Texte initialement publié dans le Globe and Mail

Au lendemain de la pire saison de feux de forêt de l’histoire du Canada, il n’a jamais été aussi pressant pour les entreprises canadiennes de lutter contre les changements climatiques. Nous n’avons pas encore de données sur le coût réel des feux de forêt et des récents phénomènes météorologiques extrêmes, mais nous savons que ceux-ci ont eu des répercussions considérables sur notre vie, nos moyens de subsistance et notre économie.

Les catastrophes climatiques dévastatrices deviennent de plus en plus la règle plutôt que l’exception, un point sur lequel les chefs de la direction canadiens s’entendent. En effet, l’enquête Perspective des chefs de la direction 2023 de KPMG International a révélé que les trois quarts des chefs d’entreprise du Canada pensent que les catastrophes naturelles et les phénomènes météorologiques extrêmes nuiront à la prospérité de leur organisation dans les trois prochaines années.

L’incertitude qui découle des changements climatiques pose aux entreprises canadiennes plusieurs obstacles complexes, notamment la nécessité de mettre en place des plans d’adaptation et de résilience au climat. Pour minimiser les changements climatiques, les gouvernements et les autres parties prenantes exigent des entreprises qu’elles prennent des mesures pour réduire leurs émissions. Or, en exploitant les données et les technologies numériques, les entreprises pourront trouver les moyens les plus efficaces de décarboner leurs activités.

C’est là que l’intelligence artificielle (IA) peut jouer un rôle crucial.

Bien que son déploiement ne fasse que commencer, l’IA peut assimiler des quantités massives de données complexes non structurées et fournir des interprétations et des prédictions, ce qui en fait un outil important de décarbonation. Elle aide déjà les entreprises à faire des choix judicieux dans le cadre de la transition vers des activités à faibles émissions de carbone, particulièrement en ce qui concerne la mesure, le suivi et la prévision des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

Déceler, suivre et prévoir les émissions

L’élaboration d’une stratégie de décarbonation efficace nécessite des informations précises en temps réel sur l’origine et l’intensité des émissions.

Pour cela, il faut examiner les émissions qu’une entreprise produit directement (champ d’application 1) et l’énergie achetée pour alimenter ses activités, comme l’électricité et la chaleur (champ d’application 2). De plus, on s’attend de plus en plus des entreprises qu’elles s’attaquent en amont et en aval aux émissions qui proviennent d’autres aspects de leurs activités, y compris leurs placements, leurs fournisseurs et même le traitement en fin de vie des produits vendus (champ d’application 3).

Malgré l’imposant volume d’informations à saisir et à mettre en correspondance, les lacunes dans les données sur les émissions sont un problème courant que l’IA est bien placée pour résoudre.

Sa capacité à collecter et à consolider rapidement des données de qualité provenant de diverses sources, comme les appareils IdO, les compteurs d’énergie, les itinéraires de transport, les données météorologiques historiques et l’imagerie par satellite, permet aux organisations de comprendre mieux que jamais leur empreinte carbone.

Grâce à une mise en correspondance plus précise et intégrée des émissions de GES, les algorithmes de l’IA peuvent analyser les émissions sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’une entreprise. Ensuite, l’IA peut prédire et modéliser de multiples variables afin de déterminer la progression potentielle des émissions dans divers scénarios. Cela permet d’accéder rapidement à des informations fondées par les données qui permettent de mieux éclairer les décisions d’une entreprise pour atteindre ses objectifs de décarbonation et, finalement, obtenir de meilleurs résultats.

Pour maximiser le potentiel de l’IA, il faut se concentrer sur deux éléments clés : conserver les données en bon état et améliorer constamment les modèles d’IA afin d’optimiser les prédictions.

Lorsque vous aurez un portrait complet de l’origine de vos émissions, il sera plus facile de les suivre en temps réel pour prédire les futures tendances et, surtout, trouver des efficiences qui favorisent la décarbonation.

Les organisations reconnaissent de plus en plus le pouvoir de l’IA dans les activités suivantes :

  • Optimisation de l’énergie : Pour gérer la production d’énergie au niveau des actifs, les entreprises exploitent déjà l’IA dans les systèmes de construction pour suivre les tendances d’utilisation du système de chauffage, de ventilation et de climatisation et de l’éclairage ou pour mettre en place des zones climatiques automatisées afin de minimiser la consommation d’énergie.
  • Modernisation du réseau électrique : Il est possible de réduire les émissions dans l’ensemble de vos activités à grande échelle en utilisant l’IA pour prévoir la disponibilité optimale des sources d’énergie renouvelable (comme l’énergie solaire ou éolienne), gérer les microréseaux pour stocker l’énergie inutilisée ou excédentaire et suivre les habitudes de consommation d’électricité à des fins d’efficacité. Par exemple, une entreprise d’électricité et de services publics pourrait exploiter l’IA pour suivre les habitudes d’utilisation de l’énergie des consommateurs et déterminer les périodes de pointe beaucoup plus rapidement qu’avec les méthodes traditionnelles, ce qui raccourcirait la boucle de rétroaction. L’accès à des informations en temps réel sur la demande se traduit par des processus d’approvisionnement en énergie plus intelligents qui maintiennent les émissions au minimum.
  • Optimisation des transports : Grâce à des algorithmes d’optimisation des itinéraires alimentés par l’IA, les entreprises peuvent réduire la consommation de carburant de leur parc selon l’analyse du trafic, les conditions météorologiques et la charge des véhicules ou trouver l’itinéraire le plus efficace et le plus respectueux de l’environnement parmi les différents modes de transport disponibles, qu’il s’agisse d’un bateau, d’un avion, d’un train de marchandises ou d’un camion.
  • Optimisation de la chaîne d’approvisionnement : Les émissions du champ d’application 3 sur votre chaîne d’approvisionnement sont parmi les plus difficiles à suivre, et dans de nombreux secteurs d’activité, la plupart de leurs émissions appartiennent à cette catégorie. Il est donc très important de choisir des fournisseurs qui s’alignent sur vos objectifs de décarbonation. La recherche de sources durables est stimulée par la capacité de l’IA à définir les mesures de durabilité d’un fournisseur, de ses politiques environnementales à ses processus de fabrication, en passant par l’importance qu’il accorde aux pratiques d’économie circulaire comme la minimisation des émissions et des déchets.

Dans le cadre de l’évolution de l’intelligence artificielle, l’IA générative sera un outil clé pour examiner les options de décarbonation, y compris la facilitation de la transmission des connaissances et l’analyse des sources d’énergie de rechange disponibles.

Il n’y a aucune technologie pouvant résoudre à elle seule tous les problèmes de décarbonation. Il est important que les entreprises souhaitant utiliser l’IA dans leur stratégie de décarbonation choisissent une IA responsable et prennent en compte l’empreinte carbone de l’IA elle-même. Toutefois, l’IA, l’une des technologies de rupture les plus importantes au monde, a un rôle essentiel à jouer dans l’atténuation du changement climatique, et il y a urgence d’agir. Les entreprises doivent exploiter ses puissantes capacités pour accélérer la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone.

Andrew McHardy est associé et leader national du Centre de décarbonation de KPMG au Canada, et Ally Karmali est associé et leader national, Données et technologies ESG chez KPMG au Canada.