L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 dont l’entrée en vigueur a été fixée, par principe, au 1er janvier 2022, pourra-t-elle s’appliquer à des sûretés constituées avant cette date ? L’interrogation est légitime car, si les dispositions transitoires sont claires, elles comportent néanmoins une zone d’incertitudes.
L’article 37 de l’ordonnance fixe les règles d’application dans le temps du texte. Parmi celles-ci, on peut isoler, d’une part, celles qui s’appliqueront au cautionnement et, d’autre part, celles qui s’appliqueront aux sûretés réelles.
Dispositions transitoires applicables au cautionnement
Des règles d’entrée en vigueur spécifiques au cautionnement ont été édictées. L’ordonnance prévoit, par principe, que les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 « demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public » (art. 37, II).
Par exception, néanmoins, les seules dispositions relatives à l’information (annuelle et en cas de défaillance du débiteur principal) de la caution et de la sous-caution seront applicables à compter du 1er janvier 2022, y compris dans les contrats de cautionnement et de sous-cautionnement conclus avant cette date. On peut espérer que le juge ne s’éloigne pas de cette grille de lecture.
Dispositions transitoires applicables aux sûretés réelles
S’agissant des sûretés réelles, les solutions sont sans doute moins certaines. Par principe, les dispositions de l’ordonnance, et notamment celles applicables aux sûretés réelles, n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2022. Par exception, il est prévu que l’entrée en vigueur de certaines dispositions de publicité est reportée à la date de publication d’un décret qui doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2023. Ainsi en est-il, en particulier, de certaines règles relatives au privilège du vendeur du fonds de commerce et au nantissement du fonds de commerce ou encore d’une disposition relative au gage sur un véhicule terrestre à moteur.
Cependant, la clarté de ces dispositions ne purge pas toutes les difficultés comme le rappelle opportunément le rapport au Président de la République : « le texte ne contient pas de règle générale pour les sûretés réelles qui sont par conséquent soumises aux principes classiques du droit transitoire (principe de survie de la loi ancienne ou application immédiate selon les cas) ». L’application de ces principes doit conduire à une grande vigilance dans la mesure où l’ordonnance pourra parfois trouver à s’appliquer à des sûretés réelles constituées avant le 1er janvier 2022 et notamment à celles qui ont pour origine un contrat. On sait, en effet, que la Cour de cassation applique des dispositions nouvelles à des contrats en cours dans au moins trois cas de figure :
■ Lorsque la loi ou l’ordonnance nouvelle revêt un caractère d’ordre public et répond à un motif impérieux d’intérêt général (ex. Cass. civ. 3ème, 11 avr. 2019, n° 18-16.121)
■ Lorsque la loi ou l’ordonnance nouvelle porte sur un effet légal du contrat (ex. Cass. civ. 3ème, 17 nov. 2016, n° 15-24.552)
■ Lorsque la norme applicable au contrat est purement jurisprudentielle ce qui permet un revirement à la lueur du droit nouveau (ex. Cass. civ. 3ème, 23 juin 2021, n° 20-17.554).
Il conviendra donc d’identifier, au cas par cas, toutes les dispositions de l’ordonnance relatives aux sûretés réelles qui, soit répondraient éventuellement à un motif impérieux d’intérêt général, soit porteraient sur un effet légal du contrat. Ces dispositions pourraient être appliquées aux sûretés réelles constituées par un contrat conclu avant le 1er janvier 2022. Une vigilance sera donc requise sur ce point.
Enfin, en revenant au cautionnement, on pourrait se demander si le troisième cas d’application anticipée d’un texte nouveau à un contrat en cours ne pourrait pas être invoqué par un plaideur à l’heure d’un contentieux sur la nature commerciale d’un cautionnement. En effet, jusqu’à présent, le critère de qualification du cautionnement commercial était prétorien. Avec l’ordonnance, ce critère est modifié et devient légal. Peut-on, dès lors, exclure un revirement de jurisprudence à la lueur du droit nouveau, comme la Cour de cassation a pu le faire s’agissant des promesses unilatérales de contrat (Cass. civ. 3ème, 23 juin 2021, n° 20-17.554) ? Rappelons qu’il existe un double enjeu à cette qualification puisqu’un cautionnement commercial est, par hypothèse, solidaire et qu’il déclenche la compétence d’attribution du tribunal de commerce.
DEJÀ PARUS
■ Présentation générale (28 septembre 2021)
■ L’application dans le temps de la réforme (30 septembre 2021)
■ Le cautionnement et la mention manuscrite (5 octobre 2021)
■ Le cautionnement commercial (8 octobre 2021)
■ Le sous-cautionnement (12 octobre 2021)
■ Principe de proportionnalité et devoir de mise en garde (14 octobre 2021)
■ L'information de la caution (19 octobre 2021)
■ Les gages : généralités (21 octobre 2021)
■ Les sûretés réelles pour autrui (26 octobre 2021)
■ Le nantissement général (28 octobre 2021)
■ Les nantissements spéciaux (2 novembre 2021)
■ Le nantissement de titres financiers (4 novembre 2021)
■ La cession de créance à titre de garantie (9 novembre 2021)
■ La cession de somme d'argent à titre de garantie (16 novembre 2021)
■ Les garanties sur le fonds de commerce (18 novembre 2021)
■ Privilèges, hypothèque et mesures diverses (23 novembre 2021)