La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise est entrée en vigueur le 1er décembre.

Ce texte crée de nouvelles obligations, assez peu contraignantes, à la charge des entreprises.

Les entreprises, qui ne sont pas légalement tenues de mettre en place un dispositif de participation aux résultats, pourront être obligées d’appliquer au moins un dispositif de partage de la valeur à compter du 1er janvier 2025, lorsqu’elles remplissent certaines conditions.

Les entreprises, légalement tenues de mettre en place un dispositif de participation, vont devoir, quant à elle, négocier sur la détermination d’éventuelles modalités de partage de la valeur avec les salariés dans l’hypothèse d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice.

UNE OBLIGATION D’APPLIQUER AU MOINS UN MÉCANISME DE PARTAGE DE LA VALEUR, SOUS CERTAINES CONDITIONS, POUR LES ENTREPRISES QUI NE SONT PAS LÉGALEMENT TENUES DE METTRE EN PLACE UN RÉGIME DE PARTICIPATION

Deux dispositifs assez similaires sont instaurés à titre expérimental pour une durée de 5 ans à compter de la publication de la loi. Le premier concerne les entreprises qui ne remplissent pas la condition d’effectif rendant obligatoire la mise en place d’un dispositif de participation aux résultats. Le second concerne les entreprises qui, en raison de leur forme sociale, ne déclare aucun bénéfice net fiscal et ne peuvent donc, par définition, pas mettre en place de participation.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés (Loi, art. 5)

Entreprises concernées

Le dispositif concerne les entreprises :

  • qui emploient au moins onze salariés et qui ne remplissent pas la condition légale d’effectif de 50 salariés pendant cinq exercices consécutifs rendant obligatoire la mise en place d’un dispositif de participation,
  • qui ont réalisé un bénéfice net fiscal – au sens de l’article L. 3324-1 du code du travail qui définit la formule légale de participation – au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois exercices consécutifs,
  • dans lesquelles, aucun dispositif de partage de la valeur (intéressement / participation, plan d’épargne salariale ou prime de partage de la valeur) n’est applicable au titre de l’exercice suivant.

Sont exclues du dispositif, les entreprises individuelles (dont il est en pratique rarissime qu’elles emploient plus de 11 salariés) et les sociétés anonymes à participation ouvrière.

Teneur de l’obligation

Lorsque trois exercices consécutifs auront été bénéficiaires et qu’aucun dispositif n’est en cours d’application au cours du 4ème exercice, l’employeur devra prendre l’une des mesures suivantes :

  • mettre en place un régime de participation, dans les conditions prévues aux articles L. 3322-9 (adhésion à un régime prévu par accord de branche agréé) ou L. 3323-6 (participation volontaire) ou à l’article 2 de la loi (régime participation dérogatoire réservé aux petites entreprises dont la formule peut être moins favorable que la formule légale),
  • mettre en place un régime d’intéressement dans les conditions prévues aux articles L. 3312-5 (accord) ou L. 3312-8 (décision unilatérale), abonder un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, PERCO d’entreprise ou interentreprise),
  • verser la prime de partage de la valeur prévue par l’article 1er de la loi pouvoir d’achat du 16 août 2022.

En pratique, le dispositif est peu contraignant pour l’employeur puisque celui-ci disposera d’un choix discrétionnaire entre la mise en place un système pérenne de participation ou d’intéressement (qui pourra présenter l’inconvénient pour les salariés d’être aléatoire et de ne va pas créer de droits dans l’immédiat) ou de prendre une mesure purement ponctuelle - notamment pour laquelle aucun montant minimal n’est prévu.

L’obligation n’est, par ailleurs, assortie d’aucune sanction.

Calendrier

L’obligation de mettre en place un mécanisme de partage de la valeur va s’appliquer à compter du premier exercice clôt postérieurement au 31 décembre 2024.

Ainsi, pour les entreprises dont l’exercice comptable correspond à l’année civile, elle s’appliquer à compter du 1er janvier 2025 et bénéfices des exercices 2022, 2023 et 2024 seront pris en compte pour déterminer si l’employeur est ou non débiteur d’une telle obligation.

Dans les entreprises sans bénéfice net fiscal (Loi, art. 6)

Entreprises concernées

Le dispositif s’applique aux personnes morales mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire : les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901, dès lors que :

  • elles emploient au moins 11 salariés,
  • elles réalisent un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes pendant trois exercices consécutifs,
  • aucun dispositif de partage de la valeur n’est applicable au cours de l’exercice suivant.

Le législateur a ajouté une quatrième condition à l’application du dispositif : celui-ci doit être prévue par une convention de branche étendue. Les partenaires sociaux au niveau des branches de l’économie sociale et solidaire devront donc s’emparer de la question sous peine de voir le dispositif rester lettre morte.

Teneur de l’obligation

Ces entreprises – qui ne peuvent, faute de bénéfice fiscal, mettre en place, une participation aux résultats – auront le choix, en cas de résultat excédentaire durant trois exercices, entre :

  • mettre en œuvre un dispositif d’intéressement par accord ou, si elles emploient moins de 50 salariés, par décision unilatérale,
  • abonder un plan d’épargne salariale,
  • verser une prime de partage de la valeur.

Le choix est, là encore, discrétionnaire. La loi n’impose aucun montant minimal et ne prévoit aucune sanction.

Calendrier

Sous réserve qu’un accord collectif soit conclu au sein de la branche à laquelle est rattachée l’entreprise, puis étendue, l’obligation s’appliquera à compter du 1er janvier 2025.

UNE OBLIGATION POUR LES ENTREPRISES, SOUMISES À LA PARTICIPATION OBLIGATOIRE, DE NÉGOCIER SUR LES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE PARTAGE DE LA VALEUR D’UNE AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DE LEUR BÉNÉFICE

La loi crée à l’article L. 3346-1 du code du travail qui instaure une obligation pour l’employeur d’engager une négociation avec les organisations syndicales représentatives en vue de la mise en place d’un dispositif visant à tirer les conséquences d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice en termes de partage de la valeur avec les salariés. En d’autres termes, la négociation a pour objet l’insertion au sein d’un accord de participation ou d’intéressement d’une stipulation prenant en compte l’hypothèse d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice.

L’obligation à la charge de l’employeur est une simple obligation de négocier et non une obligation de parvenir à un accord. Si cette obligation doit être loyale ce qui paraît impliquer que l’employeur soit force de proposition, la loi ne prévoit aucune sanction particulière.

Les entreprises concernées

Le dispositif concerne les entreprises :

  • qui sont légalement tenues de mettre en place un dispositif de participation (c’est-à-dire qui emploient plus de 50 salariés depuis cinq exercices consécutifs),
  • qui disposent d’au moins un délégué syndical ; cette seconde exigence réduit considérablement le nombre d’entreprises concernées dès lors qu’aujourd’hui seules 40 % des entreprises de plus de cinquante salariés disposent d’un délégué syndical.

Sont par ailleurs dispensées de l’obligation de négocier :

  • les entreprises qui disposent déjà d’un accord de participation ou intéressement comportant une clause prenant en compte les bénéfices exceptionnels,
  • les entreprises dont l’accord de participation comporte une formule de calcul de la réserve spéciale de participation plus favorable que la formule légale.

Les objets de négociation

La négociation doit porter sur deux points.

La définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice

Alors que l’accord national interprofessionnel indiquait que le caractère exceptionnel du bénéfice était « défini par l’employeur », ce qui conduisait à vider le dispositif de toute portée obligatoire, la loi prévoit que les partenaires sociaux devront s’efforcer de trouver un accord pour définir, au regard de critères objectifs, quand une augmentation du bénéfice présente un caractère exceptionnel

La loi laisse une très grande liberté aux négociateurs puisqu’elle se borne, pour encadrer la négociation, à faire état de critères indicatifs dont la liste ne présente pas un caractère limitatif. Il est ainsi prévu que la détermination du caractère exceptionnel de l’augmentation du bénéfice « prend en compte des critères tels que » :

  • la taille de l’entreprise,
  • le secteur d’activité,
  • la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions gratuites aux salariés,
  • les bénéfices réalisés lors des années précédentes
  • ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.

La détermination des conséquences d’une telle augmentation

Après avoir défini ce qu’est une augmentation exceptionnelle du bénéfice, les partenaires sociaux devront s’accorder sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés découlant de l’existence d’une telle situation.

Selon la loi, les partenaires sociaux ont le choix entre deux modalités.

La première modalité consiste à prévoir, à l’avance, dans l’accord le mode de partage de la valeur qui sera mis en œuvre en cas de constatation d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice. Dans une telle hypothèse, ils peuvent prévoir qu’une telle situation donnera droit :

  • soit au versement d’un supplément de participation en application de l’article L. 3324-9 CT,
  • soit au versement d’un supplément d’intéressement en application de l’article L. 3314-10 CT, lorsqu’il existe un accord d’intéressement.

Le législateur n’apporte pas plus de précision. Les partenaires sociaux pourront se borner à prévoir le principe du droit à un supplément, dont le montant sera librement fixé, ou déterminer à l’avance des modalités de calcul de ce supplément dans l’accord.

La seconde modalité consiste à prévoir l’ouverture d’une nouvelle négociation postérieurement à la constatation d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice pour en déterminer, à ce moment-là, les conséquences de cette situation en termes de partage de la valeur.

Cette négociation aura pour objet la mise en place : soit un dispositif d’intéressement (lorsqu’il n’en existe pas), soit un supplément de participation ou d’intéressement, soit un abondement à un plan d’épargne salarial, soit le versement d’une PPV. La loi ne prévoit, là encore, qu’une obligation de négocier.

Le calendrier

Le dispositif impose la négociation d’un dispositif relatif à l’augmentation exceptionnelle du bénéfice lorsqu’une entreprise tenue de mettre en place un régime de participation a ouvert une négociation en vue de la conclusion d’un accord de participation ou d’intéressement.

L’obligation s’applique donc immédiatement pour les entreprises concernées dans lesquelles aucun accord n’est applicable.

Les entreprises qui appliquent déjà un accord de participation ou un accord d’intéressement ont jusqu’au 30 juin 2024 pour engager une négociation. Cet négociation aura pour objet de compléter l’accord existant par un avenant relatif aux conséquences d’une éventuelle augmentation exceptionnelle du bénéfice en termes de partage de la valeur.


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