Introduction
Le 12 février 2025, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « Tribunal ») a rendu sa décision dans l’affaire Li v. CMR Kumra Medicine Professional Corporation.1 Dans cette affaire, le Tribunal a confirmé, entre autres, son pouvoir de redressement par l’attribution de dommages-intérêts, les conséquences du fait de ne pas donner suite à une requête fondée sur les droits de la personne, et le fait qu’il est possible d’exercer des recours auprès de différentes autorités pourvu que le fond des infractions alléguées au Code des droits de la personne (le « Code ») n’ait pas été traité de façon appropriée dans une autre instance.
Contexte
Conduite de l’employeur
La requérante, une réceptionniste, a été avisée par son employeur, pendant qu’elle était en congé de maternité, que son horaire de travail serait modifié considérablement. Plus précisément, le nombre d’heures qu’elle devait travailler allait passer de 30 heures sur 4 jours par semaine à 45 heures sur 5 jours par semaine. Lors de son retour au travail, la requérante a aussi été confrontée à un environnement de travail hostile où son employeur lui donnait des tâches supplémentaires sans lui offrir la formation adéquate et la réprimandait devant les patients. Elle a également reçu des messages texte agressifs d’une nouvelle collègue. Enfin, la requérante a été informée par l’employeur qu’elle était réaffectée à un poste différent dans un nouvel emplacement pour 30 heures par semaine. La requérante a refusé d’accepter les changements, alléguant un congédiement déguisé.
Plainte de la requérante selon les normes d’emploi
Par suite du congédiement déguisé allégué, la requérante a déposé une plainte selon les normes d’emploi auprès du ministère du Travail alléguant une violation de ses droits en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « Loi »). Un agent des normes d’emploi (l’« agent ») a rendu une décision concluant que la requérante avait été victime d’un congédiement déguisé par l’employeur, et celle-ci s’est vue accorder une indemnité de cessation d’emploi de 6 188,00 $ en vertu de la Loi. Dans sa décision, l’agent a décidé de ne pas se pencher sur les plaintes d’atteinte aux droits de la personne de la requérante, indiquant qu’elles n’entraient pas dans le champ d’application de la Loi et que la requérante avait « absolument le droit de déposer une requête auprès du Tribunal des droits de la personne ».
Plainte de la requérante pour atteinte aux droits de la personne
La requérante a ensuite déposé une requête auprès du Tribunal, dans laquelle elle alléguait que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de son sexe, incluant le harcèlement sexuel, de sa grossesse et de son état familial, en contravention avec le Code. Le Tribunal a rendu une décision provisoire qui prenait l’employeur en défaut pour avoir omis de donner suite à la requête. En conséquence, l’employeur a été réputé avoir accepté toutes les allégations mentionnées dans la requête et avoir renoncé à tous ses droits d’avis ou de participation, et l’employeur a été privé du droit de recevoir tout avis ultérieur concernant la requête.
La requérante a fait valoir que le fond de sa requête n’avait pas été abordé dans le cadre de sa plainte selon les normes d’emploi. Ainsi, la requérante a fait valoir que le Tribunal avait un pouvoir de redressement, en vertu du paragraphe 45.2 (1) du Code, lui permettant d’accorder des dommages-intérêts i) pour la perte de salaire et ii) à titre d’indemnité pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.
La loi
En vertu de l’article 45.1 du Code, le Tribunal peut rejeter une requête, en tout ou en partie, s’il estime que le fond de la requête a été traité de façon appropriée dans une autre instance.
En outre, le paragraphe 45.2(1) du Code définit les pouvoirs de redressement du Tribunal, soit d’ordonner le versement d’une indemnité à la partie lésée pour la perte consécutive à l’atteinte, y compris une indemnité pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.
La décision
Le Tribunal a déterminé que, bien qu’il eût été du ressort de l’agent de se pencher sur les requêtes en vertu du Code de la requérante, cette dernière n’avait pas eu l’occasion de présenter ses arguments pour obtenir des dommages-intérêts au titre des droits de la personne. En conséquence, comme l’agent a refusé de traiter les requêtes en vertu du Code et conseillé à la requérante de demander réparation au Tribunal, l’article 45.1 du Code ne s’appliquait pas pour rejeter la requête.
Dans son évaluation des éléments de preuve présentés par la requérante, le Tribunal a déterminé qu’il y avait eu atteinte aux droits de la requérante protégés par le Code lorsque : i) l’employeur l’a privée de la possibilité de reprendre le poste qu’elle occupait avant son congé de maternité en augmentant ses heures de travail hebdomadaires et ii) l’employeur l’a mutée à un autre poste dans un bureau différent afin d’offrir son emploi à une collègue.
En ce qui concerne les dommages-intérêts, le Tribunal a réitéré que l’attribution d’une indemnité pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi reconnaît la valeur intrinsèque de l’absence de discrimination et de l’expérience de victimisation. La requérante ayant souffert d’anxiété et de dépression et subi l’échec de son mariage en raison de la conduite de son employeur, le Tribunal a déterminé que la requérante méritait une indemnité à l’extrémité supérieure de la fourchette pertinente de dommages-intérêts. En outre, le Tribunal a confirmé qu’il pouvait aussi accorder le montant quantifiable de la perte de revenus que la requérante avait subie après son congédiement déguisé (moins l’indemnité de cessation d’emploi déjà ordonnée par l’agent).
Finalement, le Tribunal a ordonné à l’employeur de verser à la requérante i) 23 359,00 $ en salaire perdu à la suite du congédiement déguisé et ii) une indemnité monétaire de 20 000,00 $ pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi de la requérante.
Principaux points à retenir pour les employeurs
- Les plaintes pour atteinte aux droits de la personne ne peuvent être ignorées : Les employeurs qui omettent de donner suite aux requêtes fondées sur les droits de la personne seront réputés i) avoir accepté toutes les allégations mentionnées dans la requête; ii) avoir renoncé à tous leurs droits de participation à de telles procédures, et iii) n’auront le droit de recevoir aucun avis ultérieur concernant la requête.
- Des recours peuvent être exercés auprès de différentes autorités : Pourvu que le fond des infractions alléguées au Code n’ait pas été traité de façon appropriée dans une autre instance, une plainte pour atteinte aux droits de la personne peut aller de l’avant même si une plainte relative aux normes d’emploi ou une poursuite pour congédiement injustifié est en instance.
- Changements apportés à l’emploi pendant des congés visés par le Code : Les employeurs doivent être prudents lorsqu’ils apportent des modifications à un poste pendant que l’employé est absent pour un congé visé par le Code.
- Un congédiement déguisé peut donner lieu à des contestations judiciaires supplémentaires : Les employeurs doivent tenir compte des conséquences de leurs actions et des contestations judiciaires qui pourraient avoir lieu dans le contexte d’un congédiement déguisé.
- Les attributions de dommages-intérêts peuvent être importantes : Le Tribunal peut accorder des dommages-intérêts importants en cas d’infractions au Code, y compris la perte de salaire et une indemnité pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.
- Li v. CMR Kumra Medicine Professional Corporation, 2025 HRTO 399, CanLII.
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