Sommaire

Dans l’arrêt Brown c. Canada,1 la Cour d’appel fédérale a fourni des indications supplémentaires sur le critère de la source de revenu reformulé sur la base de sa récente décision dans l’arrêt Paletta.2 Le critère de la source de revenu est fondamental en droit fiscal canadien. En effet, il ne peut y avoir d’imposition sans revenu et, sauf certaines exceptions, il ne peut y avoir de revenu sans source. S’agissant de la première question relative au critère de la source, à savoir si l’activité comporte un aspect personnel ou récréatif, la Cour d’appel a statué qu’une raison personnelle de mener une activité ne permet pas, à elle seule, de la considérer comme une démarche personnelle. Il a donc été conclu que l’activité de M. Brown était dépourvue d’aspect personnel.La Cour a ensuite examiné la deuxième question, à savoir si l’activité était exercée en vue de réaliser un profit (ce qu’elle considère comme une condition nécessaire pour le critère de la source de revenu). Selon la Cour d’appel, les éléments de preuve démontraient la recherche d’un profit par M. Brown. Elle a renvoyé la question à la Cour canadienne de l’impôt pour déterminer si les dépenses déclarées étaient déductibles.

Contexte

En avril 2010, le contribuable Darrell Brown et sa femme, Lyudmila Bezpala-Brown, ont ouvert une galerie d’art à Toronto. Au départ, la galerie d’art était administrée principalement par Mme Bezpala-Brown et une de ses amies. À l’époque, M. Brown, qui est avocat, a offert des services limités de gestion et d’administration à la galerie.

En septembre 2010, Mme Bezpala-Brown est tombée malade, puis enceinte peu de temps après, et n’était plus en mesure de s’occuper de la galerie. M. Brown s’est donc davantage impliqué dans l’activité de la galerie. Au début de l’année 2011, il a été officiellement retenu pour fournir des services de gestion. La rémunération versée à M. Brown correspondait à des frais de gestion équivalant à 20 % du montant du revenu annuel de la galerie qui dépassait 100 000 $.

M. Brown a fourni des services de gestion à la galerie en 2011, 2012 et 2013, et pour chaque année, la galerie n’a pas généré suffisamment de revenus pour déclencher un paiement à M. Brown. La galerie a subi des pertes au cours de chacune des années en cause. M. Brown a déduit des pertes autres que des pertes en capital de 90 696 $ pour 2011, de 115 200 $ pour 2012 et de 113 932 $ pour 2013 (des montants surévalués d’après ses propres aveux).

Le ministre a émis à l’égard de M. Brown une nouvelle cotisation afin de refuser la déduction des pertes autres que des pertes en capital réclamées au motif que ses activités de services de gestion ne constituaient pas une source de revenu et que les montants réclamés à titre de dépenses n’étaient pas raisonnables.

Décision de la Cour canadienne de l’impôt

La Cour canadienne de l’impôt (« CCI ») a rejeté l’appel formé par M. Brown au motif qu’il n’avait pas de source de revenu d’entreprise au cours des années d’imposition visées par l’appel. La CCI a conclu que l’activité de M. Brown comportait un aspect personnel et qu’elle n’était pas exercée de manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu d’entreprise.3

En appliquant le critère de la source de revenu de l’arrêt Stewart 4 et en appréciant les éléments de preuve, la CCI a conclu que les activités de M. Brown comportaient un aspect personnel, puisqu’il n’a commencé à fournir des services de gestion à la galerie qu’en raison des problèmes de santé de Mme Bezpala-Brown. La CCI a également conclu, à la lumière des éléments de preuve, que les activités de M. Brown n’étaient pas exercées de manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu d’entreprise.

M. Brown a interjeté appel de la décision de la CCI.

Décision de la Cour d’appel fédérale

Le juge Webb de la Cour d’appel fédérale (« CAF ») a accueilli l’appel de M. Brown et a statué que la CCI avait commis une erreur de droit dans son interprétation de l’arrêt Stewart. Plus précisément, la CCI a erré en mettant l’accent sur les raisons personnelles qui ont motivé M. Brown à fournir les services de gestion pour déterminer que cette activité découlait d’une démarche personnelle et qu’elle ne constituait pas une source de revenu. La CCI aurait plutôt dû se concentrer sur l’activité elle-même pour établir si elle comportait un aspect personnel ou récréatif.

La CAF a commencé son analyse en se référant au critère utilisé dans l’arrêt Stewart, puis a énoncé sa méthode remaniée pour déterminer si une personne a une source de revenu :

L’activité en cause comporte-t-elle un aspect personnel ou récréatif?

  • S’il y a un aspect personnel ou récréatif, il convient ensuite de se demander si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu.
  • S’il n’y a pas d’aspect personnel ou récréatif, il convient de se demander si l’activité est exercée en vue de réaliser un profit. [TRADUCTION NON OFFICIELLE]

S’agissant de la première question, la CAF a expliqué que l’accent devait être mis sur l’activité elle-même et sur le fait qu’elle comporte ou non un aspect personnel ou récréatif. La Cour a également précisé que la motivation ou la raison personnelle d’une personne pour mener une activité ne permettait pas, à elle seule, de déterminer si celle-ci comporte un aspect personnel ou récréatif. En effet, il est possible de trouver une raison personnelle pour toute activité particulière d’une personne. Chaque activité pourrait donc potentiellement être soumise au critère de l’expectative raisonnable de profit.

Lorsqu’elle a examiné l’activité de M. Brown, soit les services de gestion, la CAF a déterminé que ces services permettaient à la galerie de demeurer en activité et qu’il n’y avait aucune indication selon laquelle les services de gestion comportaient un aspect personnel ou récréatif. La Cour a conclu que la CCI avait erré en concluant qu’il y avait un élément personnel parce que M. Brown a exercé ses activités de gestion en raison de l’incapacité de sa conjointe à poursuivre la gestion de la galerie.

La CAF a ensuite examiné la deuxième question et a mentionné que l’intention de réaliser un profit était un élément nécessaire à l’analyse d’une source de revenu. La Cour a précisé que cette question portait sur le fait de savoir si le contribuable a pour but de réaliser un profit dans l’exercice de l’activité en question, et non de savoir s’il s’agit là de son intention prédominante. La CAF a conclu que la CCI avait également commis une erreur en se concentrant sur les déductions réclamées par M. Brown parce que la question de savoir si une personne a l’intention de réaliser un profit est distincte de la question de la déductibilité des dépenses réclamées.

La CAF a finalement conclu que M. Brown avait l’intention de réaliser un profit dans le cadre de la prestation des services de gestion parce que cette activité était inextricablement liée à l’activité de la galerie (son revenu correspondait à un pourcentage du chiffre d’affaires brut de la galerie) et que ses services ont permis à la galerie de demeurer en activité jusqu’à ce qu’elle puisse générer un revenu suffisant pour couvrir ses dépenses. La Cour a conclu que l’intention de M. Brown était de permettre à la galerie de générer des revenus qui, en retour, généreraient les frais de gestion qui lui sont payables (c’est-à-dire un profit tiré de son activité de services de gestion).

Si vous avez des questions sur cette décision ou sur le droit en matière de source de revenu, veuillez communiquer avec les personnes-ressources de KPMG cabinet juridique dont le nom figure ci-après.


  1. Brown v Canada, 2022 FCA 200
  2. Canada v Paletta Estate, 2022 FCA 86
  3. Brown v The Queen, 2020 TCC 123
  4. Stewart v Canada, 2002 SCC 46

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