Rédigé par Benjie Thomas pour le Toronto Star

Au cours des dernières années, l’écart de production du Canada a suscité beaucoup d’inquiétude. De nombreux facteurs économiques peuvent l’expliquer, qu’il s’agisse des politiques gouvernementales, de stratégies commerciales trop prudentes, d’organismes de réglementation restrictifs, de la petite taille du marché et d’une foule d’autres excuses.

Toutefois, la principale responsable de cet écart est la complaisance. Tant que nous disposions d’un accès sans entrave à la plus grande économie mondiale et d’un huard faible, il était difficile de justifier des investissements visant à moderniser les activités gouvernementales et commerciales, à actualiser nos principaux ports et réseaux de transport, ou encore à éliminer les formalités administratives excessives ainsi que les obstacles au commerce national.

L’imposition de droits de douane par les États-Unis signifie que l’accès aux marchés américains s’accompagne maintenant d’un prix d’entrée exagéré, ce qui devrait faire de l’amélioration de la productivité une priorité absolue pour tous les acteurs de notre économie. Fait encourageant, de nombreuses organisations canadiennes ont accru leurs investissements en technologie au cours des deux dernières années; elles ont même dépassé les dépenses de leurs homologues à l’étranger. Leurs investissements ont produit des améliorations remarquables, ce qui justifie de continuer dans cette voie.

Nous venons tout juste de nous entretenir avec 250 propriétaires et chefs de la direction d’entreprises canadiennes de partout au pays qui œuvrent dans un large éventail de secteurs. La grande majorité de ces dirigeants reconnaissent qu’ils doivent faire preuve d’audace et accroître davantage leurs investissements dans la technologie et l’innovation.

Cependant, six répondants sur dix affirment également que la guerre commerciale fait en sorte qu’il est de plus en plus difficile de trouver le capital nécessaire pour investir dans le « type de technologie » qui améliorerait la productivité.

Les résultats financiers de bon nombre d’entreprises sont déjà touchés, et la longue période d’incertitude économique que nous vivons actuellement a rendu presque impossible la prévision des ventes et des revenus et, par conséquent, l’investissement dans les nouvelles technologies.

C’est là que réside le défi pour le Canada : nous devons investir pour rendre nos entreprises et notre économie plus productives et concurrentielles, mais les revenus sont étouffés par le climat économique actuel. Ce dernier est si incertain et comporte tellement de risques que les organisations hésitent à s’engager dans des investissements.

Les moyens de lutte contre ce phénomène peuvent être restreints dans de nombreux pays, ce qui n’est heureusement pas le cas du Canada. Nous avons la chance d’avoir les ressources naturelles dont le monde a besoin. Notre main-d’œuvre est l’une des plus instruites de la planète et notre stabilité politique fait l’envie de tous.

Dans son récent discours du Trône, le roi Charles a déclaré que, dans ce monde en évolution rapide, « le Canada tracera la voie à suivre » et qu’il a « l’occasion de voir grand et de poser des gestes encore plus grands… afin d’entreprendre la plus vaste transformation de son économie depuis la Deuxième Guerre mondiale. »

Pour saisir cette occasion, il nous faut tirer parti de nos avantages, ce qui exigera à la fois courage et audace. Nous devons prendre les rênes de notre propre avenir. Cela signifie qu’il faut se débarrasser de notre tendance à préférer jouer de prudence plutôt que d’atteindre la hauteur de nos ambitions en mettant en valeur nos atouts concurrentiels.

Faire preuve d’audace, c’est voir grand. Une réinitialisation économique ne s’accomplit pas à coups de petits changements progressifs. Le Canada ne peut plus se contenter de suivre les autres : il doit donner le ton, croire en ses forces et nourrir une ambition gagnante.

Dans le discours du Trône, le gouvernement fédéral a présenté une vision de leadership audacieuse pour le Canada quand il a affirmé que son « objectif général (…) – ou sa mission fondamentale – est de bâtir la plus forte économie du G7. »

Il n’y a pas si longtemps, la plupart des Canadiens auraient souri à cette déclaration et l’auraient prise pour une fanfaronnade politique. Cependant, les six derniers mois ont mobilisé les Canadiens, aujourd’hui convaincus qu’il est possible de devancer toute concurrence.

Pour la première fois depuis longtemps – sinon depuis toujours –, être Canadien au pays confère un réel avantage. Jusqu’à présent, les consommateurs canadiens continuent de favoriser nos produits plutôt que ceux des États-Unis. En fait, près de huit dirigeants d’entreprise sur dix à qui nous avons parlé ont dit que le mouvement d’achat canadien avait contribué à augmenter leurs ventes, et près de neuf sur dix affirment que cela a incité leur entreprise à considérer le Canada comme un marché en croissance.

Mais il ne suffit pas de simplement brandir l’unifolié. Les entreprises canadiennes doivent satisfaire leurs clients et se concentrer sur la création de produits et services novateurs, rentables et de meilleure qualité.

Dans notre quête d’audace, nous devons adopter la puissance de l’intelligence artificielle (IA) responsable. L’IA nous offre une occasion unique de stimuler la prospérité du Canada et de faire progresser notre position concurrentielle.

Le pays a été un pionnier dans le domaine : il a créé des instituts, financé des recherches et développé des talents. Malheureusement, notre approche prudente nous a empêchés de tirer parti de nos avantages en matière d’IA. Nous avons laissé partir les talents et n’avons pas intégré l’IA à nos activités commerciales et gouvernementales.

Lorsqu’elle est bien exécutée, l’IA peut accélérer de façon sécuritaire et efficace la planification, la construction et l’exploitation d’infrastructures énergétiques, et soutenir une foule d’autres secteurs. Ces infrastructures constituent la clé pour bâtir le Canada prospère et durable dont nous avons besoin.

L’IA peut aussi mener à des gains d’efficience dans les activités gouvernementales qui aideront les entreprises à fonctionner plus rapidement et plus intelligemment, tout en réduisant les coûts de fonctionnement du gouvernement.

Pour ce faire, les Canadiens doivent devenir des meneurs de l’utilisation de l’IA et établir les mécanismes et les cadres de gouvernance qui peuvent accroître la transparence et la sécurité. Dans un monde qui avance à un rythme effréné, si nous ne prenons pas la décision de tracer la voie, nous serons condamnés à suivre perpétuellement les autres pays.

Nous disposons depuis longtemps des ressources humaines et naturelles nécessaires pour être un leader mondial, et grâce à un ordre mondial en évolution, nous avons maintenant l’ambition de le devenir.