Si vous êtes propriétaire d’une entreprise familiale et faites partie des derniers baby-boomers, au moins un des énoncés suivants est probablement vrai :
- Vous pensez aux façons de transférer la propriété de l’entreprise à la génération suivante ou aux moyens de préparer l’entreprise en vue de sa vente.
- Votre retraite approche et vous réfléchissez à la célèbre phrase de Benjamin Franklin à propos de la mort et des impôts.
- Vous avez demandé des précisions à votre conseiller sur le gel successoral pour apporter un élément de certitude au deuxième point, notamment les impôts à payer après votre décès.
Le gel successoral est un outil courant de planification de relève sur lequel je passe actuellement beaucoup de temps avec mes clients. Ce n’est pas surprenant puisque 22 % de la population canadienne en âge de travailler s’approche maintenant de la retraite. Selon Statistique Canada, tous les baby-boomers auront l’âge de prendre leur retraite (65 ans) d’ici 2031; le « grand transfert de patrimoine » tant annoncé est donc déjà bien amorcé.
Le fonctionnement d’un gel successoral est assez simple : vous fixez, ou « gelez », la valeur actuelle de votre entreprise en échangeant les actions ordinaires ayant un potentiel de croissance pour des actions privilégiées à valeur fixe. Lorsqu’il est bien structuré, le gel successoral vous permet de différer les impôts dus sur les gains accumulés sur les actions et limitez l’impôt à payer à votre décès tout en transférant la croissance future de la valeur de votre entreprise à la génération suivante.
Il n’y a généralement pas de mauvais moment pour procéder à un gel successoral en ce qui concerne les conditions économiques pouvant avoir une incidence sur le processus. Même avec l’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt ainsi que la baisse des marchés et des évaluations d’entreprises, le moment idéal pourrait être venu de geler votre succession pour que la valeur de votre entreprise soit fixée à un échelon inférieur, ce qui réduira le fardeau d’imposition final.
De plus, bien que cette solution vous permette d’économiser, il est important de voir au-delà des chiffres. Pour préparer votre entourage à gérer sa richesse éventuelle, une importante conversation sur la planification successorale et une vue d’ensemble sur la famille sont de mise.
Une partie d’un vaste plan
Bien que le fonctionnement d’un gel successoral soit simple, sa mise en œuvre comporte différentes étapes. Tout d’abord, vous devrez réviser votre testament pour vous assurer qu’il est à jour et qu’il reflète les actifs que vous possédez actuellement. Vous devrez faire de même avec celui de votre conjoint ou conjointe, le cas échéant.
Ensuite, vérifiez si un gel successoral convient à votre plan global de relève. Par exemple, vous avez peut-être une stratégie de réduction des frais d’homologation, qui sont habituellement fondés sur la juste valeur marchande des actifs lors du décès. Selon CPA Canada, l’Ontario impose les frais d’homologation les plus élevés au pays, soit 1,5 % pour les actifs de plus de 50 000 $.
Si votre province exige des frais d’homologation élevés, il pourrait être intéressant de considérer une stratégie de testaments multiples. En règle générale, un premier testament couvre la valeur des actions et des dettes de l’entreprise privée, et n’est pas assujetti aux frais d’homologation. Un deuxième testament couvre tous les autres actifs, de sorte qu’au moment où la succession est vérifiée, seuls les actifs n’étant pas liés à l’entreprise familiale sont assujettis aux frais. Étant donné que la majorité de votre patrimoine familial se trouve probablement dans l’entreprise, cette planification peut contribuer à réduire considérablement les frais d’homologation provinciaux.
Gels successoraux et dynamiques familiales : c’est compliqué
L’impôt est souvent le déclencheur d’un gel successoral, mais pour bien des familles, l’économie d’argent n’est pas la seule motivation. Cette procédure fait partie du plan global de relève et elle est souvent la première étape du transfert de propriété et de contrôle de l’entreprise à la prochaine génération. C’est un moyen naturel d’intégrer vos enfants à l’exploitation quotidienne tout en les laissant participer à la croissance éventuelle de l’entreprise et de sa valeur.
Toutefois, le transfert de l’entreprise à la génération suivante dans le cadre d’un gel successoral peut faire ressortir des dynamiques familiales complexes. Par exemple, lorsque la croissance future de l’entreprise est déterminée par l’émission de nouvelles actions ordinaires, plusieurs questions se posent. Quels membres de la famille obtiendront ces actions ordinaires? Qu’arrive-t-il lorsque les enfants ou d’autres membres de la famille ne contribuent pas tous à l’entreprise? Doit-on donner des actions à tout le monde ou seulement aux membres actifs?
Il est possible de donner des actions directement aux membres de la famille. L’établissement d’une fiducie familiale, qui serait propriétaire des actions, est une option populaire. Vous choisiriez alors les différents bénéficiaires, y compris vos enfants actifs et inactifs dans l’entreprise. En tant que fiduciaire, vous conserveriez toutefois un certain contrôle sur la prise de décisions liées à l’entreprise et sur la façon dont les dividendes versés à la fiducie sont distribués aux bénéficiaires. La réglementation concernant le paiement de dividendes aux actionnaires inactifs pourrait toutefois s’avérer problématique; une planification rigoureuse est donc requise pour éviter toute conséquence fiscale inattendue.
Cependant, cela suscite également d’autres questions pour les familles. Comment chaque membre de la famille participe-t-il à la prise de décisions? Qui a son mot à dire sur la façon dont l’argent est distribué aux bénéficiaires? Comment rémunérer les enfants qui sont actifs dans l’entreprise comparativement à ceux qui ne le sont pas? Qu’arrive-t-il lorsque les enfants ne s’entendent pas sur les objectifs liés au patrimoine?
Pour répondre à ces questions et pour trouver un équilibre harmonieux, il est essentiel de mettre au point un modèle de gouvernance. La gouvernance, qui est axée sur la façon dont la famille et l’entreprise prennent des décisions, fonctionnent et communiquent, permet de tenir des discussions approfondies sur la transition du patrimoine à la prochaine génération et sur l’équilibre entre les différents besoins et intérêts des membres de la famille.
Voyez cela comme une entreprise. En tant que propriétaire, vous avez mis en place une structure et des processus pour vous assurer que votre entreprise fonctionne bien. Il en va de même pour votre patrimoine : vous gérez toujours une entreprise, mais l’actif est différent, sous forme d’argent et d’investissements. Vous devez donc mettre en place des processus officiels de prise de décisions, unifier les membres de la famille et gérer votre richesse pour les générations suivantes.
Tout comme votre entreprise n’a pas grandi en une nuit, votre planification successorale ne se fera pas instantanément. Il n’y a pas de chiffre magique pour décider du moment de commencer la planification, mais le principe général est de débuter de cinq à sept ans avant votre sortie de l’entreprise. Peu importe où vous en êtes, pensez à élaborer un plan que vous pourrez mettre en œuvre en différentes étapes au fil du temps. Ces petites étapes vous aideront à accomplir de grandes choses pour votre famille et pour votre entreprise.
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