​​​​​Traduction française de l’article paru dans le Toronto Star

Détenez-vous un prêt hypothécaire? Dans l’affirmative, il est fort probable que vous constatiez une augmentation du montant de vos paiements au cours des trois prochaines années – et peut-être avez-vous déjà remarqué une hausse.

Si vous avez un prêt hypothécaire à taux variable assorti de paiements fixes, vous pourriez observer une montée de 40 % du montant de vos paiements au renouvellement de votre prêt.

Si vous possédez plutôt un prêt hypothécaire à taux fixe, vous pourriez faire face à une hausse de 20 à 25 % au cours des trois prochaines années. C’est ce qui ressort de la plus récente Revue du système financier publiée par la Banque du Canada au mois de mai dernier, avant qu’elle n’augmente le taux d’intérêt de référence de 25 points de base le 7 juin, le faisant passer à 4,75 %, puis de 25 points de base supplémentaires le 12 juillet, le taux atteignant ainsi 5 %.

Maintenant, après des hausses consécutives du taux d’intérêt, de nombreux Canadiens dotés d’un prêt hypothécaire à taux variable se penchent sur les conséquences d’un éventuel franchissement du « seuil de déclenchement » (lorsque le taux d’intérêt augmente à un point tel que le paiement mensuel ne suffit plus pour couvrir les intérêts) et les répercussions, s’il y en a, sur le marché canadien du logement dans les années à venir.

Bien que les économistes nous préviennent de ce risque et de son incidence potentielle depuis des années – et surtout récemment, en ces temps de hausses –, il y a lieu de faire preuve d’un optimisme prudent grâce aux solides assises sur lesquelles repose le système canadien de financement du logement.

En ce qui concerne la gestion des risques dans le secteur du logement, il est important de faire la distinction entre les risques spécifiques et systémiques. Le premier type représente les risques individuels et aléatoires auxquels s’expose le système de logement jour après jour. Ils se produisent pour raisons, mais sont difficiles à diversifier en raison de leur nature individuelle.

Les risques systémiques, eux, sont liés aux mouvements de grande envergure au sein du marché, comme ceux décrits par les économistes lorsqu’ils font référence aux augmentations des taux hypothécaires et à leur incidence sur les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable et fixe. Ces risques sont de nature plus générale et, dans une certaine mesure, collective, puisqu’ils sont susceptibles d’entraîner des répercussions auprès d’un plus grand nombre de Canadiens à la fois. Heureusement, le système canadien de financement du logement est axé sur l’atténuation des risques systémiques.

Un fait peu connu est qu’il existe des mesures d’atténuation intégrées qui aident les détenteurs de prêts hypothécaires et les institutions financières à réduire les risques systémiques auxquels ils pourraient faire face. Ces mesures permettent notamment :

  • de réamortir les prêts hypothécaires sur une période plus longue (plus longue encore que les 25 ans habituels) afin de réduire les paiements mensuels
  • de reporter les paiements hypothécaires pour une courte période
  • de reporter un paiement manqué sur la période de remboursement totale
  • de convertir un taux hypothécaire variable en un taux fixe afin de se protéger contre d’autres hausses de taux.

Dans le budget fédéral de 2023, le gouvernement du Canada a reconnu qu’une sensibilisation accrue à ces mesures serait bénéfique, et il s’est engagé à les mettre en lumière en publiant des lignes directrices visant la protection des détenteurs canadiens de prêts hypothécaires aux prises avec des circonstances exceptionnelles.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), organisme fédéral responsable de l’habitation, offre aussi plusieurs outils pour aider le système de financement du logement à traverser des périodes difficiles. En 2008 et en 2009, la SCHL est intervenue pour s’assurer que les prêteurs hypothécaires disposaient de liquidités suffisantes pour faire face à la crise des « subprimes », ou prêts hypothécaires à risque, aux États-Unis. Une fois cette situation réglée, la SCHL a réduit son exposition au marché hypothécaire canadien, conservant toutefois une part de marché appréciable, afin de permettre aux assureurs du secteur privé de jouer un rôle plus important.

Cependant, au besoin, la SCHL pourrait participer à la stabilisation du système canadien de financement du logement et aider le marché à faire face à de la volatilité en cette ère de taux hypothécaires plus élevés, puisqu’elle bénéficie du soutien du gouvernement fédéral (et de son avantageuse cote de crédit AAA).

L’été prochain marquera une étape importante pour le marché canadien du logement étant donné que nous entrerons dans la période où les effets de la majeure partie des hausses de taux d’intérêt de l’année précédente commenceront à se faire sentir. En effet, les augmentations les plus marquées se sont produites à l’été 2022, et il faut habituellement attendre près d’un an pour constater l’incidence totale de tels changements sur l’économie.

Néanmoins, les Canadiens sont en bonne position pour gérer leurs finances personnelles et leur exposition au marché du logement : le marché du travail au Canada demeure stable, ce qui signifie que les Canadiens sont en mesure de jongler avec leurs dépenses discrétionnaires et non discrétionnaires. En outre, l’inflation suit sa tendance modérée, s’établissant récemment en dessous de 3 %.

Compte tenu de données récentes sur le logement qui indiquent une croissance à l’échelle du pays (le dernier rapport de l’Association canadienne de l’immobilier indique que les ventes résidentielles ont bondi de 5,1 % d’un mois à l’autre en mai), le Canada ne se trouve pas dans une situation où les mesures mentionnées ci-dessus doivent être mises en place de façon générale.

Et ce, car le système canadien de financement du logement saura faire face aux intempéries.

Mathieu Laberge est associé et leader en matière d’économie et de politique au sein de KPMG au Canada. Auparavant, il occupait le poste d’économiste en chef à la SCHL, où il prodiguait des conseils relativement à la Stratégie nationale sur le logement.

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