VIGILANCE ET DURABILITÉ, MÊME TECHNIQUE : LA COMPLIANCE

Les obligations qui se multiplient en matière de RSE/ESG relèvent de l’esprit de la compliance et privilégient la méthode de la transparence sur celle de la sanction. L’idée est d’inciter plus que de punir. Mieux vaut en effet une obligation appliquée spontanément qu’un manquement sanctionné. Mais, d’une part, cela conduit à des obligations formelles très détaillées pour que l’entreprise sache précisément ce qu’elle doit faire et en particulier publier et, d’autre part, à un contrôle a priori par un organe indépendant, tel un commissaire aux comptes. Et cela n’empêche pas de prévoir un mécanisme de remédiation en cas de défaillance et une ou des sanctions.

VIGILANCE : REMÈDES ET SANCTIONS

La loi vigilance du 27 mars 2017 a pris soin de créer un processus spécifique de remédiation d’un plan inexistant ou imparfait, en deux temps : l’article L. 225-102-4 du Code de commerce dispose qu’une mise en demeure préalable doit être délivrée à la société et qu’à défaut d’y satisfaire, toute personne justifiant d’un intérêt pour agir peut demander au tribunal judiciaire de Paris de lui enjoindre de respecter ses obligations, à peine d’astreinte si nécessaire. L’article suivant ajoute que la responsabilité civile de la société défaillante peut être engagée par toute personne y ayant intérêt, dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle du Code civil. N’entrons pas dans le détail des conditions de ces deux mesures, injonction et responsabilité, car tel n’est pas notre propos ici ; indiquons simplement que la notion d’intérêt à agir est très extensive car elle englobe certainement toutes les parties prenantes potentielles, par exemple des syndicats ou des ONG, qui ont d’ailleurs été les premiers à agir (cf. notre alerte).

DURABILITÉ, REMÈDES ET SANCTIONS ASSEZ COMPARABLES

L’ordonnance durabilité du 6 décembre 2023, qui introduit la directive CSRD du 14 décembre 2022, ne prévoit rien de comparable dans l’hypothèse d’un rapport inexistant ou défaillant. N’y-a-t-il donc aucun remède ni sanction (outre le risque réputationnel) ? Spécifiquement non, mais peu importe puisqu’il existe une injonction de faire commune à de nombreuses exigences de publication du droit des sociétés commerciales, à l’article L. 238-1 depuis la loi NRE du15 mai 2011, dont le processus s’appliquait aux obligations de la déclaration de performance extra-financière et vient d’être étendu au rapport de durabilité par l’ordonnance du 6 décembre dernier. Deux différences tout de même avec l’injonction « vigilance » : nul besoin de mise en demeure préalable et de délai d’attente de trois mois ; lorsqu’il est fait droit à la demande, l’éventuelle astreinte et les frais de procédure sont à la charge non de la société mais des administrateurs et des dirigeants, ce qui crée un risque personnel pour ceux-ci, d’où une incitation à veiller à la bonne mise en œuvre de l’obligation.

Par ailleurs, toute personne ayant un intérêt agir au sens de la procédure civile peut engager la responsabilité de la société dans les conditions du droit commun, comme en matière de vigilance. 

UNE RESPONSABILITÉ CIVILE DIFFICILE À METTRE EN ŒUVRE

Dans les deux cas, l’action obéira aux même conditions et limites : une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux, ce qui rend sa mise en mouvement très difficile et son résultat aléatoire. Aucune des atténuations demandées par certains n’a été retenue jusqu’alors, ni une présomption de faute, ni une présomption de causalité, ni un aménagement de la charge de la preuve. Notons cependant que, s’agissant d’un dommage écologique, celui-ci est spécifiquement visé et entendu largement par le Code civil depuis une loi du 8 août 2016.

D’où, sans doute, la proposition de la future directive vigilance de créer dans chaque Etat une autorité de contrôle dotée du pouvoir de contrôle, d’enquête, d’injonction et de sanction pécuniaire.


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