L’essentiel de la réforme du gage (meubles corporels) tient beaucoup plus à ce qui est supprimé qu’à ce qui est modifié, car la réforme de 2006 avait largement toiletté le gage général du Code civil et en avait fait une sûreté moderne, en particulier en ne faisant plus de la dépossession une condition de validité mais un élément d’opposabilité, en généralisant le gage sans dépossession et en prévoyant dans les deux types de gage un système de publicité dans un registre tenu par les greffes des tribunaux de commerce.
Le plus marquant est en effet que l’ordonnance supprime la quasi-totalité des gages spéciaux au profit du gage général du Code civil. Tel est le cas du gage commercial, du gage de stock, du warrant de stock de guerre, qui datait d’une loi d’un autre temps, du 12 septembre 1940, du warrant hôtelier, du warrant pétrolier, du nantissement de l’outillage et du matériel d’exploitation, à l’exclusion du warrant agricole, qui survit avec son régime au sein du Code rural et de la pêche maritime et avec sa publicité spécifique (registre tenu par le greffe des tribunaux d’instance).
Néanmoins, quelques ajustements méritent d’être remarqués. Ainsi, peut-être le plus notable tient-il à la consécration du gage d’immeuble par destination, dont on dit qu’il était très attendu par les fournisseurs et installateurs de cellules photovoltaïques, d’éoliennes, de turbines diverses et autres installations de même nature : il sera possible que le bien meuble soit déjà immeuble par destination ou le devienne dans le futur. Naturellement, l’ordonnance a dû à cette occasion régler un éventuel conflit avec l’hypothèque de l’immeuble principal, dont on sait qu’elle s’étend aux immeubles par destination auquel ils s’agrègent par la règle de l’accessoire, ce qu’elle a fait de manière très simple, par l’ordre des dates d’inscription sur le registre des gages et sur le fichier immobilier. Et il faudra obligatoirement faire une double vérification en cas de vente de l’ensemble pour purger les droits de suite, ce qui s’imposera aux professionnels tels que les notaires.
Il faut également retenir la confirmation de la nullité du gage du bien d’autrui, mais en limitant le droit d’agir en nullité au créancier qui ignorait que le bien n’appartenait pas au constituant. Quant au propriétaire, il est déjà protégé par l’action en revendication (sauf l’incidence de la présomption de propriété de l’acquéreur de bonne foi de l’article 2276 du Code civil).
De même, il faut noter la permission nouvelle accordée au constituant du gage de choses fongibles avec dépossession d’aliéner les biens gagés si une clause expresse le prévoit, à charge de les remplacer par des choses équivalentes, mais que la même permission déjà prévue par principe, sous la même condition de remplacement, pour le gage sans dépossession, peut désormais se heurter à une clause contraire.
Enfin, retenons que l’ordonnance rétablit le gage de marchandises par dépossession fictive, qui avait été supprimé par erreur en 2006, en prévoyant que la dépossession effective peut résulter de la remise du titre représentatif du bien (par exemple, un connaissement).
DEJÀ PARUS
■ Présentation générale (28 septembre 2021)
■ L’application dans le temps de la réforme (30 septembre 2021)
■ Le cautionnement et la mention manuscrite (5 octobre 2021)
■ Le cautionnement commercial (8 octobre 2021)
■ Le sous-cautionnement (12 octobre 2021)
■ Principe de proportionnalité et devoir de mise en garde (14 octobre 2021)
■ L'information de la caution (19 octobre 2021)
■ Les gages : généralités (21 octobre 2021)
■ Les sûretés réelles pour autrui (26 octobre 2021)
■ Le nantissement général (28 octobre 2021)
■ Les nantissements spéciaux (2 novembre 2021)
■ Le nantissement de titres financiers (4 novembre 2021)
■ La cession de créance à titre de garantie (9 novembre 2021)
■ La cession de somme d'argent à titre de garantie (16 novembre 2021)
■ Les garanties sur le fonds de commerce (18 novembre 2021)
■ Privilèges, hypothèque et mesures diverses (23 novembre 2021)