Article initialement publié dans le numéro du printemps de Canadian Mining Magazine.

Il est difficile d’imaginer une période plus stimulante, voire plus extraordinaire, dans le secteur minier.

Le Canada possède d’abondantes réserves de minéraux critiques, en grande partie inexploitées, qui sont essentielles à la sécurité nationale et à l’exploitation des technologies modernes et propres qui soutiendront la croissance économique et la prospérité futures du monde.

L’industrie minière canadienne, qui emploie directement et indirectement 694 000 personnes et extrait plus de 60 minéraux et métaux, contribue à hauteur de 161 milliards de dollars canadiens au PIB du pays et représente 21 % des exportations totales. Selon Ressources naturelles Canada, les États-Unis, notre principal acheteur, ont importé pour 84 milliards de dollars de minéraux en 2023, dont 30 milliards de dollars de minéraux critiques.

En effet, près de 60 % des minéraux critiques du Canada sont exportés vers nos voisins du sud. Pas moins de 80 % des importations américaines de potasse proviennent du Canada, la Saskatchewan comble 27 % de leurs besoins en uranium, tandis que le Québec et la Colombie-Britannique fournissent 70 % de leur aluminium. Les États-Unis dépendent également du nickel du nord de l’Ontario, de même que du zinc et du germanium de la Colombie-Britannique pour combler les besoins de leurs forces armées.

Les Américains doivent accroître leurs importations auprès de sources sûres et fiables comme le Canada pour alimenter leur économie et répondre aux exigences grandissantes des centres de données et de l’intelligence artificielle en matière d’énergie. Ils tentent également de réduire leur dépendance à l’égard de la Russie pour l’uranium, bien qu’ils importent toujours environ 12 % de leur uranium naturel et 27 % de leur uranium enrichi selon la U.S. Energy Information Administration (les États-Unis ont cependant interdit les importations en provenance de la Russie, bien que cette interdiction puisse être levée dans certaines circonstances d’ici la fin de 2027).1,2

À la lumière de ces chiffres, il n’est pas surprenant que le président américain Donald Trump soit obnubilé par son voisin du nord.

Son style de gestion pourrait bien être le catalyseur dont le Canada a besoin pour enfin s’attaquer aux préoccupations de longue date du secteur minier.

C’est le moment de saisir l’occasion, de voir grand et d’agir rapidement.

Obstacles à la croissance

Les plus grands obstacles à la croissance des sociétés minières sont bien connus : la réglementation, les processus de délivrance de permis, longs et coûteux, ainsi que l’accès aux capitaux.

Selon notre sondage « Creuser plus loin », les dirigeants du secteur minier à l’échelle mondiale s’entendent pour affirmer que le développement de nouvelles mines est une tâche titanesque en raison de la lourdeur et de la complexité des exigences relatives à la réglementation et à la conformité, des attentes accrues en matière de performance environnementale, sociale et de gouvernance, des progrès technologiques rapides et de la concurrence pour attirer et retenir les talents. Et tout cela, en plus du défi inhérent à la découverte d’un filon et au temps requis pour l’exploiter!

Les délais et les efforts nécessaires à l’obtention des permis demeurent aussi un enjeu de taille : selon le rapport publié par S&P Global en juin 2024, il faut compter en moyenne 27 ans au Canada pour lancer la production d’une mine.

Pour accélérer le développement des mines et aider à réduire les coûts, les sociétés minières et les différents paliers gouvernementaux doivent collaborer plus étroitement afin d’harmoniser et de simplifier les processus d’obtention de permis et les mécanismes connexes. Même si les gouvernements se sont déjà engagés à réduire les obstacles, les sociétés minières souhaitent une action plus rapide en regard des récents événements géopolitiques.

Les dirigeants du secteur minier ont confié à KPMG que l’acceptabilité sociale est à la fois un défi et une occasion.

Les Premières Nations doivent participer aux discussions, dès le début de tout projet. Leur participation est essentielle au succès.

De plus en plus, les sociétés minières tiennent compte de la durabilité et de la protection de l’environnement, mettent en œuvre des contrôles de santé et de sécurité de pointe et des technologies minières numériques, dont des modèles d’IA, pour trouver des gisements et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le secteur minier est complexe. La découverte d’un gisement prometteur ne mène nulle part si le minéral ne peut être extrait ou commercialisé de manière économique et efficace. Pour être rentable, une mine requiert une infrastructure solide, un réseau de transport (routes, accès ferroviaire, installations portuaires), une alimentation en électricité adéquate et un système de gestion de l’eau.

L’accès aux capitaux est un problème récurrent pour les petites sociétés minières, et cet enjeu pousse certaines à envisager de s’installer aux États-Unis, où les marchés financiers sont les plus développés de la planète et où, sous l’administration Trump, les taux d’imposition des sociétés pourraient être extrêmement bas.

Même si le Canada a depuis longtemps mis en place des mécanismes fiscaux pour encourager l’exploration minière et la mise en valeur des ressources minérales, des politiques fiscales fédérales et provinciales plus novatrices sont nécessaires pour stimuler l’investissement et attirer de nouveaux capitaux.

Explorer d’autres solutions

Une guerre tarifaire engendre de l’incertitude, accroît la volatilité du prix des marchandises et de la valeur des actions boursières et fait augmenter les coûts en général. L’incidence sur les propriétaires d’entreprise variera en fonction des marchandises et de la chaîne d’approvisionnement, et elle pourrait être positive, car la hausse des prix et les taux de change favorables aident à compenser les droits de douane plus élevés. Certains devront peut-être vendre, former des alliances stratégiques ou trouver des partenaires pour fonder une coentreprise. D’autres pourraient devoir cesser leurs activités.

Cependant, il ne fait aucun doute que cela créera de l’instabilité et engendrera le besoin d’anticiper continuellement les répercussions potentielles sur les entreprises.

Je m’attends à une augmentation des fusions-acquisitions et des partenariats stratégiques alors que les entreprises chercheront à obtenir les fonds nécessaires pour prendre de l’expansion et composer avec les turbulences géopolitiques.

À l’instar d’autres exportateurs, les sociétés minières évaluent actuellement leurs stratégies opérationnelles pour atténuer leur exposition aux politiques commerciales américaines et à une éventuelle récession. Certaines sociétés explorent également d’autres marchés que les États-Unis pour éviter les droits de douane imposés, poussées par la certitude que génère l’immense demande de minéraux critiques provenant de l’Europe et de l’Asie.

Toutefois, la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement comporte des risques, et les obligations contractuelles doivent être évaluées avec soin. Ainsi, les organisations devraient procéder à une évaluation dynamique des risques d’entreprise, y compris l’efficacité des contrôles sur les chaînes d’approvisionnement, les flux de trésorerie et la rentabilité. Elles devraient également tester des scénarios avec différentes variables pour évaluer les déclencheurs et les dépendances.

La menace des États-Unis d’imposer d’autres droits de douane a également mis en lumière la nécessité de renforcer notre capacité de transformer les métaux.

L’an dernier, une société minière appartenant au milliardaire australien Andrew Forrest a dévoilé son intention de construire à Sudbury la première usine de traitement de nickel à faible empreinte carbone au Canada. L’usine traitera le minerai extrait de la ceinture minérale du Cercle de feu du nord de l’Ontario et comblera une lacune importante dans la chaîne d’approvisionnement des batteries pour véhicules électriques du Canada.

Je suis convaincue que les sociétés minières canadiennes sauront surmonter l’incertitude économique causée par les droits de douane. La dépréciation du dollar canadien par rapport à son homologue américain pourrait servir de tampon à l’égard des droits de douane imposés, ce qui pourrait aussi accroître les profits de certaines sociétés.

Le prix de l’or atteint de nouveaux sommets : Goldman Sachs Group a récemment revu ses prévisions à 3 100 $ l’once d’ici la fin de l’année, invoquant la ruée des banques centrales sur le précieux métal et l’expansion du marché des fonds négociés en bourse.

En dépit des difficultés, l’espoir fait vivre.

Le secteur minier est résilient. Mais il aura besoin d’aide : la presque totalité (98 %) des dirigeants du secteur minier canadien ont déclaré, dans le cadre d’un sondage réalisé par KPMG le printemps dernier, qu’il faut plus d’investissements, un engagement gouvernemental solide et des politiques fiscales favorables pour soutenir la croissance du secteur. Même si les sociétés se préparent à la tempête qui s’annonce, la question est de savoir quelle place occupera le secteur dans l’édification d’un Canada plus fort et plus résilient.

L’avenir nous appartient

Les sociétés minières réussiront-elles à exporter les minéraux critiques vers des marchés autres que les États-Unis? Les grandes sociétés minières et de raffinage recevront-elles davantage d’investissements? Dans quelle mesure est-il possible de bâtir rapidement une réserve stratégique de minéraux critiques au Canada? Le Canada peut-il envisager le développement de ses gisements stratégiques sans disposer d’une capacité nationale de raffinage et de traitement? Le Canada et les États-Unis investiront-ils conjointement dans des mégaprojets nord-américains de minéraux critiques?

Le temps nous le dira.

Mais c’est à nous que l’avenir appartient.


  1. Uranium Marketing Annual Report, U.S. Energy Information Administration, June 6, 2024
  2. U.S. Ramps Up Hunt for Uranium to End Reliance on Russia, Ivan Penn and Rebecca F. Elliot, The New York Times, Sept. 30, 2024

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