La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise est entrée en vigueur le 1er décembre.

Le texte comporte des aménagements des dispositifs suivants : prime de partage de la valeur, participation aux résultats, intéressement, plan d’épargne salariale et attribution d’actions gratuites.

PRIME DE PARTAGE DE LA VALEUR

Rappel

Instaurée par la loi pouvoir d’achat du 1er août 2022, le mécanisme permet à l’employeur de verser aux salariés de l’entreprise une prime dont le montant est librement déterminé.

Seuls sont susceptibles d’être exclus du bénéfice de l’avantage les salariés dont le montant excède un plafond déterminé par la décision ou l’accord instituant la prime. Pour les autre salariés, le montant peut être modulé selon les critères suivants : ancienneté, classification, durée de présence effective durant l’année écoulée et durée du travail,

Dans la limite de 3 000 €, pouvant être portée à 6 000 € (pour les entreprises disposant d’un dispositif d’intéressement, de participation volontaire, les associations, les fondations et les ESAT), la prime est exonérée de toutes les cotisations sociales ainsi que des contributions à l’effort de construction et à la formation. L’avantage est soumis au forfait social dans les mêmes conditions que les primes d’intéressement (pas de forfait pour les entreprises de moins de 250 salariés ; 20 % pour les autres).

Les primes versées jusqu’au 31 décembre 2023 à des salariés dont la rémunération annelle est inférieure à trois SMIC annuel étaient, en outre, exonérées d’impôt sur le revenu et de CSG-CRDS.

Possibilité de verser deux PPV au cours de la même année

Si elle pouvait être versée en plusieurs fois, le texte ne prévoyait la possibilité de décider le versement que d’une seule PPV par année civile.

Le texte est modifié et prévoit désormais que l’employeur aura la possibilité de verser deux PPV par année civile.

Attention toutefois, les dispositions relatives au nombre de versement (maximum un par trimestre) et, surtout, au plafond annuel d’exonération (de 3 ou 6 000 €) restent inchangées.

L’intérêt de cette disposition est de permettre de fixer des modalités différentes d’attribution d’une prime à l’autre et de procéder à des ajustements en cours d’année au regard de la situation de l’entreprise.

Cette possibilité entre en vigueur le 1er décembre 2023, les employeurs, ayant déjà versé une PPV au cours de cette année civile sans atteindre les plafonds d’exonération, peuvent donc verser une seconde PPV d’ici au 31 décembre.

Possibilité d’affecter la PPV à un plan d’épargne salariale et de bénéficier d’une exonération d’IR

Sur ce point, la loi aligne la PPV sur les sommes perçues au titre de la participation et de l’intéressement et prévoit la possibilité pour le salarié d’affecter tout ou partie de la prime sur un plan d’épargne salariale, lorsque le salarié a adhéré à un tel plan.

Les sommes ainsi affectées sont exonérées d’IR dans les mêmes limites que les exonérations de cotisations sociales (3 000 ou 6 000 € annuels).

Maintien du régime fiscal de faveur pour les seuls salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC annuel travaillant dans une entreprise de moins de 50 salariés

L’exonération totale d’IR et de CSG/CRDS, dont bénéficiaient les salariés ayant perçu une rémunération annuelle est inférieure à trois fois le montant annuel du SMC, jusqu’au 31 décembre 2023, n’est maintenue, pour la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026, que pour les salariés travaillant dans une entreprise employant moins de cinquante salariés.

Le Conseil d’Etat avait, dans son avis sur le projet de loi, estimé qu’il y avait là une rupture d’égalité devant les charges publiques mais la différence de traitement devant l’impôt des salariés en raison de l’effectif de leur entreprise a été maintenue par le législateur et la loi n’a pas été déférée au Conseil constitutionnel avant sa promulgation.

PARTICIPATION AUX RÉSULTATS

Mise en place : suppression du report de 3 ans en présence d’un accord d’intéressement

Depuis la loi Pacte de 2019, l’effectif de 50 salariés doit être atteint pendant cinq exercices consécutifs pour que la mise en place d’un régime de participation soit obligatoire.

L’article L. 3322-3, qui datait de 2015, disposait que s’il existait, au moment où la condition d’effectif rendant obligatoire la mise en place d’un régime de participation, un accord d’intéressement applicable dans l’entreprise, l’obligation de mettre en place un régime de participation était reportée de trois ans

La combinaison de ces deux dispositions avait pour effet de permettre à une entreprise de différer la mise en place de la participation pendant près de 8 ans après avoir atteint le seuil de 50 salariés.

Le report de 3 ans prévu par l’article L. 3322-3 est abrogé.

Le texte précise, toutefois que les entreprises, qui avaient atteint le seuil de 50 salariés pendant 5 ans avant cette abrogation et qui bénéficiaient d’un report parce qu’elles appliquaient un accord d’intéressement, continuent à bénéficier de ce report jusqu’au terme du délai de 3 ans.

Modification du montant de la RSP en cas de redressement fiscal

La réserve spéciale de participation est calculée au regard du bénéfice net déclaré pour le calcul de l’impôt, qui fait l’objet d’une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes et dont le montant ne peut être remis en cause à l’occasion d’un contentieux relatif à la participation.

Seule une rectification de ce bénéfice fiscal peut conduire une modification du calcul de la réserve spécial de participation.

Les principes en la matière, qui étaient prévus par un texte réglementaire (art. D. 3324-40), sont remontés dans un texte légal (art. L. 3326-1-1) :

  • la rectification du montant du bénéfice par l’administration fiscale ou le juge de l’impôt donne lieu l’établissement d’une attestation rectificative permettant un nouveau calcul de la réserve spéciale de participation ;
  • le montant de cette réserve est modifié au cours de l’exercice où le redressement devient définitif.

On peut ici regretter que le législateur ait oublié l’hypothèse dans laquelle le bénéfice fiscal n’est pas redressé par l’administration ou le juge de l’impôt, mais fait l’objet d’une régularisation spontanée par l’entreprise auprès de l’administration.

INTÉRESSEMENT

Les modifications sont peu importantes en la matière. Le législateur s’est en effet borné à sécuriser deux pratiques existantes.

Sécurisation de la pratique des avances en matière d’intéressement et de participation

L’article L. 3348-1 du code du travail prévoit que l’accord peut prévoir la possibilité de verser des avances d’intéressement ou de participation aux salariés, selon une périodicité qui ne peut être inférieure au trimestre.

De telles avances ne peuvent être versées au salarié qu’avec son accord.

Le texte précise les modalités de remboursement d’un éventuel trop-perçu par le salarié lorsque les droits définitifs sont inférieurs aux sommes perçues au titre des avances. Ce trop-perçu pourra être récupéré sous la forme d’une retenue sur salaire.

Il précise, par ailleurs, que si le trop-perçu a été affecté à un plan d’épargne salariale, il s’analyse en un versement volontaire et ne donne pas droit aux exonérations sociales et fiscales prévues par la loi.

Possibilité de prévoir des salaires plancher et plafond pour l’intéressement

L’intéressement peut être réparti selon trois modalités : de façon uniforme, proportionnellement au salaire et/ou proportionnellement au temps de présence (art. L. 3314-5 CT).

En pratique, dans l’hypothèse où l’intéressement est calculé proportionnellement à la rémunération, il est fréquemment stipulé un salaire plancher et un salaire plafond pour le calcul des primes d’intéressement afin d’éviter que les salariés ayant les salaires les plus hauts accaparent l’intéressement et que les salariés ayant les salaires les plus faibles ne perçoivent quasiment rien.

Cette possibilité, admise par les URSSAF (cf. Guide de l’épargne salariale), est désormais expressément prévue par le code du travail.

PLANS D'ÉPARGNE SALARIALE

À compter du 1er juillet 2024, tous les plans d’épargne salariale devront prévoir dans leur règlement la possibilité pour les salariés d’affecter leurs droits sur un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou l’investissement socialement responsable (art. L. 3332-17).

La liste des labels, leurs critères et leurs modalités de délivrance doivent être déterminées par décret.

Il conviendra d’être très vigilant et de modifier, dès la publication de ce décret, les plans actuels lorsqu’ils ne prévoient pas une telle possibilité. L’absence d’intégration d’un tel fonds serait, au regard des indications figurant dans le guide de l’épargne salariale établie par l’administration, de nature à remettre en cause les exonérations de cotisations sociales pour les sommes investies postérieurement à l’entrée en vigueur de l’obligation.

ATTRIBUTION GRATUITE D'ACTIONS

Pour limiter l’impact de l’attribution gratuite d’actions sur le contrôle et la gouvernance de la société, l’article L. 225-197-1 de commerce prévoit des plafonds, individuel et global, de distribution. Ces plafonds sont augmentés en vue de favoriser le recours à ce dispositif d’actionnariat salarié.

Les autres dispositifs légaux d’actionnariat salarié (stock-options, BSPCE) ne font l’objet d’aucune modification.

Aménagement du plafond individuel

Il ne peut actuellement pas être attribué gratuitement des actions à des salariés ou mandataires détenant chacun plus de 10 % du capital et l’attribution ne peut pas conduire à ce qu’ils détiennent chacun plus de 10 %.

La loi introduit dans le code de commerce la précision suivante : « ne sont pris en compte dans ce pourcentage que les titres de la société détenus directement depuis moins de sept ans par un salarié ou un mandataire social ».

Ainsi, les actions acquises depuis plus de 7 ans sont neutralisées pour la détermination du plafond individuel. Le législateur a souhaité ne pas pénaliser des salariés et mandataires sociaux qui ont conservé leurs actions pendant une certaine durée et ont donc investi sur le long terme dans la société.

Relèvement des plafonds généraux d’attribution d’AGA

En principe, le nombre total d’actions distribuées gratuitement ne pouvait actuellement pas dépasser 10 % du capital social à la date de la décision d’attribution. La loi porte ce plafond à 15 %.

Ce plafond global, qui était de 15 % pour les PME (au sens d’une recommandation de la commission européenne, c’est-à-dire moins de 250 salariés et moins de 50 millions CA), est porté à 20 % dans une telle hypothèse.

Le plafond, qui était de 30 % « lorsque l’attribution gratuite d’actions bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société », est porté à 40 % dans une telle hypothèse.

Un nouveau plafond intermédiaire de 30 % est, par ailleurs, introduit dans le texte dans l’hypothèse où l’AGA bénéficie à des membres du personnel « représentant au moins 25 % au total » de la masse salariale et « au moins 50 % des membres du personnel ».


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