais il ressort de la jurisprudence que ne saurait ouvrir un droit à déduction la part des dépenses qui est liée non pas aux opérations réalisées par l’assujetti lui-même, mais à des opérations effectuées par un tiers (CJUE, 1er octobre 2020, C‑405/19, Vos Aannemingen, pt 38 et CJUE, 8 septembre 2022, C‑98/21, Finanzamt R, pt 55).

Pour déterminer l’étendue du droit à déduction de l’assujetti, il appartient donc à la juridiction de renvoi de déterminer, notamment à la lumière des contrats de fourniture de services et de la réalité économique et commerciale, dans quelle mesure les services ont effectivement été fournis pour permettre à l’assujetti de réaliser ses opérations taxées. Ce n’est que dans cette mesure que la TVA payée en amont sera considérée comme grevant des services rendus à l’assujetti (CJUE, 1er octobre 2020, C‑405/19, Vos Aannemingen, pts 40 et 42 et jurisprudence citée).

À cet égard, sont dénués de pertinence :

  • la circonstance que les services administratifs sont fournis simultanément à plusieurs bénéficiaires (il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de s’assurer que la quote-part des coûts afférents à ces services supportée par l’assujetti correspond effectivement aux services il a bénéficié pour les besoins de ses propres opérations taxées) ;
  • la question de savoir si l’acquisition des services administratifs était nécessaire ou opportune, dès lors que la directive TVA ne subordonne pas l’exercice du droit à déduction à un critère de rentabilité économique de l’opération en amont.

La Cour conclut que le bénéfice du droit à déduction de la TVA en amont acquittée par un assujetti lors de l’acquisition de services auprès d’autres assujettis faisant partie d’un même groupe de sociétés ne peut être refusé aux motifs que ces services auraient été simultanément fournis à d’autres sociétés du groupe et que leur acquisition n’aurait pas été nécessaire ou opportune, lorsqu’il est établi que les services sont utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées.

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