Droits à déduction en cas d’activités mixtes intrinsèquement liées : cas des prestations d’assurance liées à une activité de stockage

Déduction | CAA Paris, 22 janvier 2025, n° 23PA03506

CAA Paris, 22 janvier 2025, n° 23PA03506

LES AUTEURS

Arnaud Moraine
Avocat associé

Suzanne Drilhon
Responsable Doctrine TVA

Une entreprise dont l'activité principale est la mise à disposition d'espaces de stockage en libre-service propose également, en tant qu'intermédiaire, des prestations d'assurance afférentes aux biens stockés. L'administration fiscale a remis en cause le montant de la TVA déduite, considérant que les dépenses liées à l'activité d'assurance n'étaient pas éligibles à une déduction intégrale. En effet, si les services de stockage sont soumis à la TVA (CGI, art. 256, I), les opérations relevant du secteur assurantiel sont exonérées de TVA (CGI, art. 261 C, 2°) et n’ouvrent pas droit à déduction.

La société a fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge des rappels de TVA correspondants (TA Montreuil, 15 juin 2023, n° 2103368), en soutenant que les dépenses exposées étaient quasiment affectées à l'activité de stockage et que le besoin en dépenses requis par l'activité d'assurances était très faible.

La Cour juge que l'Administration a appliqué à juste titre un coefficient de taxation forfaitaire (CGI, ann. II, art. 206). Les prestations d'assurance afférentes aux biens stockés sont une extension de des prestations de stockage et ne sont rendues possibles que par la mise en œuvre des moyens et l'exposition de dépenses nécessaires à leur réalisation. Par conséquent, les biens ou services ayant supporté la taxe, qu'ils aient ou non le caractère de frais généraux, doivent être regardés comme étant utilisés concurremment pour la réalisation des prestations de stockage ouvrant droit à déduction et des prestations d'assurances n'ouvrant pas droit à déduction, et comme ayant un lien direct et immédiat avec l'ensemble de ces prestations, alors même que les dépenses supplémentaires impliquées par la prestation d'assurances complémentaire seraient très faibles au regard des dépenses globales de l'entreprise.

En l'absence de moyens distincts affectés à des activités indépendantes, la société n'était en tout état de cause pas autorisée à constituer des secteurs distincts.

De plus, à supposer que certaines dépenses puissent être considérées comme engagées exclusivement pour l’activité de stockage, la société n’a pas fourni les documents nécessaires (factures et éléments établissant l'usage effectif des biens et services acquis) permettant d'apprécier le montant du droit à déduction. Les écritures comptables seules ne suffisent pas à en apporter la preuve.

Cette décision met en lumière l'importance pour les entreprises de bien documenter l'usage de leurs dépenses pour justifier la déductibilité de la TVA. Elle rappelle également la nécessité de structurer clairement les activités distinctes pour optimiser la gestion des droits à déduction. Cette affaire illustre les défis auxquels sont confrontées les entreprises opérant dans des secteurs d'activité multiples, où la frontière entre les opérations imposables et exonérées peut être délicate à tracer.

EXPERTISE CONCERNÉE