QUELLE EST LA MISSION DES ADMINISTRATEURS DE SOCIÉTÉ ?
Dans la conception classique, de participer au conseil d’administration, c’est-à-dire à un organe collégial dans lequel ils se fondent car leurs décisions ne sont pas individuelles mais collectives et résulte d’une délibération, de sorte que leur éventuelle responsabilité n’est pas personnelle mais globale, sauf exception. Cependant une évolution se dessine qui semble faire naître des devoirs qui s’imposeraient personnellement à chacun des administrateurs. Le mouvement global de la RSE en est le principal moteur, à quoi s’ajoute la pratique qui se développe de la spécialisation de certains administrateurs – l’administrateur indépendant, l’administrateur référent, l’administrateur RSE, l’administrateur cybersécurité, etc. L’ensemble pourrait conduire à une responsabilité personnalisée.
Un possible exemple de cette tentation d’individualisation de la mission et de la responsabilité des administrateurs vient du projet de directive relative au devoir de vigilance, du moins dans sa mouture d’origine.
L'ARTICLE 26 DU PROJET INITIAL DE LA DIRECTIVE VIGILANCE
A l’article 26, actuellement écarté, le texte initial exigeait que les administrateurs mettent en place et supervisent les mesures de vigilance qui s’imposent à la société. De prime abord, nous nous sentons en pays de connaissance car ce texte rappelle l’alinéa ajouté par la loi Pacte à l’article 1833 du Code civil pour toutes les sociétés et à l’article L. 225-35 du Code de commerce pour le conseil d’administration des sociétés anonymes : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Le devoir visé à l’article 26 d’origine paraît donc s’imposer à l’ensemble des administrateurs réunis en conseil, du moins dans le système collégial à la française, même si le Considérant 64 qui l’explicitait pouvait aussi être lu comme imposant une obligation personnelle.
L'ARTICLE 25 DU PROJET INITIAL DE LA DIRECTIVE VIGILANCE
Mais surtout, le texte initial de la directive prévoyait un article 25, également écarté pour l’heure, qui créait un « devoir de sollicitude des administrateurs » : les administrateurs devaient veiller « à agir dans le meilleur intérêt de l’entreprise » en tenant « compte des conséquences de leurs décisions sur les questions de durabilité, y compris, le cas échéant, sur les droits de l’homme, le changement climatique et l’environnement, y compris à court, moyen et long terme ». De quoi s’agissait-il ? Laissons de côté la curieuse appellation, « devoir de sollicitude », qui ne correspond à rien en droit européen continental, mais dont on devine l’origine, le « duty of care » du droit anglo-saxon. En l’absence d’éclairage par un Considérant, ce qui est regrettable, mais en cherchant à donner une portée propre à cette exigence, on peut avoir le sentiment qu’il pouvait s’agir d’une déclinaison individualisée de l’obligation de l’article 26 précédemment évoquée. Autrement dit, il y aurait-là une obligation pesant personnellement sur chacun des administrateurs et donc un risque de responsabilité individuelle.
Mais il faut immédiatement rappeler que dans le long et complexe processus politique d’adoption d’une directive, les articles 25 et 26 ont – provisoirement ? – été écartés.
Affaire à suivre...