Un moment charnière pour le Canada
Le dépôt du budget de cette année survient à un moment charnière, alors que les Canadiens et les entreprises sont confrontés à une conjoncture économique complexe façonnée par des pressions géopolitiques, une croissance limitée et des préoccupations grandissantes concernant le logement et l’abordabilité. La faiblesse persistante de la productivité témoigne du besoin urgent de trouver des solutions transformatrices et innovantes.
Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a décrit le budget de 2025 – qui sera le premier budget déposé sous la gouverne du premier ministre Mark Carney – comme un « plan ambitieux à l’intention des Canadiens » dans un contexte d’incertitude économique mondiale. Des consultations à l’échelle nationale ont été menées pendant six semaines cet été et les discussions ont porté sur des enjeux comme les répercussions des droits de douane américains, le commerce intérieur et la mobilité de la main-d’œuvre, la défense et l’avancement de la transformation numérique notamment par l’intelligence artificielle.
L’analyse qui suit présente les principales considérations relatives au prochain budget qui pourraient avoir une incidence sur les Canadiens et les entreprises.
Productivité et innovation : Nécessité de soutenir une croissance critique
Le premier ministre Carney a annoncé que le budget de 2025 en serait un « d’austérité et d’investissement en même temps », indiquant que le prochain budget illustrera comment le nouveau gouvernement entend dépenser moins et investir davantage.
Une proposition législative récemment publiée mettrait en œuvre la mesure proposée dans l’Énoncé économique de l’automne de 2024 visant à faire passer de 3 à 4,5 millions de dollars le plafond des dépenses pour le crédit remboursable dans le cadre du programme d’encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (« RS&DE ») pour les années d’imposition qui commencent à compter du 16 décembre 2024. Toutefois, cette proposition législative ne comprend pas le rehaussement du plafond à 6 millions de dollars proposé dans le programme électoral des libéraux.
Des consultations ont été menées en 2024 sur le régime privilégié des brevets dans le but de favoriser le développement et le maintien de la propriété intellectuelle au Canada grâce à un taux d’imposition préférentiel pour les revenus provenant de certains types de propriété intellectuelle. Des précisions sur le régime privilégié des brevets pourraient être annoncées dans le budget de 2025.
90% des chefs d’entreprise affirment que le Canada doit améliorer l'efficacité des incitatifs fiscaux en matière de recherche et développement, y compris un régime privilégié des brevets, afin d'accroître les activités de brevetage et la commercialisation des inventions canadiennes.
Neuf chefs d’entreprise sur dix conviennent que le Canada a besoin d'une nouvelle stratégie industrielle nationale pour être concurrentiel sur les marchés mondiaux, ainsi que d'une stratégie d'innovation audacieuse qui favorise les investissements dans les technologies de pointe et tire parti de l'IA et des idées canadiennes.
Le gouvernement fédéral avait également annoncé précédemment son intention d’offrir aux petites et aux moyennes entreprises un nouveau crédit d’impôt pour le déploiement de l’IA de 20 % pour les projets d’adoption de l’IA admissibles, ainsi que de permettre l’utilisation d’actions accréditives pour les entreprises canadiennes en démarrage, afin de permettre aux investisseurs de déduire les dépenses de recherche et développement admissibles. Parmi les entreprises admissibles, mentionnons les sociétés exerçant leurs activités dans les secteurs de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique, de la biotechnologie et de fabrication de pointe.
Transition verte : Devenir une superpuissance énergétique
Le premier ministre Carney a déclaré que le Canada doit « construire une énorme quantité de nouvelles infrastructures à une vitesse jamais vue depuis des générations ». Cela inclut l’infrastructure qui permettra au Canada « de devenir une superpuissance énergétique dans les énergies propres et conventionnelles. »
Le budget de 2025 pourrait mettre en lumière la façon dont le gouvernement se concentrera sur la transition verte tout en conciliant les autres priorités d’ordre économique. Le programme électoral des libéraux promettait de maintenir et d’élargir certains crédits d’impôt à l’investissement (« CII ») existants, notamment le CII pour les technologies propres, le CII pour la fabrication de technologies propres, le CII pour l’électricité propre, le CII pour l’hydrogène propre, le CII pour la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, le CII pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (« CUSC »), et le crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques (« CIEMC »). À l’inverse, plus tôt cette année, la loi américaine intitulée « One Big Beautiful Bill (« OBBB ») » a éliminé les crédits d’impôt qui soutenaient une économie propre.
Une nouvelle mesure incitative pour la production de biocarburants de 370 millions de dollars, de même que l’apport de modifications au Règlement sur les combustibles propres, pourrait être annoncée dans le budget afin de soutenir les producteurs agricoles et de canola aux prises avec des droits de douane abusifs imposés par la Chine. Il est aussi prévu d’augmenter le financement du programme AgriMarketing de commercialisation agricole pour soutenir la diversification commerciale dans de nouveaux marchés.
L’incitatif à l’investissement accéléré, initialement annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne de 2024 et reconfirmé dans le programme électoral des libéraux, accorde un taux d’amortissement bonifié la première année pour les biens admissibles assujettis aux règles de la DPA et permet l’amortissement complet du matériel désigné de production d’énergie propre. Le budget de 2025 pourrait confirmer l’intention du gouvernement de prolonger la période d’application de l’incitatif ou de le rendre permanent, ce qui cadrerait avec des mesures similaires prises aux États-Unis.
Politique fiscale : Fiscalité des sociétés et fiscalité internationale
Mesures touchant l’impôt des sociétés
Le budget de 2025 pourrait se pencher sur plusieurs propositions fiscales annoncées précédemment qui n’étaient pas entrées en vigueur avant le début de la période électorale en 2025. Le prochain budget de 2025 pourrait clarifier si le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant avec ces mesures.
En mars, le gouvernement a annoncé qu’il annulerait la hausse proposée du taux d’inclusion des gains en capital afin de « renforcer la capacité du Canada à catalyser l’énorme investissement privé nécessaire à la création d’emplois et d’opportunités et à la création d’un avenir plus solide. » Le gouvernement a l’intention de maintenir l’augmentation de la limite de l’exonération cumulative des gains en capital à 1,25 million de dollars sur la vente d’actions de petites entreprises et de biens agricoles et de pêche.
Le gouvernement pourrait également annoncer la tenue d’un examen du régime fiscal des sociétés reposant sur des principes d’équité, de transparence, de simplicité, de durabilité et de compétitivité.
Plus de neuf chefs d’entreprise sur dix souhaitent que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux pour réduire le taux global d'imposition des sociétés canadiennes (de 2 à 4 %) pour attirer plus d'investissements et d'activités entrepreneuriales et rétablir un avantage concurrentiel par rapport aux États-Unis.
Neuf chefs d’entreprise sur dix aimeraient également que le gouvernement s'engage à mettre en œuvre un calendrier de réforme fiscale qui réduira l'impôt des sociétés et stimulera la compétitivité.
Mesures visant la fiscalité internationale
Le programme électoral mentionnait qu’un gouvernement libéral « mènera un effort international, avec des partenaires en Europe et au G7, en vue d’établir un ensemble équitable et cohérent de règles fiscales internationales ». Cette déclaration fait probablement référence aux propositions fiscales internationales reposant sur un modèle de règles à deux « piliers » et sur les limites de déductibilité des intérêts énoncées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (« OCDE »).
Le Pilier Un vise à attribuer davantage de droits d’imposition aux juridictions de marché en ce qui concerne une partie des bénéfices des multinationales les plus grandes et les plus rentables. En juin, le Canada a annulé sa taxe sur les services numériques (« TSN ») proposée de 3 % afin de soutenir ses négociations commerciales avec les États-Unis.
Le Pilier Deux vise à imposer un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales dont le chiffre d’affaires annuel est d’au moins 750 millions d’euros. La Loi sur l’impôt minimum mondial (« LIMM ») – qui se veut la version canadienne du Pilier Deux de l’OCDE – a reçu la sanction royale le 20 juin 2024, et s’applique aux années d’imposition commençant le 31 décembre 2023 ou après cette date.
Récemment, le Canada et les membres du forum du G7 ont annoncé conjointement des plans visant à mettre en place un système « juxtaposé » qui chercherait à préserver les progrès mondiaux dans la mise en œuvre du cadre du Pilier Deux de l’OCDE, tout en répondant aux préoccupations des États-Unis au sujet de ces règles. Selon ce système juxtaposé, les groupes ayant une société mère américaine seraient exemptés de la règle relative aux profits insuffisamment imposés (« RPII ») et de la règle d’inclusion du revenu (« RDIR ») sur les bénéfices nationaux et étrangers. La RDIR est actuellement en vigueur au Canada dans le cadre de la LIMM, tandis que la RPII est toujours à l’état de projet. Le budget pourrait préciser si le gouvernement a l’intention de procéder à la mise en œuvre de la RPII ou de la suspendre dans le contexte des questions que suscite la participation des États-Unis.
Échanges commerciaux : Renforcer les cadres mondial et national
Les droits de douane ont eu d’importantes répercussions sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, et le rythme des changements s’accélère compte tenu de la renégociation imminente de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (« ACEUM »). À mesure que les négociations progresseront, les entreprises devront se préparer aux répercussions éventuelles.
84% des répondants qui font affaire directement avec les États-Unis affirment que leurs coûts opérationnels ont augmenté.
80% des chefs d’entreprise conviennent que leur entreprise éprouve des difficultés en raison des tarifs douaniers américains qui l'ont rendue moins concurrentielle (p. ex., coûts d'importation et de production plus élevés, revenus plus faibles).
96 % des chefs d’entreprise croient que le plus grand risque pour l'avenir économique du Canada est la dépendance à l'égard des États-Unis, et reconnaissent le besoin de diversifier les échanges commerciaux avec des partenaires stratégiques fiables.
Le gouvernement fédéral a mentionné qu’il élargira son soutien aux petites et moyennes entreprises pour le porter à 1 milliard de dollars sur une période de trois ans et augmentera les nouvelles contributions non remboursables pour les entreprises admissibles touchées par les droits de douane, notamment celles des secteurs de l’agriculture et des produits de la mer. En outre, un nouveau programme de recyclage professionnel pour jusqu’à 50 000 travailleurs touchés rendrait l’assurance-emploi plus souple et prolongerait les prestations tout en aidant les travailleurs à se trouver un nouvel emploi.
Au début de septembre, le premier ministre Carney a annoncé la mise en œuvre d’une stratégie économique visant à accroître la résilience aux perturbations. Parmi les principales mesures qui seront mises en place, mentionnons la mise sur pied du Bureau des grands projets qui vise à soutenir la réalisation des grands projets d’infrastructures d’intérêt national et le lancement de la Stratégie de diversification commerciale qui contribuera à rehausser de 50 % les exportations canadiennes sur les marchés étrangers d’ici 2030.
Pour les secteurs touchés par les droits de douane, comme les secteurs de l’automobile, de l’acier, du bois d’œuvre, de l’aluminium et du cuivre, le gouvernement a instauré un Fonds de réponse stratégique de 5 milliards de dollars qui procurera un soutien en matière de financement et de liquidités. De plus, la nouvelle politique d’approvisionnement « Achetez canadien » veille à ce que le gouvernement fédéral s’approvisionne auprès de fournisseurs canadiens et en produits locaux.
Plus de neuf chefs d’entreprise sur dix souhaitent que le gouvernement offre un soutien plus vaste et sectoriel, y compris davantage d'options de financement et de prêt pour l'ensemble des entreprises ou des secteurs touchés par les tarifs douaniers.
91 % des chefs d’entreprise affirment que le gouvernement doit élargir les options de financement et de prêt afin d'améliorer les liquidités des entreprises pour tous les secteurs touchés par les tarifs (p. ex., la Banque de développement du Canada, les fonds financés par le gouvernement, etc.)
97 % des chefs d’entreprise croient que le gouvernement doit réorienter et élargir ses programmes pour aider les entreprises à accéder aux marchés autres que les États-Unis et à des partenaires commerciaux fiables.
Pour obtenir des renseignements à jour, consultez le site Composer avec le commerce et les tarifs de KPMG au Canada.
Logement et abordabilité : Répondre aux besoins immédiats pour garantir un avenir durable
Le manque de logements au Canada continue d’exercer une pression sur l’abordabilité. Le lancement de Maisons Canada, annoncé en septembre, vise à doubler le rythme de la construction de logements en mettant à contribution des travailleurs, la technologie et le bois d’œuvre canadiens. On s’attend à ce que d’autres mesures visant à réduire les coûts pour les constructeurs et à attirer des capitaux privés dans le secteur de la construction résidentielle soient annoncées dans le budget de 2025.
Le gouvernement canadien a promis de réinstaurer la déduction pour amortissement pour les immeubles résidentiels à logements multiples. À compter de l’année d’imposition 2025, cet encouragement fiscal permettrait aux investisseurs de demander une DPA afin d’augmenter ou de créer une perte locative qu’ils pourraient utiliser pour réduire leurs autres revenus.
Par ailleurs, le gouvernement a déposé le projet de loi C-4 afin d’éliminer la TPS sur les habitations neuves d’une valeur maximale de 1 million de dollars et de réduire la TPS pour celles dont la valeur est comprise entre 1 et 1,5 million de dollars pour les acheteurs d’une première maison; le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.
Le projet de loi C-4 vise aussi à réduire de 1 % le taux fédéral de la première tranche d’imposition de revenu, pour le faire passer à 14,5 % pour l’année d’imposition 2025, puis à 14 % à compter de l’année d’imposition 2026 et par la suite.
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À propos du sondage sur le budget fédéral de 2025 de KPMG
KPMG Canada a mené un sondage auprès de 501 entreprises canadiennes du 11 septembre au 2 octobre 2025 afin d'évaluer les points de vue et les priorités des chefs d'entreprise en prévision du budget fédéral du 4 novembre. Tous les répondants sont des propriétaires d'entreprise ou des décideurs au niveau de la direction et proviennent de tous les secteurs de l'industrie. Trente-cinq pour cent d'entre eux dirigent des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut se situe entre 500 millions et un milliard de dollars; 31 %, des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut est supérieur à un milliard de dollars 20 %, des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut est compris entre 300 et 499 millions de dollars; 9 %, des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut est compris entre 100 et 299 millions de dollars; et les 5 % restants, des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut est compris entre 10 et 99 millions de dollars. Cinquante-sept pour cent des entreprises sont privées, 30 % sont des sociétés de capital-investissement, 11 % sont cotées en bourse et 2 % sont des filiales étrangères. La plateforme de recherche en ligne Methodify de Sago a été utilisée pour le sondage.