Parmi les bouleversements qu’elle a entraînés dans nos vies personnelles et professionnelles, la pandémie de COVID-19 a créé de nouveaux défis pour la santé mentale des employés. Le travail à distance et hybride a provoqué chez de nombreux employés un sentiment d’isolement, une fatigue due aux appels vidéo et un épuisement professionnel pouvant entraîner ou exacerber des problèmes de santé mentale.

Dans cette nouvelle réalité du monde du travail, quelles mesures les employeurs doivent-ils prendre pour détecter les problèmes de santé mentale des employés et offrir des solutions? Voici ce qu’il faut savoir.

Hausse des problèmes de santé mentale

Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, une personne sur cinq est confrontée à un problème de santé mentale ou à une maladie mentale chaque année au Canada1. Le fardeau économique annuel de la maladie mentale au Canada est estimé à 51 milliards de dollars, dont 6,4 milliards découlant de la perte de productivité2. Des coûts indirects liés à l’absentéisme, au présentéisme3 et à la difficulté de recruter et de retenir le personnel viennent alourdir ce fardeau.

Obligation d’adaptation de l’employeur

En vertu de la législation en vigueur sur les droits de la personne, les employeurs ont l’obligation de prendre toutes les mesures d’adaptation raisonnables pour réduire les obstacles à l’emploi des personnes vivant avec un handicap. Le mot « handicap » recouvre un large éventail et différents niveaux de problèmes médicaux, y compris les problèmes de santé mentale tels que la dépression, les troubles anxieux, le stress, la phobie sociale et la toxicomanie.

L’obligation d’adaptation comprend à la fois une obligation procédurale et une obligation de fond. L’obligation procédurale exige une étude des mesures d’adaptation et une évaluation des besoins individuels de l’employé. Elle est le plus souvent déclenchée par une demande expressément formulée par l’employé. Pour adapter l’environnement de travail en fonction des problèmes de santé mentale d’un employé, l’employeur doit :

  1. Examiner la demande d’adaptation de l’employé
  2. Étudier les mesures d’adaptation nécessaires
  3. Considérer les différentes possibilités d’adaptation
  4. Demander un complément de renseignements et, s’il y a lieu, obtenir une évaluation médicale indépendante
  5. Traiter rapidement les demandes d’adaptation
  6. Préserver la confidentialité des renseignements concernant l’employé

Même si cela n’est pas toujours facile, il est important que l’employeur consigne rigoureusement les étapes du processus d’adaptation. Le fait pour un employeur de ne pas donner suite à une demande d’adaptation ou de ne pas prendre les mesures appropriées pour y répondre peut constituer un manquement à l’obligation procédurale d’adaptation.

L’obligation de fond concerne le caractère raisonnable de l’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles, après avoir recueilli tous les renseignements nécessaires, l’employeur ne l’offre pas (parce que l’adaptation causerait une contrainte excessive). Les seuls facteurs à prendre en compte pour déterminer si l’adaptation représente une contrainte excessive sont : i) le coût, ii) les éventuelles sources de financement extérieures et iii) les exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

Les adaptations appropriées dans le domaine de la santé mentale peuvent inclure (sans y être limitées) les mesures suivantes :

  • Horaire flexible
  • Congé pour raisons médicales
  • Modification des tâches liées au poste
  • Formation supplémentaire
  • Réduction des heures de travail
  • Travail à distance

L’obligation d’adaptation exige de l’employeur qu’il fournisse un aménagement raisonnable répondant aux besoins de l’employé – et non l’aménagement préféré de l’employé. Par conséquent, la décision d’adaptation doit être fondée sur les faits particuliers de chaque situation et évaluée au cas par cas.

Obligations de l’employé concernant l’adaptation

De leur côté, les employés ont l’obligation de participer au processus d’adaptation en :

  1. Dévoilant à l’employeur les circonstances et les limitations liées à leur problème de santé mentale
  2. Coopérant avec l’employeur dans le processus d’adaptation
  3. Fournissant à l’employeur suffisamment de renseignements pour permettre l’adaptation
  4. Tenant l’employeur au courant des changements à apporter à l’adaptation

Le processus d’adaptation est censé être un dialogue ou un processus interactif entre l’employeur et l’employé. Un employé ne peut faire une demande d’adaptation et refuser ensuite de participer au processus d’adaptation ou de répondre aux demandes raisonnables de l’employeur.

Devoir d’examiner

En général, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les employés vivant avec un handicap s’applique à des besoins connus (c.-à-d. que l’employé a informé son employeur de son handicap et/ou a fait une demande d’adaptation). Cependant, en raison de la nature de certaines incapacités de nature psychosociale, l’employé pourrait ne pas être en mesure de comprendre qu’il a un handicap ou qu’il a besoin d’une adaptation. Lorsqu’un employeur sait, ou devrait savoir, qu’il peut y avoir un lien entre un handicap et le rendement au travail d’un employé, il a le devoir d’examiner ce lien éventuel avant de prendre une décision qui pourrait nuire à l’employé.

L’employeur pourrait, par exemple, être tenu de s’acquitter de ce devoir lorsqu’il constate un changement soudain dans le comportement d’un employé, comme une dégradation de son rendement ou une hausse des retards ou de l’absentéisme.

Demande de renseignements médicaux sur les employés

Dans la plupart des cas, l’employeur n’a pas le droit de détenir des renseignements médicaux confidentiels concernant un employé, comme la cause d’un handicap et son diagnostic, ses symptômes ou son traitement. Toutefois, dans certaines circonstances, comme dans le cas d’une maladie mentale, il peut être nécessaire pour l’employeur de connaître le diagnostic afin de mettre en œuvre les mesures d’adaptation nécessaires.

L’employeur est généralement autorisé à demander certaines informations nécessaires à l’adaptation, comme :

  • Les limitations et/ou les restrictions associées au handicap
  • La capacité de l’employé à remplir les fonctions ou les exigences essentielles de son poste
  • Le type d’adaptations qui peuvent être nécessaires pour permettre à l’employé de remplir les fonctions ou les exigences essentielles de son poste
  • La durée des limitations et/ou des restrictions

Ces renseignements pertinents pour la mise en œuvre de l’adaptation peuvent être obtenus en demandant à l’employé de faire remplir par son médecin un formulaire d’évaluation des capacités fonctionnelles. Il est important que tous les renseignements médicaux communiqués à l’employeur restent confidentiels et ne soient communiqués qu’aux personnes qui doivent en prendre connaissance, comme la direction ou le service des ressources humaines. Ceux-ci doivent de plus être conservés dans un endroit sûr et sécurisé, séparément du dossier personnel de l’employé.

Principaux éléments à retenir pour les employeurs

Gérer la santé mentale des employés – en particulier dans le contexte du travail à distance et hybride – est essentiel pour créer un milieu de travail sain et productif. Que les employés souffrent d’asthénie4 ou de problèmes de santé mentale assimilables à un handicap, les employeurs peuvent agir proactivement en :

  1. Fournissant aux employés, y compris aux cadres, des programmes de formation et de sensibilisation à la santé mentale
  2. Renseignant les employés sur les programmes d’aide aux employés et à leur famille (paef) disponibles
  3. Ayant des attentes saines en matière de résultats et de disponibilité après les heures normales
  4. Reconnaissant le lien qui peut exister entre un handicap et le rendement au travail d’un employé
  5. Faisant preuve de souplesse pour tenir compte des problèmes de santé mentale d’un employé

Les employeurs qui reconnaissent et soutiennent les employés aux prises avec des problèmes de santé mentale en retirent autant d’avantages que ces derniers, grâce à la réduction de l’absentéisme, et à l’amélioration du moral et du rendement des employés. Et c’est pourquoi la santé mentale au travail doit rester une priorité pour toutes les organisations.

1 Faits saillants sur la santé mentale et la maladie mentale, Association canadienne pour la santé mentale, 19 juillet 2021
2 Workplace Mental Health: A Review and Recommendations, CAMH, 6 janvier 2020
3 Le terme « présentéisme » désigne la perte de productivité qui se produit lorsque les employés ne donnent pas leur pleine mesure sur le lieu de travail en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’un autre problème.
4 There’s a Name for the Blah You’re Feeling: It’s Called Languishing, Adam Grant, New York Times, publié le 19 avril 2021

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