Prestation de transport de personnes et prestation de mise à disposition de moyen de transport

Taux de TVA | CAA Nantes, 4 février 2025, n° 23NT02151

Taux de TVA | CAA Nantes, 4 février 2025, n° 23NT02151

LES AUTEURS

Arnaud Moraine
Avocat associé

Suzanne Drilhon
Responsable Doctrine TVA

Une société vient de se heurter à un refus répété de la juridiction administrative : les prestations de transport aérien qu’elle facture à d’autres entités de son groupe ne peuvent ni bénéficier du taux réduit de TVA de 10 % ni prétendre à l’exonération applicable aux vols internationaux. L’Administration, suivie par le tribunal administratif (TA Rennes, 17 mai 2023, n° 2103394) puis par la cour administrative d’appel, a requalifié son activité en la mise à disposition de moyen de transport de passagers, soumise au taux normal de 20 %.

Cette société exploite un avion avec trois pilotes salariés. Depuis 2009, elle propose aux sociétés de son groupe des « contrats permanents de transport » portant sur des vols internes et internationaux. Mais ses conventions ont été modifiées en 2012, introduisant un mode de rémunération atypique : une facturation forfaitaire mensuelle, valable dans la limite de 20 heures de vol indépendamment du nombre de passagers ou même de la réalisation effective de vols. En cas de dépassement, un supplément est appliqué à l’heure et par passager.

C’est précisément ce mode de facturation qui a conduit l’Administration, lors d’un contrôle fiscal portant sur les exercices 2014 à 2016, à redresser la TVA collectée. Selon le service vérificateur, la société ne vendait pas des prestations de transport de voyageurs mais proposait en réalité un affrètement interne d’avion avec équipage à usage quasi exclusif du groupe. À l’appui de cette analyse, l’administration fiscale relevait que dans plus de 80 % des cas, le forfait était facturé même sans atteinte du seuil horaire mensuel et que certaines sociétés du groupe étaient même facturées sans avoir effectué de vol. De plus, les factures n’indiquaient ni les trajets, ni les passagers, ni parfois même les dates de vol.

Pour échapper au taux normal de TVA, la société se prévalait d’un rescrit obtenu en 2009, censé valider son régime fiscal. Celui-ci précisait que l’absence de licence de transporteur aérien ne faisait pas obstacle à l’application du taux réduit, mais uniquement dans le cadre de véritables prestations de transport.

La Cour rappelle que le taux réduit s’applique uniquement si l’opération s’analyse en un véritable contrat de transport : cela suppose une maîtrise du trajet par le prestataire, une responsabilité pour les passagers et leurs biens, et une tarification corrélée au déplacement.

Or, au cas particulier, tout était construit autour d’un forfait mensuel indépendant des trajets ou du nombre de passagers. Le dispositif mis en place s’apparente donc davantage à une mise à disposition d’avion, avec pilotes, au profit des entités du groupe qu’à une prestation de transport de voyageurs. Une nuance lourde de conséquences, la société devra donc s’acquitter de la totalité des rappels de TVA au taux normal de 20 %.

Ce contentieux illustre une nouvelle fois la vigilance de l’Administration à l’égard des fonctionnements internes mises en place au sein des groupes, notamment lorsque les modalités de facturation brouillent la frontière entre affrètement et prestation de transport.

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