La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise est entrée en vigueur le 1er décembre.

Ce texte crée deux nouveaux instruments collectifs de partage de la valeur permettant à l’employeur de verser aux salariés de l’entreprise des sommes exonérées de charges sociales.

Le premier instrument est destiné aux entreprises de moins de cinquante salariés qui ne sont pas légalement tenues de mettre en place un régime de participation aux résultats. Afin de les inciter à mettre en place une participation de manière volontaire, la loi permet la mise en place d’un régime basé sur une formule dérogatoire, librement déterminée, et qui peut être moins favorable que la formule légale.

Le second instrument, plus innovant, permet aux entreprises, quel que soit leur effectif, de mettre en œuvre un plan de partage de la valorisation de l’entreprise destiné à intéresser les salariés à la valorisation financière de l’entreprise et à les fidéliser.

UN RÉGIME DE PARTICIPATION DÉROGATOIRE POUR LES ENTREPRISES DE MOINS DE 50 SALARIÉS (Loi, art. 4)

Rappels

La participation est un dispositif collectif qui permet redistribution aux salariés d’une partie du bénéfice à la réalisation duquel ils ont contribué par leur activité. Elle donne lieu à une participation différée calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise et donnant lieu à la constitution d’une réserve spéciale de participation (CT, art. L. 3322-1).

Le montant de la réserve est, en principe, déterminé selon une formule légale (art. L. 3324-1) et s’il est possible de prévoir, dans l’accord de participation, une base de calcul et des modalités de calcul différentes, à condition que cet accord comporte pour les salariés des « avantages au moins équivalents » à ceux résultant de l’application de la formule légale (art. L. 3324-2). 

Si la mise en place d’un régime de participation est obligatoire pour les entreprises (ou UES) employant 50 salariés ou plus depuis cinq années civiles consécutives, les entreprises de moins de 50 salariés disposent quant à elle d’une simple faculté de mettre en œuvre, de manière volontaire, un dispositif de participation soit par accord, soit, « en cas d’échec des négociations » par décision unilatérale (art. L. 3323-6).

Jusqu’alors, le régime de participation mis en place de manière volontaire devait être conforme aux dispositions du code du travail et la mise en place d’une formule dérogatoire devait nécessairement aboutir à un résultat plus favorable que la formule légale.

Le nouveau dispositif

La loi prévoit, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de sa publication, la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de mettre en place un dispositif dérogatoire dont :

  • la formule de calcul différente de la formule légale et
  • peut aboutir à un résultat supérieur comme inférieur à cette formule.

La règle d’équivalence des avantages est écartée dans l’hypothèse où la participation est mise en place de manière volontaire.

Le texte n’impose aucune base de calcul particulière pour la détermination de la RSP et laisse une réelle liberté aux partenaires sociaux. Ceux-ci pourront choisir une formule de calcul très simple et pourront, par exemple, déterminer le montant de la réserve au regard d’un pourcentage du bénéfice.

La possibilité de dérogation ne concerne que la formule de calcul, elle ne concerne pas les autres règles en matière de participation (notamment sur la répartition de la RSP ou la disponibilité des droits des salariés).

Modalités de mise en place du nouveau dispositif dérogatoire

Le régime dérogatoire peut être mis en place :

  • soit par application d’un accord de participation conclu au niveau de la branche dans les conditions prévues à l’article L. 3322-9. L’entreprise peut ainsi adhérer soit par accord, soit par décision unilatérale à un dispositif prévu par un accord de branche agréé. Le texte prévoit qu’une négociation devra être ouverte au sein de chaque branche, au plus tard le 30 juin 2024, pour négocier un dispositif de participation dérogatoire à destination des petites entreprises ;
  • Soit par un accord de participation conclu au niveau de l’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 3322-6 (accord collectif, accord avec représentant des syndicats représentatifs, accord au sein du CSE, ratification à la majorité des 2/3 du personnel du projet proposé par l’employeur).

Un dispositif dérogatoire propre à l’entreprise ne peut pas être mis en place par décision unilatérale de l’employeur.

Dans l’hypothèse où il existe déjà un dispositif de participation volontaire applicable dans l’entreprise, un nouveau dispositif de participation dérogatoire ne peut être mis en place que par le biais d’un accord de participation.

LE PARTAGE DE LA VALORISATION DE L'ENTREPRISE (Loi, art. 10)

Caractéristiques générales

La loi crée un nouveau dispositif facultatif à caractère collectif qui a pour but d’intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de l’entreprise et de les fidéliser.

Si la valeur de l’entreprise a augmenté lors des trois années de la durée du plan, les salariés pourront bénéficier d’une prime calculée en fonction de cette augmentation, qui sera exonérée de cotisations sociales.

Le mécanisme permet d’associer les salariés à la valorisation de l’entreprise sur une période déterminée :

  • sans pour autant leur donner accès au capital (ce qui évite tout risque de dilution du capital social et tout impact sur les dividendes et la gouvernance),
  • sans aucun investissement de la part des salariés.

Champ d’application

La loi renvoie, s’agissant des entreprises concernées, au champ d’application de l’intéressement qui vise tout employeur de droit privé, mais également les personnes publiques employant du personnel dans les conditions du droit privé.

Il n’est fixé aucune condition d’effectif.

Il est également prévu la possibilité de mettre en place le dispositif au niveau d’un groupe au sens des dispositions relatives à l’épargne salariale (art. L. 3344-1 et L. 3344-2), c’est-à-dire un groupe constitué d’entreprises indépendantes mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques, pas nécessairement de liens capitalistiques.

Il conviendra, dans une telle hypothèse, d’être particulièrement vigilant quant à la détermination de la formule de valorisation du groupe.

Salariés concernés

Le dispositif a un caractère collectif et a vocation à s’appliquer à tous les salariés dès lors qu’ils remplissent deux conditions :

  • ils ont au moins un an d’ancienneté à la date de mise en place du plan accord : si l’accord peut prévoir une durée d’ancienneté inférieure, le salarié qui intègre l’entreprise et/ou qui atteint l’ancienneté requise en cours d’application du plan n’a aucun droit,
  • ils sont présents dans l’entreprise à l’expiration du plan : le dispositif poursuivant un objectif de fidélisation, le salarié qui quitte l’entreprise pendant la durée de 3 ans du plan perd tout droit à la prime.

Contrairement à ce qui existe en matière d’intéressement et de participation, la loi ne vise que les salariés et ne prévoit aucune possibilité pour les dirigeants non-salariés.

Modalités de mise en place du dispositif

Le dispositif doit être mis en place par un accord conclu selon les modalités habituelles de l’épargne salariale : accord collectif de travail, accord entre l’employeur et les représentants des organisations syndicales dans l’entreprise, accord conclu au sein du CSE ou ratification à la majorité des 2/3 d’un projet d’accord proposé par l’employeur.

Dans la mesure où le dispositif implique de définir des modalités de valorisation de l’entreprise, l’accord est établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise ou, à défaut d’un commissaire aux comptes désigné par les organes de direction à cet effet. L’intervention du commissaire aux comptes a pour finalité de s’assurer de la fiabilité des aspects financiers attachés au plan, notamment la méthode et la formule retenues pour évaluer la valeur de l’entreprise.

L’accord doit définir les modalités de calcul de la prime et la ou les dates de versement.

Comme tous les accords en matière d’épargne salariale, l’accord devra être déposé auprès de la DREETS et fera l’objet d’une procédure de contrôle préalable du dispositif par l’URSSAF et de sécurisation des exonérations sociales en l’absence d’observation dans un certain délai. Un décret doit intervenir pour préciser les modalités de cette procédure.

Durée du plan

Cette durée est impérativement de trois ans et ne peut faire l’objet d’une modulation. Une reconduction du plan peut être prévue. Les éléments relatifs à la détermination de la valorisation, au calcul et au versement de la prime permettant la reconduction doivent alors être précisés.

La loi précise qu’il ne peut pas y avoir deux PPVE en vigueur dans l’entreprise au cours d’une même période.

Les rédacteurs de l’accord devront se montrer très prudents et prévoir des stipulations relatives au sort du plan en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise.

Détermination du montant de la prime

Le dispositif présente un caractère aléatoire : la prime ne sera versée que si la valorisation financière de l’entreprise a augmenté au cours de la période entre la date de début et la date d’expiration du plan.

Le montant de la prime repose sur deux variables et correspond à l’application à un montant de référence d’un taux de valorisation de l’entreprise (lorsque celui-ci est positif).

Le montant de référence est déterminé par l’accord et permet de faire varier le montant de la prime au regard de la situation de chaque salarié. La loi prévoit que ce montant peut être modulé en fonction de trois variables : la rémunération, la classification et la durée du travail prévue au contrat de travail.

La loi ne permet d’exclure certains salariés du dispositif au-delà d’un certain niveau de rémunération. Elle ne permet pas non plus de prendre en compte d’éventuelles absence et de faire évoluer le montant de référence au regard de la durée de présence effective du salarié au cours des 3 ans.

Le taux de valorisation de l’entreprise est déterminé – sur une période de 3 ans à compter d’une date déterminée par l’accord – selon deux hypothèses :

  • si l’entreprise est cotée sur un marché réglementé, appréciation au regard de la capitalisation boursière moyenne sur les 30 jours précédant chacune des deux dates (début/expiration).
  • si l’entreprise n’est pas cotée : l’accord doit définir une « formule de valorisation », qui doit être la même au deux dates d’appréciation de la valeur, et tient compte, « selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité ». Il est précisé qu’en l’absence de formule ou si formule impossible à appliquer, la valorisation est « égale au montant de l’actif net réévalué calculé d’après le bilan le plus récent ».

Le montant maximum de la prime susceptible d’être attribué à chaque salarié est égal au ¾ du PASS. A titre indicatif, au regard du PASS pour 2024, le montant maximum serait de 34 776 €. Cependant, à supposer que des plans soient mis en place en 2024, les premières primes de partage de la valorisation de l’entreprise ne seront susceptibles d’être versées qu’à compter de 2027.

Versement de la prime

Les sommes susceptibles d’être dues au titre du PPVE devront être déterminées dans les 7 mois qui suivent l’expiration du délai de 3 ans.

Elles seront versées, selon les modalités prévues par l’accord, en une ou plusieurs fois au cours des 12 mois suivants.

Régime fiscal

En cas d’affectation des sommes perçues à plan d’épargne salariale, les sommes bloquées seront exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 5 % du montant plafond (à titre indicatif, au regard du PSS 2024, environ 1 740 €).

Régime social

Les primes versées au cours des exercices 2026 à 2028 seront :

  • exonérées de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle, du forfait social, des contributions à l’effort de construction et des contributions en matière de formation.
  • soumises à une contribution patronale spécifique de 20 % au bénéfice de la CNAV.

La loi ne prévoit pas d’exonération à la CSG et à la CRDS.


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