Voici un scénario de gestion des mégaprojets assez courant : une entreprise adopte une vision audacieuse et se lance dans de grands projets pour découvrir, après avoir pris des engagements majeurs, que sa gouvernance et ses structures de direction ne sont pas adaptées au défi à relever. Les équipes sont soumises à de fortes pressions, les problèmes s’accumulent et un projet qui devait à l’origine changer la donne met en péril des entreprises et des carrières.

À l’opposé, il existe des projets massifs et complexes, qui sont gérés avec le plus grand succès. Ces projets améliorent les vies et les carrières en conséquence. Il s’agit d’initiatives à grande échelle qui sont dotées d’une culture du leadership et qui comptent sur des leaders choisis en fonction de l’objectif poursuivi. Cette culture et ces leaders soutiennent la vision, la mission et les valeurs du projet tout en habilitant l’équipe à agir avec autonomie, souplesse et confiance.

Bien entendu, le deuxième scénario est le meilleur. Pour y parvenir, il faut d’abord reconnaître l’importance (et le caractère unique) du leadership et ce qui en fait un pilier essentiel de la gestion d’un mégaprojet.

Gérer ≠ faire preuve de leadership (et vice-versa)

Il est important de faire la distinction entre les leaders et les gestionnaires – ou plus précisément entre le leadership et la gestion. Cette dernière correspond à l’action d’entreprendre des tâches précises et de « gérer » des paramètres, comme les échéanciers et les budgets. Le leadership, quant à lui, désigne le fait (et la capacité) d’inspirer les équipes, de promouvoir l’alignement interne et externe et de gérer le changement, quel que soit le titre de la personne qui l’exerce.

En bref, la gestion est un élément nécessaire à tout projet, mais pas suffisant en soi. La gestion efficace des activités quotidiennes d’un projet passe par la collaboration, la communication, la responsabilité et l’autorité, qui ne sont possibles que si un leadership efficace est mis en place d’entrée de jeu.

Le leadership est donc, en somme, ce qui permet de maintenir le projet sur les rails. Il s’agit d’une compétence difficile à exercer et qui peut évoluer au fur et à mesure que les projets avancent. C’est pourquoi les grands projets gagnent à établir un leadership fort dès le départ et à le soutenir à toutes les étapes.

Piloter des projets majeurs

En théorie, cela semble simple : si une entreprise a mené des projets à petite échelle dans le passé, les mêmes structures hiérarchiques et stratégies conviendront à une initiative de plus grande envergure. Les équipes devront peut-être travailler tard certains soirs, mais si l’entreprise a l’habitude de mener à bien des projets de 100 millions de dollars, alors un projet de plus d’un milliard de dollars devrait être réalisable.

En réalité, la supervision de projets de cette ampleur n’est jamais une affaire ordinaire. C’est un peu comme si vous gériez une deuxième entreprise ayant ses propres objectifs, sa propre culture, ses propres considérations de coûts et ses propres cadres de fonctionnement conçus pour donner vie à une vision donnée. De plus, les échéances des grands projets peuvent aller bien au-delà de ce à quoi l’entreprise peut être habituée. Elles peuvent s’étendre sur 10 à 15 ans, de la conception à l’achèvement en passant par toutes les étapes vitales intermédiaires (p. ex., la planification, l’approvisionnement et la mise en service). Enfin, les grands projets représentent un coût non négligeable, qui peut se chiffrer en millions de dollars par jour pendant la seule période de construction.

Ces raisons, et bien d’autres, font des grands projets une opération unique et monolithique, qui nécessite une approche sur mesure en matière de développement de l’équipe, de renforcement de la culture, de gouvernance et de contrôles. Ces projets constituent des exploits pour n’importe quelle entreprise. Pour les mener à bien, il faut des leaders qui ont l’expérience des projets de grande envergure et les connaissances spécialisées nécessaires pour les faire cheminer jusqu’à l’inauguration.

Les antécédents et les compétences peuvent varier, mais les leaders efficaces sont essentiellement ceux et celles qui :

  • déterminent l’orientation et façonnent le projet de manière à atteindre ses objectifs et à s’aligner sur la vision, la mission et les valeurs de l’entreprise
  • veillent à ce que l’équipe de projet dispose des capacités, des aptitudes et des compétences appropriées
  • possèdent des compétences supérieures en matière de communication
  • font confiance à leur équipe pour qu’elle concrétise le mandat confié
  • s’assurent qu’il n’y a pas de biais d’optimisme
  • ont le courage de mettre en œuvre le changement et de le soutenir tout au long du cycle de vie du projet.

Les leaders de grands projets constituent également une sorte de paradoxe. Ces personnes sont optimistes, mais sont toujours à l’affût des embûches potentielles. Elles placent leur confiance dans leurs équipes, mais sont préparées au pire. Elles sont confiantes et prêtes à diriger, mais souhaitent accorder à leur équipe l’espace et le soutien nécessaires pour faire ce qu’elle fait le mieux.

Créer des leaders à tous les échelons

Le terme « leader » peut désigner toute personne qui, peu importe son échelon, détient les connaissances et l’expertise nécessaires pour faire avancer ses équipes respectives au service de la vision et des objectifs du projet et de l’entreprise.

Les équipes de grands projets ont tout à gagner à compter sur des leaders aux compétences et domaines d’expertise variés. Certaines personnes peuvent maîtriser les aspects techniques, mais ne pas avoir le sens des affaires. D’autres possèdent une capacité naturelle à guider les équipes, mais manquent de connaissances spécialisées dans des domaines clés. Pour réussir, il faut que les équipes disposent de compétences complémentaires en matière de leadership et que des mécanismes soient en place pour partager ces compétences et ces expériences.

Cela ne veut pas dire qu’on ne trouve pas de leaders à un échelon supérieur de la gouvernance d’un projet. Cela veut dire que l’on peut préparer et promouvoir des leaders au sein de toutes les équipes et à tous les échelons, dans l’intérêt du projet.

Se doter d’une culture du leadership

Les projets de plus d’un milliard de dollars existent pour concrétiser la vision d’une entreprise, mais ils doivent s’appuyer sur des valeurs, des objectifs et des cibles adaptés à la tâche à accomplir. Dans ce contexte, les structures de leadership efficaces sont celles qui favorisent continuellement une culture de travail qui maintient ces principes directeurs au premier plan.

La transparence, la responsabilité et la communication sont essentielles à la mise en place d’une culture du leadership. Les leaders efficaces sont ceux et celles qui peuvent collaborer avec les parties prenantes internes et externes afin de maintenir l’alignement entre des équipes et des parties prenantes ayant des buts, des perspectives et des objectifs différents. Ce sont les personnes qui s’assurent que toutes les parties prenantes aient une vue d’ensemble du projet, que ce soit sur le terrain avec les sous-traitants, lors d’une présentation avec des citoyens concernés, lors d’un appel avec les hauts responsables de l’entreprise ou dans la salle du conseil en présence de groupes d’intérêts spéciaux.

Les grands projets s’en ressentent lorsque leurs équipes ne jouissent pas de la confiance et du soutien nécessaires à une prise de décision rapide. Cet obstacle est couramment rencontré dans les entreprises dirigées par le propriétaire, qui punissent les erreurs plus qu’elles ne récompensent l’initiative et le progrès. Dans ces milieux, la peur de se tromper peut créer un goulot d’étranglement décisionnel au sommet qui ralentit les calendriers et empêche les leaders de démontrer tout leur potentiel.

Gérer le changement organisationnel

Les grands projets sont des entités vivantes et évolutives. De la planification à la conception, à l’exécution et à la supervision, un mégaprojet comporte des étapes distinctes qui nécessitent des approches de leadership tout aussi distinctes. Chaque étape s’accompagne d’une cadence et de défis différents. Les leaders et les structures de direction doivent donc gérer le changement et composer avec un environnement interne en évolution. Dans le cadre de ces initiatives à grande échelle, le changement peut faire référence à deux choses différentes : le changement organisationnel survenant au fur et à mesure que l’équipe de projet traverse les différentes phases et le changement lié au projet, alors que l’entreprise et les personnes s’adaptent à diverses pressions.

Lorsque vous concevez votre approche du leadership, posez-vous les questions suivantes : « Quelle forme prendra-t-elle pendant toutes les phases? », « Comment soutiendra-t-elle l’effort de changement? » et « Quels processus rendront ce changement rapide et efficace? ». Les réponses dépendront des contrôles stricts mis en place, de la culture ambiante et de la capacité à agir en concertation avec les autres équipes.

La gestion du changement ne peut être considérée comme allant de soi. Elle doit être planifiée de manière stratégique et réfléchie, et faire l’objet d’une attention et d’efforts soutenus jusqu’au bout.

Éliminer les cloisons

Cela tombe sous le sens, mais c’est toujours vrai : la communication est le ciment qui lie les principales parties prenantes d’un projet. Il est question de communication interne entre les équipes de projet et les comités (ou toute autre structure de gouvernance), ainsi que de communication parallèle au quotidien avec les sous-traitants, les investisseurs, les partenaires commerciaux et les autres parties prenantes, quelle que soit leur place dans l’organisation du projet.

Aucune entreprise sur la planète n’ignore la valeur d’une bonne communication. Malgré tout, certaines erreurs et embûches de communication peuvent affaiblir une culture du leadership.

L’un des principaux obstacles à la communication est le fait de décourager la diffusion de mauvaises nouvelles par peur des répercussions. Personne n’aime apprendre que le calendrier n’est pas respecté ou qu’un problème coûteux a été mis en évidence. Toutefois, ces renseignements doivent être communiqués immédiatement aux parties prenantes concernées afin qu’ils puissent être pris en compte rapidement et de manière appropriée. Rappelez-vous ceci : les mauvaises nouvelles sont l’une des composantes les plus précieuses d’un projet, car c’est là qu’il faut agir. Les canaux de communication et le soutien doivent donc être mis en place pour que les mauvaises nouvelles puissent être transmises aux personnes qui doivent en être informées.

Un autre obstacle à la réussite d’un projet survient lorsque les personnes ne communiquent que lorsqu’elles le jugent nécessaire. En vérité, si vous avez l’impression de trop communiquer, c’est probablement que vous ne communiquez pas encore assez. Pour maintenir la cohérence, il faut garder les canaux de communication ouverts, combler les manques de connaissances et éviter que se propagent hypothèses erronées et désinformation.

Une bonne communication n’est jamais acquise. Elle doit être intégrée à l’aménagement organisationnel, défendue par la direction et mise en œuvre grâce à des réunions, des évaluations internes ou d’autres méthodes convenues.

Miser sur des bases solides

Le leadership décrit plusieurs éléments de la réalisation de grands projets. En somme, il s’agit de déterminer la culture, les personnes, les objectifs et les contrôles qui permettront à un projet d’atteindre le résultat prévu. Le pire moment pour découvrir qu’une initiative coûteuse est mal dirigée, c’est des années plus tard, lorsqu’il est encore plus coûteux de la corriger. C’est pourquoi le leadership fait partie des cinq piliers que les entreprises doivent absolument mettre en place correctement dès le début, lorsque le temps joue en leur faveur.

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