J’applaudis la stratégie sectorielle qu’a récemment annoncée le gouvernement fédéral, laquelle vise à stimuler l’investissement et à créer de nouveaux emplois au Canada. Il s’agit d’une énième preuve que l’objectif politique principal du gouvernement est de favoriser la croissance économique du pays.

Cette stratégie, et l’approche de la Loi visant à bâtir le Canada dans son ensemble, nécessiteront d’importantes nouvelles dépenses en immobilisations de la part des entreprises et des investisseurs externes. Toutefois, l’annonce du gouvernement n’a pas tenu compte de l’éléphant dans la pièce : le niveau consternant d’investissement des entreprises dans l’économie canadienne, qui étouffe notre croissance depuis les 20 dernières années.

Après deux décennies d’investissements médiocres et en déclin, notre économie est devenue improductive au point où nous ne pouvons plus décrire le déficit de productivité du Canada comme un écart – il s’agit dorénavant d’un gouffre.

Entre 2006 et 2021, la part du PIB que représente l’investissement canadien par travailleur a diminué de 20 % par rapport à celle des entreprises américaines. En 2014, les entreprises canadiennes ont investi 79 cents par travailleur pour chaque dollar investi aux États-Unis. En 2021, cet investissement chutait à 55 cents pour chaque dollar américain.

Cette tendance à la baisse s’observe également dans le secteur des investissements directs étrangers, où le déséquilibre est croissant. En 2006, le montant des investissements sortant du Canada était de 19 % supérieur à celui des investissements étrangers. En 2016, l’écart passait à 36 %, et l’an dernier, il s’est creusé davantage pour atteindre 65 %; il aura donc presque doublé en moins d’une décennie.

Ce ne sera pas chose facile, mais il faut immédiatement inverser ces tendances si nous voulons remettre notre économie sur les rails et sortir le Canada de son abîme économique.

Bien qu’il puisse être tentant de rejeter la responsabilité de ce sous-investissement sur les investisseurs, leur travail consiste à générer des rendements. Si les rendements sont plus faibles ou si les coûts d’exploitation sont plus élevés au Canada, les capitaux s’exileront vers des marchés plus rentables.

Il est donc essentiel que le Canada crée un environnement favorable aux entreprises et aux investisseurs, ce qui implique un meilleur soutien aux entreprises canadiennes à l’étape de l’expansion.

Afin d’attirer plus de capitaux étrangers et d’inciter les entreprises canadiennes à investir davantage localement, le gouvernement doit s’assurer que les exigences réglementaires souvent lourdes et complexes du pays ne laisseront pas ces investissements en plan.

La création d’un processus d’approbation unique assorti d’un délai constitue un bon début. Toutefois, comme nous le savons, les capitaux ont besoin de garanties qu’il n’y ait pas de réglementation en amont ou en aval qui bloquera ou retardera considérablement les projets. Les investisseurs ont déjà emprunté cette voie et ils ne comptent pas le faire à nouveau.

Comme l’exécution de projets peut prendre plus d’un an, les investisseurs chercheront aussi l’assurance que les gouvernements qui suivront ne mettront pas un frein à leurs efforts.

Bien que des processus d’approbation plus simples soient essentiels, ils ne stimuleront pas les investissements par eux-mêmes. Pour attirer le volume d’investissement nécessaire à la relance de notre économie, le gouvernement devra corriger le contexte fiscal de moins en moins concurrentiel du Canada.

Et pour cela, un simple rafistolage du code fiscal ne suffira pas. Il faudra un changement de politique important pour que notre régime fiscal ne soit pas seulement considéré comme un moyen d’extraire des revenus, mais aussi comme une source de richesse.

Devant la nécessité d’attirer des capitaux sur de nombreux fronts et les risques importants auxquels sont confrontés les investisseurs, le gouvernement devrait évaluer toutes les options, dont l’éventualité que les dispositions fiscales existantes, comme les actions accréditives et les crédits d’impôt à l’investissement, puissent être utilisées ou modifiées pour attirer les investissements en capital.

Cependant, la volonté du gouvernement ne suffit pas. Les entreprises canadiennes doivent elles aussi se mobiliser – et de façon importante. Pendant trop longtemps, elles ont été excessivement complaisantes, troquant la croissance contre la promesse d’une certitude, ce qui a fait reculer notre économie, peut-être même jusqu’à l’arrière du peloton. Si rien ne change, cette attitude nous assurera de rester à la traîne.

Nous vivons une période de perturbation rapide et à grande échelle. Rester les bras croisés et espérer que les choses reviennent naturellement à ce qu’elles étaient n’est tout simplement pas une option.

Les chefs d’entreprise canadiens doivent voir ces initiatives gouvernementales audacieuses comme une invitation à se mobiliser et à faire preuve d’autant de courage pour jouer un rôle clé dans l’avenir de notre économie.

Les menaces auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui représentent une bombe à retardement qui risque d’engloutir le pays. Le Canada possède depuis longtemps les ressources et les compétences nécessaires pour prendre en main notre économie et devenir un chef de file sur la scène mondiale.

Il est temps d’agir.

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