Le secteur de l’assurance est confronté à des défis sans précédent en ce qui concerne la gestion des risques associés aux changements climatiques. En 2024 seulement, les phénomènes météorologiques extrêmes ont coûté au Canada 8,5 milliards de dollars en dommages assurés, soit près de trois fois les 3,1 milliards de dollars enregistrés en 2023.1 Pour chaque dollar couvert par une assurance, les gouvernements, les entreprises et les collectivités prennent en charge entre 3 et 4 dollars supplémentaires en dommages non assurables. Ces données mettent en évidence le besoin pressant, pour les sociétés d’assurances incendie, accidents et risques divers (« IARD »), d’adopter la modélisation globale des risques climatiques à l’intérieur de leurs cadres de gestion des risques. Si les dommages matériels font souvent la une des journaux, les sociétés d’assurances de personnes doivent également faire face aux défis posés par des événements tels que les incendies de forêt et les vagues de chaleur, qui détériorent la qualité de l’air et exacerbent l’exposition à la chaleur. Ces conditions peuvent avoir de graves conséquences pour les populations vulnérables.

Mais qu’est-ce que la modélisation des risques climatiques, au juste?La modélisation des risques climatiques désigne un type d’analyse de scénarios qui offre un cadre flexible basé sur des hypothèses.Elle permet aux parties prenantes d’examiner une série de scénarios climatiques potentiels et de comprendre les répercussions qualitatives et quantitatives que ces scénarios pourraient avoir. Les sociétés d’assurances intègrent les résultats des modèles climatiques dans leurs processus fondamentaux, tels que la souscription, la tarification, la constitution de réserves et la gestion du capital. En tirant parti des informations fournies par la modélisation des risques climatiques, les sociétés d’assurances peuvent faire face à l’incertitude de manière proactive, aligner leurs stratégies opérationnelles sur leurs besoins immédiats et à long terme et renforcer leur résilience à une époque où les perturbations liées au climat s’accentuent.

Cet article explore le concept de modélisation des risques climatiques, son intégration dans le secteur de l’assurance et la manière dont elle soutient la croissance durable tout en atténuant les risques financiers et opérationnels.

Conformité réglementaire : Comprendre la ligne directrice B-15 du BSIF

La publication de la ligne directrice B-15 du Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF ») a mis en lumière l’importance de l’intégration de l’information financière relative aux changements climatiques et d’analyses risque-rendement dans le secteur canadien de l’assurance. Cette pression réglementaire fait en sorte que les sociétés d’assurances adoptent la ligne directrice rapidement afin d’obtenir un avantage stratégique. Cependant, de nombreuses sociétés d’assurances sont encore aux prises avec des enjeux de préparation, ce qui illustre les difficultés plus vastes en matière de modélisation des risques climatiques qui ont cours au sein de ce secteur.

D’une part, les sociétés d’assurances de personnes font face à des problèmes précis puisque la modélisation de scénarios demeure un domaine d’intérêt peu exploité qui n’a qu’une portée limitée, surtout par les petites et moyennes sociétés qui en sont encore aux premiers stades de développement de ce type de capacité. D’autre part, les sociétés d’assurances IARD, malgré leur expérience dans la modélisation de catastrophes, doivent relever le défi d’intégrer des projections à long terme sur le climat à leurs cadres.Cet écart fait obstacle à la capacité du secteur à s’attaquer de manière exhaustive aux effets à moyen et à long terme des changements climatiques, ce qui crée un trou béant sur le plan de la conformité.

À l’échelle internationale, les organismes de réglementation européens agissent comme baromètre, imposant des exigences davantage adaptées et précises qui permettent aux sociétés d’assurances d’intégrer exhaustivement les risques climatiques. Dans le cadre de la ligne directrice B-15, le Canada a fait des progrès notables. En effet, le BSIF a jeté des bases solides pour les sociétés d’assurances du pays afin qu’elles s’alignent aux pratiques ayant cours à l’échelle mondiale. Cependant, pour renforcer leur résilience face à l’accélération des risques climatiques, les sociétés d’assurances canadiennes doivent collaborer efficacement avec la communauté scientifique et les organismes sectoriels et de réglementation afin de favoriser une meilleure disponibilité des données et l’investissement dans des technologies de modélisation avancées.

Comprendre les risques financiers et opérationnels

Les changements climatiques entraînent deux grands types de risques pour les sociétés d’assurances, soit les risques physiques (tempêtes, inondations, élévation du niveau de la mer) et les risques de transition (changements de politiques, évolution technologique, variation des préférences des consommateurs).

Les sociétés d’assurances IARD sont aux prises avec des risques physiques graves, les défis à court terme émanant de catastrophes fréquentes comme les feux de forêt et les ouragans. De tels risques mettent à rude épreuve les activités liées aux réclamations et les réserves et exigent de délaisser des mesures réactives comme les hausses de primes au profit de stratégies à long terme comme l’utilisation d’outils de prévision qui aident à comprendre les répercussions de nature financière et opérationnelle des changements climatiques.

Les sociétés d’assurances de personnes, pour leur part, doivent faire face à des risques chroniques comme la mortalité ou la morbidité causée par la chaleur, qui sont exacerbés par les écarts dans les données, surtout en Amérique du Nord. Combler ces écarts par des études ciblées permettrait aux sociétés d’assurances d’améliorer leur compréhension des effets de la mortalité/morbidité qui résultent des changements climatiques.

L’analyse de scénarios basée sur les projections sur le climat des profils représentatifs d’évolution de concentration (Representative Concentration Pathways ou « RCP » ») et des profils socioéconomiques partagés (Shared Socioeconomic Pathways ou « SSP ») facilite la compréhension globale des risques physiques et de transition. Les données issues de ces projections climatiques appuient les prévisions d’évolution des tendances en matière de réclamations, d’évaluation des actifs et de répercussions sur les opérations, et permettent de mettre en place une méthode pour anticiper les défis et adapter proactivement les décisions opérationnelles et stratégiques.

Pour tirer leur épingle du jeu efficacement face aux risques accrus posés par les changements climatiques, les sociétés d’assurances auraient intérêt à envisager une approche adaptable et prospective qui englobe à la fois les risques physiques et de transition. En intégrant l’analyse de scénarios à différents cas d’utilisation et en investissant dans la recherche pour combler les lacunes sur le plan des données, les sociétés d’assurances peuvent se positionner favorablement afin d’accroître leur résilience, d’assurer leur conformité et de contribuer à l’objectif plus vaste de la gestion des risques climatiques.

Modélisation des risques climatiques par les sociétés d’assurances : un plan directeur pour faire face à l’incertitude

Une modélisation efficace des risques climatiques tiendrait compte de trois éléments clés : les hypothèses, l’horizon temporel et la méthodologie. Pour être efficace, l’analyse des scénarios climatiques ne doit pas être considérée comme un simple exercice de conformité; elle doit être intégrée dans la gestion des risques et le processus de prise de décisions.

  • Hypothèses clés : Une modélisation efficace des risques climatiques commence par l’identification de trajectoires climatiques plausibles et leur conversion en hypothèses à des fins de modélisation, dans le but de mesurer les incidences économiques. Les sociétés d’assurances devraient tenir compte des répercussions en cascade des risques physiques aigus (par exemple, les phénomènes météorologiques extrêmes) et chroniques (par exemple, la hausse des températures) ainsi que des risques de transition identifiés dans diverses trajectoires climatiques
  • Horizon temporel : Un modèle de risque climatique efficace est dynamique, évoluant en permanence grâce à des données actualisées et à des scénarios affinés. Il est impératif d’aligner les résultats des modèles sur les exigences réglementaires, telles que la ligne directrice B-15, afin que les résultats soient pertinents et efficaces. Les résultats cruciaux comprennent des jalons mesurables – des repères ajustables qui permettent aux sociétés d’assurances de réagir efficacement aux nouvelles données et aux changements réglementaires – ainsi que des outils permettant d’équilibrer les besoins de liquidité à court terme et les objectifs de solvabilité et de croissance à plus long terme. Les sociétés d’assurances devront envisager différents horizons temporels, chacun nécessitant des approches sur mesure :
    • Court terme (de 0 à 3 ans) : essentiel pour affiner les pratiques en matière de souscription et de tarification afin de refléter les risques immédiats
    • Moyen terme (de 4 à 8 ans) : essentiel pour étayer les décisions en matière de réserves et la planification du capital ajusté au risque
    • Long terme (de 10 à 20 ans et plus) : influence la planification stratégique à long terme et garantit l’alignement avec les attentes en matière de rendement du capital.
  • Méthodologie : L’analyse des scénarios climatiques est un domaine qui évolue rapidement. Il est important que les sociétés d’assurances se tiennent à jour en ce qui concerne les nouveautés en matière de données, d’outils et d’approches. Les objectifs visés par l’analyse de scénarios et les capacités de modélisation d’une entreprise sont des éléments clés à prendre en compte au moment de choisir une méthodologie.À mesure qu’une société d’assurances acquiert de l’expérience dans la modélisation de scénarios et améliore les données et les outils qui la soutiennent, on s’attend à ce que les cas d’utilisation et la complexité de l’approche augmentent
  • Tirer parti de la modélisation pour obtenir un avantage concurrentiel : Pour les sociétés d’assurances, la modélisation des risques climatiques peut représenter bien plus qu’un outil de conformité. Elle peut favoriser l’innovation et offrir un avantage concurrentiel. Des stratégies adaptées pour différentes branches de l’assurance incluent ce qui suit. 
    • Pour les sociétés d’assurances IARD : La modélisation aide à concevoir des initiatives de type « reconstruction améliorée » suivant une catastrophe, ce qui contribuerait à réduire les coûts futurs liés aux réclamations en améliorant la résilience des propriétés assurées
    • Pour les sociétés d’assurances de personnes : La modélisation offre des perspectives de diversification vers la finance verte, ce qui permet de positionner les sociétés d’assurances de personnes comme chefs de file de la durabilité tout en atténuant les risques liés aux actifs.

Grâce à l’intégration de ces composantes interreliées, la modélisation des risques climatiques évoluera; au départ une exigence réglementaire, elle deviendra la pierre angulaire de stratégies d’affaires avant-gardistes et adaptables. Cela peut contribuer à garantir à la fois la résilience à court terme et la durabilité à long terme des sociétés d’assurances dans un contexte climatique changeant.

Stratégies sur mesure pour les sociétés d’assurances IARD et les sociétés d’assurances de personnes

Si les principes fondamentaux de la modélisation des risques climatiques sont les mêmes dans l’ensemble du secteur de l’assurance, leur mise en œuvre diverge en pratique, selon les impératifs opérationnels et financiers propres aux sociétés d’assurances IARD et aux sociétés d’assurances de personnes.

Sociétés d’assurances IARD

Les sociétés d’assurances IARD sont principalement confrontées à des risques physiques graves, dont des catastrophes naturelles comme les ouragans, les inondations et les feux de forêt. Elles doivent se concentrer sur des stratégies immédiatement applicables qui réduiront les réclamations liées aux catastrophes et assureront sa stabilité financière. Les tactiques clés incluent ce qui suit.

  • Évaluation détaillée des risques : Avoir recours à des données géographiques et structurelles détaillées pour gérer les risques. Par exemple, deux maisons ayant le même géocode pourraient être exposées à des risques d’inondation ou d’incendie différents selon leur élévation et les débris alentour.Le niveau de détail des données est crucial pour modéliser avec précision les risques et procéder aux ajustements de tarifs
  • Règlement résilient des demandes d’indemnisation : Utiliser des approches innovantes au moment de régler les demandes d’indemnisation, telles que l’intégration de matériaux résilients aux changements climatiques (par exemple, reconstruire les maisons au moyen de structures durables), réduit les probabilités de pertes répétées tout en favorisant la résilience face à de futurs désastres
  • Collaboration et éducation : Travailler en étroite collaboration avec les gouvernements et les titulaires de police afin d’accroître le degré de préparation, par exemple en faisant la promotion de mesures préventives telles que l’enlèvement des débris autour des propriétés afin de réduire les risques d’incendie.

Sociétés d’assurances de personnes

Les sociétés d’assurances de personnes font face à des risques indirects, mais généralisés, liés aux effets chroniques des changements climatiques, tels que la mortalité ou la morbidité causée par la chaleur. Ces risques amènent des défis subtils quant à l’analyse et à la gestion des produits d’assurance vie et d’assurance maladie à long terme. Certaines des principales stratégies sont celles qui suivent.

  • Étudier des données ciblées : Combler les lacunes actuelles dans les données relatives aux vagues de chaleur propres à certains endroits précis en Amérique du Nord afin d’affiner les projections de morbidité et de mortalité
  • Atténuer les risques liés aux portefeuilles de placement : S’éloigner activement des industries dépendantes des combustibles fossiles pour réduire l’exposition aux risques de transition, tels que la volatilité des marchés résultant des politiques de décarbonisation. Cette stratégie s’inscrit dans une tendance mondiale vers la durabilité
  • Tirer profit de la finance verte : Miser sur les occasions de placement dans les projets liés aux énergies renouvelables et à la durabilité (par exemple, les obligations vertes) permet d’accroître la résilience du bilan tout en appuyant les programmes d’adaptation climatique et de positionner les sociétés d’assurances comme chefs de file des stratégies de placement vert.

En élaborant des stratégies propres à leur réalité, tant les sociétés d’assurances IARD que les sociétés d’assurances de personnes peuvent conjuguer à la fois l’atténuation des risques et leurs ambitions prospectives et, à terme, favoriser la résilience et ouvrir la voie à des innovations opérationnelles et financières.

Des occasions existent, au-delà de la simple conformité

Les changements climatiques ne représentent plus uniquement un enjeu environnemental : c’est maintenant aussi un impératif commercial. Bien que les risques liés au climat posent d’importants défis, ils présentent également des occasions d’innover et de croître. Grâce à une approche structurée de la modélisation, les sociétés d’assurances peuvent se conformer aux exigences réglementaires, améliorer leur résilience opérationnelle et saisir les occasions qui se présentent sur le marché. Les sociétés d’assurances devraient profiter du contexte d’incertitude actuel pour concevoir des stratégies qui équilibrent le risque et les occasions sur le long terme.

Principaux points à retenir et façons dont KPMG peut aider

L’intégration de la modélisation des risques climatiques au plan d’affaires d’une société d’assurances comporte certains défis, dont l’adhésion des parties prenantes, la gestion de la qualité des données sur le climat et des autres données et l’intégration des connaissances résultantes aux processus de prise de décision. KPMG possède l’expertise nécessaire pour aider les sociétés d’assurances.

  • Analyse des écarts : KPMG peut aider les sociétés d’assurances à effectuer des analyses des écarts pour cerner les lacunes en matière de conformité dans un contexte où les cadres réglementaires évoluent sans cesse, par exemple la ligne directrice B-15 du BSIF. Une fois les analyses terminées, nous travaillons de concert avec la société d’assurances pour concevoir des plans d’action concrets visant à combler les lacunes de manière efficace et efficiente
  • Expertise en modélisation de scénarios : Grâce à notre expérience en modélisation climatique, nous aidons les sociétés d’assurances à élaborer des scénarios adaptés à leurs modèles particuliers et nous harmonisons les résultats avec les exigences réglementaires et leurs objectifs stratégiques à long terme
  • Un réseau mondial et une pertinence à l’échelle régionale : Nous pouvons tirer profit du réseau de professionnels de KPMG à l’échelle mondiale afin de partager des connaissances et des nouvelles pratiques avec nos collègues des pays qui mènent l’offensive dans ce domaine. Cet accès nous permet de nous assurer d’offrir des solutions de pointe aux marchés locaux
  • Transformation stratégique : Au-delà de la conformité, nous pouvons collaborer avec les sociétés d’assurances pour les aider à intégrer les considérations climatiques, en les aidant à utiliser ces cadres afin de cerner des occasions, par exemple offrir de nouveaux produits ou se distinguer de la concurrence.

Ressources et analyses

1. Selon des données de 2025 du Bureau d’assurance du Canada, l’année 2024 a battu le record de l’année la plus coûteuse de l’histoire du Canada au chapitre des pertes liées aux phénomènes météorologiques violents, celles-ci s’établissant à 8,5 milliards de dollars

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