Le 11 août 2025, la Cour d'appel fédérale (« CAF ») a rendu sa décision dans l'affaire Sa Majesté le Roi c. Vefghi Holding Corporation, 2025 CAF 143, infirmant ainsi la décision précédente de la Cour canadienne de l'impôt (« Cour de l'impôt »). La CAF a établi le moment où deux sociétés faisant partie d'un soi-disant « sandwich de fiducie » sont considérées comme rattachées, de sorte qu'un dividende versé à la société au sommet du sandwich ne sera pas assujetti à l'impôt de la partie IV en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Tous les renvois législatifs de cette analyse sont des renvois à la Loi.
Cet article est la partie 2 de la série Une question de temps de KPMG cabinet juridique. La partie 1, qui porte sur les faits et la décision de la Cour de l'impôt.
Par faciliter la compréhension, la structure en sandwich est illustrée dans le diagramme ci-dessous.
Enjeu
La CAF a répondu à la question suivante : Lorsqu'une fiducie attribue, en vertu du paragraphe 104(19), une partie d'un dividende imposable reçu sur une action du capital-actions d'une société canadienne imposable (la « société payante »), de sorte que la partie de dividende est réputée avoir été reçue par un bénéficiaire (la « société bénéficiaire »), quel moment doit être pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer si la société payante et la société bénéficiaire sont rattachées aux fins de l'alinéa 186(1)a)?
La réponse de la Cour de l'impôt n'adoptait pas entièrement l'interprétation de la Couronne ou des contribuables. La Cour de l'impôt a plutôt statué que la question de savoir si les sociétés étaient rattachées selon l'impôt de la partie IV est déterminée au moment où le dividende est reçu, mais elle a adopté une approche différente quant au moment où cette réception survient pour un bénéficiaire, soit que le bénéficiaire reçoit le dividende à la même date à laquelle la fiducie a reçu le dividende, sauf si les règles déterminatives applicables prévoient expressément une année d'imposition différente pour la réception par le bénéficiaire. Pour de plus amples renseignements sur la décision de la Cour de l'impôt, veuillez consulter la partie 1. La Couronne a interjeté appel et les contribuables ont interjeté un appel incident. La CAF a adopté l'interprétation de la Couronne, selon laquelle la question de savoir si les sociétés étaient rattachées est déterminée à la fin de l'année d'imposition de la fiducie.
Cadre juridique
Le paragraphe 104(19) s'applique lorsqu'un dividende reçu par une fiducie est attribué à un bénéficiaire d'une fiducie et que le bénéficiaire est réputé avoir reçu un dividende sur les mêmes actions.
Le paragraphe 186(1) impose l'impôt de la partie IV aux sociétés privées qui reçoivent des dividendes. Toutefois, cet impôt ne s'applique pas aux dividendes que la société privée a reçus d'une autre société à laquelle elle est rattachée.
Position de la Couronne en appel et en appel incident
La Couronne a fait valoir que lorsque le paragraphe 104(19) et l'article 186 sont interprétés à la lumière de leur texte, de leur contexte et de leur objet, le rattachement doit être testé lorsque le dividende réputé est cristallisé par la disposition déterminative du paragraphe 104(19), qui se produit uniquement lors de l'attribution à la fin de l'année d'imposition de la fiducie.
La Couronne a souligné que les conditions prévues au paragraphe 104(19) (p. ex., l'attribution dans la déclaration de revenus, la résidence au Canada tout au long de l'année donnée) ne peuvent être remplies que pour cristalliser le dividende à la fin de l'année d'imposition de la fiducie. La Couronne a soutenu que lorsque le Parlement a modifié le paragraphe 104(19), il a clairement précisé que le moment de l'inclusion du dividende dans le revenu du bénéficiaire n'est pas déterminé par le moment de l'attribution, mais par la date à laquelle l'année d'imposition donnée de la fiducie prend fin.
La Couronne a également fait valoir que, jusqu'à ce qu'il soit cristallisé lorsque toutes les conditions énoncées au paragraphe 104(19) sont remplies, le dividende imposable n'est pas encore un « dividende déterminable » assujetti à l'impôt de la partie IV.
La Couronne a soutenu que la Cour de l'impôt avait mal interprété le paragraphe 104(19), faisant valoir que le fait de considérer que le bénéficiaire a reçu le même dividende que la fiducie constitue une réécriture inappropriée de la disposition législative. En d'autres termes, la Couronne a soutenu que la règle de présomption énoncée au paragraphe 104(19) ne va pas jusqu'à considérer que la société bénéficiaire a reçu le même dividende que celui reçu par la fiducie.
Position des contribuables en appel et en appel incident
Les contribuables ont soutenu que le rattachement aux fins de l'impôt de la partie IV devrait être testé lorsque le dividende est déclaré et payé par la société payante. Ils ont fait valoir que la déclaration et le versement de dividendes sont des mesures étroitement liées au contrôle ou à l'influence notable. En revanche, le moment où un dividende est réputé avoir été reçu par un bénéficiaire d'une fiducie n'est pas une action d'une société payante et il est régi par des dispositions (soit le paragraphe 104(19)) qui n'ont pas le même objet que la partie IV.
Contrairement à la Couronne, qui a commencé son argumentation en vertu du paragraphe 104(19), les contribuables ont amorcé leur analyse par l'application de l'article 186 et de l'impôt de la partie IV sur les dividendes reçus de sociétés non rattachées. Les contribuables ont soutenu que l'article 186 ne précise pas un moment où la détermination du rattachement doit avoir lieu, au-delà du fait qu'elle est effectuée à un moment donné. Au lieu de cela, le mot « reçu » à l'article 186 fait référence à l'année où l'impôt de la partie IV est payable, et non au moment où le rattachement est déterminé.
Enfin, les contribuables ont mentionné l'objet de l'impôt de la partie IV, soulignant qu'il avait pour but de réduire ou d'éliminer les reports d'impôt sur les placements de portefeuille, et que le rattachement sert à faire la distinction entre un placement de portefeuille et un placement autre que de portefeuille. Cette ligne de démarcation est établie, en partie, en demandant si un bénéficiaire a eu au moins une influence notable sur la déclaration d'un dividende ou non.
Subsidiairement, les contribuables ont fait valoir que si le rattachement doit être testé au moment de la réception, comme la Cour de l'impôt l'a conclu, le rattachement devrait être établi au moment où la fiducie, et non la société bénéficiaire, reçoit le dividende.
Décision de la CAF
La CAF a adopté l'interprétation de la Couronne en concluant que le critère de rattachement aux fins de l'impôt de la partie IV est appliqué à la fin de l'année d'imposition de la fiducie, comme l'illustre le diagramme ci-dessous.
La CAF n'a pas suivi l'approche du contribuable consistant à commencer l'analyse par l'article 186, et a conclu que la disposition déterminative du paragraphe 104(19) constitue « le cœur de cet appel ». La CAF était en désaccord avec la conclusion de la Cour de l'impôt selon laquelle, en vertu du paragraphe 104(19), le dividende reçu par le bénéficiaire est réputé être le même dividende que celui reçu par la fiducie. La partie désignée par la fiducie est plutôt réputée constituer un dividende sur la même action. La disposition déterminative ne s'applique qu'une fois que la fiducie (qui est réputée être un particulier) a effectué l'attribution appropriée et que les conditions du paragraphe 104(19) sont remplies. Le bénéficiaire n'est pas considéré avoir reçu le dividende réputé à la même date à laquelle la fiducie l'a reçu. Le dividende réputé est plutôt considéré comme reçu par le bénéficiaire au cours de l'année d'imposition au cours de laquelle l'année d'imposition de la fiducie se termine.
Étant donné que toutes les conditions énoncées au paragraphe 104(19) doivent être remplies avant que la société bénéficiaire soit réputée avoir reçu un dividende, celui-ci ne peut être versé avant la fin de l'année d'imposition de la fiducie. Par conséquent, ce n'est qu'une fois que l'attribution est faite et que la société bénéficiaire est réputée recevoir un dividende que la détermination de la question de savoir si la société bénéficiaire est rattachée à la société payante peut être effectuée.
La CAF a également précisé que le fait d'utiliser la date à laquelle la fiducie a reçu le dividende pourrait entrer en conflit avec les exigences selon lesquelles les dividendes doivent être inclus dans l'année d'imposition de la société bénéficiaire, comme il est indiqué au paragraphe 104(19). La seule date à laquelle un dividende pourrait être réputé avoir été reçu par une société bénéficiaire sans que cela entraîne un conflit potentiel entre la date de la réception réputée et les exigences prévues au paragraphe 104(19) est le dernier jour de l'année d'imposition de la fiducie.
La CAF a également réfuté l'argument du contribuable en ce qui concerne l'objet de la partie IV, soulignant que l'objet de la partie IV ne peut avoir préséance sur le libellé clair du paragraphe 104(19) selon lequel le dividende est réputé avoir été reçu dans l'année d'imposition du bénéficiaire au cours de laquelle l'année d'imposition de la fiducie se termine.
Conclusion
À moins que les contribuables ne soient autorisés à interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada, il s'agit de la décision définitive sur un point nébuleux de la Loi. La conclusion s'aligne sur la position interprétative de l'Agence du revenu du Canada dans l'interprétation technique 2020-0845821C6 portant sur l'impôt de la partie IV et les fiducies, publiée le 7 octobre 2020.
Les interprétations divergentes des parties et des deux tribunaux soulignent la difficulté de définir où les règles déterminatives commencent et où elles finissent. Les contribuables ont souligné que les répercussions pourraient s'étendre au-delà de l'impôt de la partie IV : lorsqu'une société canadienne imposable verse un dividende et qu'elle est liquidée avant l'année d'imposition de la fiducie, la déduction pour dividendes serait refusée à la société bénéficiaire en vertu du paragraphe 112(1), parce que la société payante n'est plus une société canadienne imposable au moment où le dividende est reçu. La CAF a répondu à cette préoccupation en statuant que le dividende est réputé avoir été versé sur la même action, ce qui préserve son statut de dividende sur une action d'une société canadienne imposable. Il n'est pas d'emblée établi que la disposition déterminative préserve le statut de la société payante au moment de la déclaration du dividende, mais non la relation rattachée entre la société payante et la société bénéficiaire à ce moment.
Le résultat découle de la conclusion de la CAF selon laquelle la question se pose lorsqu'il s'agit de déterminer une date précise à laquelle la société bénéficiaire a reçu le dividende. Bien que la CAF ait reconnu que la règle déterminative n'indique pas cette date, la CAF a conclu que l'effet de la règle déterminative était de faire en sorte que la réception soit réputée avoir lieu à la fin de l'année d'imposition de la fiducie, puisque c'était la seule date qui fonctionnerait dans toutes les circonstances factuelles.
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