Du lundi 20 au mercredi 22 octobre, les députés examinaient le projet de loi de finances pour 2026 en commission des finances, qu’ils ont finalement rejeté. Plusieurs amendements adoptés visent à modifier et compléter le texte déposé par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale et méritent d’être signalés. Ces amendements seront repris pour être examinés en séance publique en première lecture (du vendredi 24 octobre au mardi 4 novembre), ainsi que ceux déposés à cette occasion qui étaient le 24 octobre au matin au nombre de 3691.
Nous avons analysé ci-après une sélection d'amendements adoptés par la Commission des finances. La liste qui suit n'est donc pas exhaustive.
PROROGATION DE LA CONTRIBUTION DIFFÉRENTIELLE SUR LES HAUTS REVENUS (ART. 2)
Le Gouvernement proposait la prorogation d’un an (au titre de 2026) de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), introduite par la loi de finances pour 2025 (voir notre alerte LF 2025 ; voir notre alerte sur la publication du PLF 2026).
Dans le même esprit que celui de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (applicable jusqu'à l'imposition des revenus de l'année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul), la CDHR s’appliquerait jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit devient inférieur à 3 %.
INSTAURATION D'UN IMPÔT UNIVERSEL CIBLÉ (APRÈS L'ART. 2)
INSTAURATION D'UNE TAXE SUR LE PATRIMOINE FINANCIER DES HOLDINGS PATRIMONIALES (ART. 3)
Un amendement adopté en commission des finances est venu réécrire dans sa totalité l’article 3 du projet de loi de finances tel que déposé par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale.
L’exposé des motifs de l’amendement indique que cet amendement propose de « substituer à l’article 3 une règle d’évaluation « look-through » des titres de holdings patrimoniales lors des successions, afin d’aligner l’assiette sur la valeur nette des actifs non opérationnels, de plafonner les décotes à 10 % et de neutraliser les apports de dernière minute (3 ans) ».
Pour autant, le président de la Commission des finances Éric Coquerel a demandé à ses auteurs de réécrire leur amendement pour la séance publique, celui-ci faisant notamment référence à l’article 235 ter C du CGI, dont le Gouvernement proposait la création dans le projet de loi de finances initial (et qui disparaîtrait du fait de l’adoption de cet amendement réécrivant l’article 3).
Il serait ainsi prévu que « Lors de la transmission à titre gratuit par décès de titres d’une société mentionnée au I de l’article 235 ter C, la valeur imposable est égale, à la date du décès, à la valeur vénale nette des actifs non affectés à une activité opérationnelle détenus directement ou indirectement, au prorata des droits du défunt ».
Cette mesure s’appliquerait aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2026.
APPORT DE TITRES À UNE SOCIÉTÉ CONTRÔLÉE PAR L'APPORTEUR : MODIFICATION DES MODALITÉS DE RÉINVESTISSEMENT ÉCONOMIQUE (APRÈS L'ART. 3)
En cas d'apport de titres à une société soumise à l'IS contrôlée par l'apporteur, la plus-value réalisée par celui-ci bénéficie de plein droit d'un report d'imposition, toutes conditions étant par ailleurs remplies CGI, art. 150-0 B ter, I). Ce report d'imposition prend notamment fin en cas de cession, rachat, remboursement ou annulation des titres reçus en rémunération de l'apport ou s’agissant des titres apportés, si cet événement intervient dans les trois ans suivant l'apport. Dans ce dernier cas, le report d’imposition peut néanmoins être maintenu si la société bénéficiaire de l'apport prend l’engagement d’investir 60 % au moins du produit de cession des titres dans les deux ans suivant cette cession dans certaines activités opérationnelles.
Il serait proposé de porter le montant de l’engagement de réinvestissement de 60 à 80 % sur une période de 5 ans (au lieu de 2 ans).
Le non-respect de ces conditions de réinvestissement entraînerait l’imposition de la fraction de plus-value correspondant à la part non réinvestie, le report demeurant pour la fraction réinvestie, au titre de l’année d’expiration du délai applicable.
Enfin, le report serait transmis aux ayants droit lors du décès.
Ces mesures seraient applicables aux apports réalisés à compter du 1er janvier 2026.
RÉTABLISSEMENT DE L'EXIT TAX DANS SA MOUTURE ANTÉRIEURE À 2019 (APRÈS L'ART. 3)
AMÉNAGEMENT DU PACTE DUTREIL (APRÈS L'ART. 3)
Le dispositif connu sous le nom de « Dutreil transmission » permet, sous certaines conditions, de bénéficier d'une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit à hauteur des trois quarts de leur valeur, pour les transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés exerçant une activité dite opérationnelle (CGI, art. 787 B). Tous les signataires du pacte doivent respecter notamment un engagement collectif de conservation des parts ou actions d’une durée de 2 ans minimum, suivi d'un engagement individuel de conservation de 4 ans.
En l’absence de précision, les amendements suivants devraient entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2026.
Ajout d’une condition relative à l’âge du donataire
Serait ajoutée une condition tenant à l’âge du donataire, qui devrait être compris entre 18 et 60 ans au jour de la transmission.
A noter, il en irait de même s’agissant du dispositif de transmission d'entreprises individuelles prévu à l'article 787 C du CGI.
Affectation des biens à l’activité opérationnelle de la société
Il serait précisé que l’exonération s’appliquerait à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société.
L’exposé des motifs de l’amendement indique que « Actuellement, les titres d'une société holding peuvent être exonérés de droits si cette société exerce de manière prépondérante une activité éligible au pacte Dutreil. En pratique, l'activité d'animation d'une holding est constatée si la valeur vénale des titres de ses filiales exerçant une activité éligible représente plus de la moitié de son actif total. Le cas échéant, l'ensemble des titres de la société transmise bénéficient de l'exonération de droits de mutation, y compris ceux ne se rapportant pas à une activité couverte par le pacte ».
Allongement de la durée de l’engagement individuel de conservation
La durée de l’engagement individuel de conservation serait portée de 4 à 6 ans (CGI, art. 787 B, 3, c).
PROROGATION EN 2026 DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (IS) DES GRANDES ENTREPRISES AVEC DIVISION PAR DEUX DES TAUX (ART. 4)
Seraient exclues du champ d’application de la contribution les ETI.
CRÉATION D'UN ABATTEMENT FORFAITAIRE DE 2000 EUROS EN FAVEUR DES PERSONNES RETRAITÉES (ART. 6)
Cette mesure serait finalement supprimée.
Amendements n° I-CF250, n° I-CF293, n° I-CF522, n° I-CF1572, n° I-CF1770
RÉFORME DU RÉGIME D'AIDE FISCALE À L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF OUTRE-MER (ART. 7)
Cette mesure serait finalement supprimée.
Amendements n° I-CF227, n° I-CF914, n° I-CF1180, n° I-CF1482
MODIFICATION DE L'ASSIETTE DE L'IS (IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS) DES MULTINATIONALES : IMPOSER LA PART DES BÉNÉFICES MONDIAUX RÉELLEMENT RÉALISÉS EN FRANCE (APRÈS L'ART. 12)
Pour les sociétés membres d’un groupe domicilié hors de France, dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 M€, les bénéfices imposables seraient déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe. Il en irait de même pour les bénéfices imposables des sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société mère serait domiciliée à l’étranger.
ELARGISSEMENT DE L'ASSIETTE DONNANT DROIT AU TAUX RÉDUIT À 15 % POUR LES PME DE 42 500 € À 100 000 € (APRÈS L'ART. 12)
Une société ayant réalisé un chiffre d’affaires n’excédant pas le plafond fixé à 10 M€ (ou 7 630 000 € pour les exercices ouverts antérieurement au 1er janvier 2021) bénéficie, dans la limite de 42 500 euros de bénéfice imposable (par période de 12 mois), d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés égal à 15 % (CGI, art. 219, I, b), al. 1). Pour la société mère d’un groupe d’intégration fiscale, le chiffre d’affaires doit être apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2025, le taux réduit de 15 % serait applicable dans la limite de 100 000 euros de bénéfice imposable (contre 42 500 euros actuellement).
PÉRENNISATION DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR LE RÉSULTAT D'EXPLOITATION DES GRANDES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME (ART. 50) (APRÈS L'ART. 12)
La loi de finances pour 2025 a instauré au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025, une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros au cours de la période d’imposition. Le taux de la taxe est fixé à 12 %.
Cette contribution serait pérennisée.
MISE EN PLACE D’UNE CONTRIBUTION ADDITIONNELLE SUR LES REVENUS DISTRIBUÉS VERSÉS (CONTRIBUTION SUR LES « SUPERDIVIDENDES ») (APRÈS L’ART. 12)
Serait instaurée une contribution additionnelle de 5 % sur les revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis du CGI (sous certaines exceptions).
Cette contribution serait due par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 md€, ramené à 12 mois, le cas échéant.
A noter, en présence d’un groupe intégré, il serait tenu compte de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres du groupe.
Elle serait due lorsque le montant total des revenus distribués versés par la société lors de l’exercice considéré est supérieur ou égal à 1,2 fois la moyenne des revenus distribués versés lors des cinq exercices précédents.
L’assiette de cette contribution correspondrait à la fraction des revenus distribués excédant ce seuil (1,2 fois la moyenne des revenus distribués versés lors des cinq exercices précédents).
La contribution s’appliquerait à compter de l’exercice 2026 inclus.
Le rapporteur général de la commission des finances Philippe Juvin a donné un avis défavorable à ces amendements, dès lors qu’ils présentent un risque de contrariété avec la directive mère-fille (imposition des dividendes de plus de 5 %).
NOUVELLES CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ AU CIR (CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE) ET MODIFICATION DU CALCUL DU PLAFONNEMENT POUR LES GROUPES DE SOCIÉTÉS (APRES L’ART. 12)
Peuvent bénéficier du crédit d'impôt recherche, sous réserve du respect de certaines conditions, les entreprises qui exposent des dépenses de recherche ou d'innovation (CGI, art. 244 quater B). Le taux du crédit d'impôt est égal à 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 M€ et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant.
Le bénéfice du CIR serait subordonné au respect, par l’entreprise bénéficiaire, des deux conditions cumulatives suivantes :
- L’absence, pendant une période de 10 ans suivant l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt a été perçu, de transfert des activités de production ou de recherche directement liées au projet ayant donné lieu au crédit d’impôt à l’étranger ;
- L’absence de cessation substantielle d’activité sur le territoire national, incluant toute fermeture d’établissement, ou un licenciement de plus d’un tiers des effectifs du site compromettant la poursuite durable de l’activité économique principale de l’entreprise ou de ses filiales situées en France, au cours de cette même période.
En cas de manquement à ces obligations, l’entreprise serait tenue de rembourser le montant du crédit d’impôt perçu durant la période.
En outre, les modalités de calcul du CIR seraient modifiées pour les groupes de sociétés. L’ensemble des filiales détenues à plus de 51 % seraient incluses dans le périmètre d’appréciation du plafond de 100 M€ afin d’apprécier celui-ci au niveau du groupe.
PROLONGATION DE TROIS ANS DU CRÉDIT D’IMPÔT POUR INVESTISSEMENT EN FAVEUR DE L’INDUSTRIE VERTE (C3IV) (APRÈS L’ART. 12)
Le crédit d’impôt pour investissement en faveur de l’industrie verte (C3IV), créé par la loi de finances pour 2024, est ouvert, sur agrément préalable, aux investissements réalisés à chaque étape stratégique de la chaîne de production de batteries, panneaux solaires, éoliennes ou pompes à chaleur. Actuellement, seuls les plans d’investissement agréés au plus tard le 31 décembre 2025 peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt (CGI, art. 244 quater I).
Le bénéfice du crédit d’impôt serait prolongé de 3 ans. Y seraient ainsi éligibles les projets agréés jusqu’en 2028 au lieu de 2025.
INSTAURATION D’UNE TAXE RELATIVE AUX FRAIS DE GESTION DES PETITS COLIS EN PROVENANCE DE PAYS TIERS (ART. 22)
Le terme « taxe sur les petits colis » serait remplacé par celui de « malus sur les colis importés de pays non européens ». Le montant de ce malus serait égal à 2 euros.
MODIFICATION DES MODALITÉS D’APPLICATION DE LA TAXE SUR LES SERVICES NUMÉRIQUES (APRÈS L’ART. 24)
La taxe sur les services numériques (dite « taxe GAFA »), codifiée aux articles 299 à 300 du CGI, a été instaurée par la loi du 24 juillet 2019 (loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d'une taxe sur les services numériques). Cette taxe, au taux unique de 3 %, vise les sommes encaissées au titre de l'année civile par les grandes entreprises du numérique (ie. 750 M€ de CA au titre des services taxables fournis au niveau mondial et 25 M€ au titre des services taxables fournis en France, ces deux seuils étant appréciés au niveau du groupe consolidé le cas échéant), quel que soit leur lieu d'établissement, en contrepartie de la fourniture en France :
- de services d'intermédiation entre utilisateurs,
- de services de publicité ciblée, y compris les services de gestion et de transmission des données relatives aux utilisateurs.
A noter, cette taxe a été recodifiée dans le Code des impositions sur les biens et services dans les articles L.453-45 et suivants entrant en vigueur le 1er janvier 2024.
A compter du 1er janvier 2026, le seuil de taxation serait relevé de 750 M€ à 2 mds€. Par ailleurs, le taux serait fixé à 15 %.
AJUSTEMENT DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX PROFESSIONNELS ET DE LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX D’HABITATION (ART. 27)
La révision des valeurs locatives cadastrales serait effective à compter du 1er janvier 2026. Serait par ailleurs mise en place la révision annuelle de ces valeurs locatives cadastrales.
AUGMENTATION DU TAUX DE LA NOUVELLE TAXE SUR L’EXPLOITATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE LONGUE DISTANCE À 10 % (APRÈS L’ART. 27)
Afin de contribuer aux investissements massifs dans les infrastructures, notamment ferroviaires, favorisant la réduction de l’impact des mobilités sur l’environnement, la loi de finances pour 2024 a instauré une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance à compter du 1er janvier 2024.
Son taux serait porté de 4,6 % à 10 % (CIBS, art. L 425-12).
INSTAURATION D’UN AGRÉMENT AUTORISANT LES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS À PRATIQUER L’EXONÉRATION DE RETENUE À LA SOURCE (CUMCUM INTERNES) (APRÈS L’ART. 29)
Les dividendes et produits assimilés versés par une société française à des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France sont soumis à une retenue à la source (CGI, art. 119 bis).
Un dispositif d’arbitrage de dividendes consiste, pour un non-résident, à échapper à l’application de cette retenue à la source en transférant de manière temporaire, autour de la date de détachement du dividende, la propriété de ses titres à des personnes qui n’y sont pas soumises. Il peut s’agir d’un résident fiscal (on parle alors de « CumCum interne ») ou d’un non-résident qui n’est pas soumis à la retenue à la source du fait d’une convention fiscale ou de son statut (on parle alors de « CumCum externe »).
A compter du 1er janvier 2026, les débiteurs ou personnes qui assurent le paiement des revenus sujets au prélèvement à la source pourraient pratiquer l’exonération de retenue à la source s’ils sont en possession d’un agrément délivré par le ministère chargé de l’économie et des finances. Cet agrément serait de droit, sur demande, pour les établissements financiers français et pourrait être retiré en cas d’abus constaté par l’administration fiscale.