Article initialement publié dans le magazine Canadian Defence Review

La décarbonation est au cœur des projets du milieu de la défense. Les militaires sont sans conteste de gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES). Selon de nouvelles estimations, ils comptent pour 5,5 % des émissions mondiales.1

La hausse importante des dépenses militaires mondiales au cours des deux dernières décennies (jusqu’à plus de 2,1 billions de dollars US en 2021) rend extrêmement difficile la décarbonation dans le secteur de l’aérospatiale et de la défense, mais pas impossible.2 À moins de prendre des mesures, le secteur continuera de contribuer grandement aux émissions mondiales de dioxyde de carbone d’ici 2050.

À l’échelle mondiale, des pressions s’exercent pour que les militaires adoptent des plans de décarbonation. Il est fort probable que ces plans de transition soient bientôt obligatoires dans bon nombre de pays développés. Les fabricants du secteur sont aussi soumis aux pressions croissantes des gouvernements (dont les ministères de la défense), et à celles de la clientèle, des investisseurs, du personnel et d’autres parties prenantes des transporteurs aériens. Ils mettent donc au point des stratégies de décarbonation en vue d’atténuer les émissions de GES et d’atteindre leurs cibles de carboneutralité.

La réduction des émissions dans l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur de l’aérospatiale et de la défense sera essentielle à la décarbonation de celui-ci. Les éléments de la chaîne de valeur consistent avant tout à améliorer la qualité des produits en rehaussant la gestion des programmes, à accroître l’efficacité des processus pour réduire les coûts, ainsi qu’à concevoir puis à produire du matériel de défense et des avions « plus écologiques » destinés aux utilisateurs finaux.

Les secteurs public et privé s’emploient déjà activement à améliorer l’imputabilité et à adopter des normes communes de comptabilisation, de déclaration et de réduction des émissions.

Le secteur dispose de quatre leviers importants pour activer la réduction des émissions de GES : améliorer l’efficience énergétique, consommer un carburant d’aviation durable (CAD), mettre au point des technologies de rechange et recourir à la compensation carbone.
Bon nombre d’entreprises concluent des contrats d’énergie renouvelable et réduisent leur consommation d’énergie pour réduire les émissions. La transition vers la carboneutralité englobe aussi une foule d’autres enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comme les produits et services durables, la santé et la sécurité des clients, les déchets et le recyclage ainsi que l’impact sur les collectivités.

Un plan en quatre points

Voici brièvement les grandes mesures à prendre par le secteur de l’aérospatiale et de la défense dans son parcours vers la carboneutralité :

  • Premièrement, quantifier et analyser le profil des émissions de l’organisation dans l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris les émissions de portée 3, en collaborant avec des fournisseurs et des coalitions sectorielles. Les émissions de portée 3, ou indirectes, représentent près de 70 % des émissions du secteur. Produites par le fonctionnement ou l’utilisation du matériel et des systèmes compris dans diverses pièces fabriquées, elles ne sont pas provoquées par l’entreprise elle-même, ni par une entité qui lui appartient ou qu’elle contrôle.
  • Deuxièmement, travailler avec des fournisseurs de tous les niveaux et les encourager à établir leurs propres cibles de réduction des émissions.
  • Troisièmement, mettre au point des avions écoénergétiques et veiller à ce que les CAD soient techniquement et commercialement viables.
  • Quatrièmement, investir dans des technologies propres pour activer la décarbonation dans le secteur.

Pour réduire les émissions, les fabricants d’équipement d’origine investissent déjà dans la mise au point de nouveaux avions et moteurs électrique et à hydrogène; ainsi, un important avionneur a réaffirmé récemment son intention de lancer un avion commercial à hydrogène d’ici 2035.3 En vertu d’un partenariat public-privé, la NASA et un autre grand avionneur ont annoncé récemment leur collaboration en vue de construire et de tester un monocouloir à faibles émissions, dont le premier vol d’essai aura lieu en 2028.4

Certains pays prévoient aussi adopter des avions militaires moins énergivores, électriques et à hydrogène pour décarboniser leur parc aérien. Par exemple, la Royal Air Force du Royaume-Uni, qui veut devenir la première force aérienne carboneutre du monde d’ici 2040, a récemment testé le RAF Voyage, variante militaire de l’Airbus A330, alimenté entièrement par un CAD.5

Les CAD sont considérés comme la façon la plus rapide de décarboniser sans devoir modifier considérablement l’infrastructure des avions ou du matériel. Comparativement aux carburéacteurs classiques qu’ils remplacent, les biocarburants peuvent réduire en moyenne les émissions de carbone dans une proportion pouvant atteindre 80 % selon la matière première et la technologie utilisées pour les produire.6 En 2020, le gouvernement britannique a révisé ses normes relatives aux carburants d’aviation pour les avions militaires en permettant l’ajout d’un CAD au carburéacteur jusqu’à concurrence de 50 %, comme c’est le cas dans le secteur de l’aviation commerciale.7

L'an dernier, le secteur canadien de l’aviation s’est mobilisé pour fonder le Conseil canadien des carburants d’aviation durables (C-SAF) afin d’accélérer l’adoption des CAD au Canada.8 Tous les pays auront toutefois du mal à atteindre les objectifs ambitieux d’ajout de CAD aux carburéacteurs en raison de la disponibilité limitée des matières premières. Si les CAD représentent une option rapide, il reste cependant beaucoup à accomplir pour faire avancer les choses.

Le succès du parcours vers la décarbonation dépend de la collaboration des parties prenantes, d’un engagement réel, d’un investissement suffisant et d’un plan de transition judicieux et bien défini.

1 Conflict and Environment Observatory, « Estimating the Military’s Global Greenhouse Gas Emissions », novembre 2022.
2 Statista.
3 Airbus, « Airbus reveals hydrogen-powered zero-emission engine », 30 novembre 2022.
4 Bloomberg, « Boeing Hints New Jet It’s Testing With NASA Could Replace 737 Max », 25 janvier 2023.
5 Ministère de la Défense du Royaume-Uni, « Royal Air Force completes world-first sustainable fuel military transporter flight », 18 novembre 2022.
6 Ibid.
7 Ibid. et IATA.
8 Conseil canadien des carburants d’aviation durables.

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