• Luca Colasanto, Author |
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À la fin du primaire, comme beaucoup d’autres enfants de nature artiste, mes amis et moi avons formé un groupe de musique. Je me souviens encore de nos débuts. Mon meilleur ami à l’époque, qui jouait de la batterie, m’avait encouragé à prendre des leçons de guitare. Peu de temps après, je me suis rendu au magasin d’instruments de musique, j’ai acheté ma première guitare (que je possède encore) et j’ai appelé mon ami.

Notre première séance d’improvisation musicale, et par conséquent la naissance de notre groupe, a eu lieu avant même que je ne prenne une leçon. Quelques semaines plus tard, un bassiste s’est joint à notre groupe : nous formions alors le parfait trio d’ados angoissés de banlieue. Bien que notre carrière musicale soit née d’un amour pour la musique, ce qui devrait toujours être le cas, nous voulions tout de même nous préparer à la possibilité de transformer ce passe-temps en gagne-pain. (Ceci a été mon plan B pendant un certain temps. Si je n’avais pas réussi à obtenir le titre de CPA, je serais devenu une vedette de rock, ou du moins un rockeur.)

J’étais loin de me douter que cette aventure représenterait ma première expérience d’évolutivité d’entreprise.

Crescendo
Quelques années plus tard (oui, des années), notre batteur nous a annoncé par un beau matin qu’il avait mis notre groupe au programme d’un concert, et que nous allions jouer pendant une demi-heure. À l’époque, nous n’avions toujours pas terminé de chansons, et même si 30 minutes peuvent sembler courtes pour un fan de rock, je peux vous assurer que cela équivaut à une éternité quand vient le temps de composer de la musique. Plus tard ce jour-là, j’ai demandé à notre batteur d’annuler notre performance. Trop tard : il m’a tendu un billet de spectacle sur lequel le nom du groupe figurait déjà. Nous étions foutus – enfin, c’est ce que je pensais.

Cette fin de semaine, nous nous sommes réunis et avons écrit les cinq chansons que nous allions jouer à ce premier concert. Cette période d’écriture et de répétitions frénétiques représente les coûts fixes d’un groupe musical. Bien que les chansons puissent évoluer au fil du temps, nous avons considéré les nôtres comme « terminées » une fois notre processus créatif achevé. À partir de ce moment, les chansons pouvaient être interprétées à répétition sans que nous ayons à les retravailler.

Nous avons eu énormément de plaisir lors de ce premier spectacle, qui fut finalement le premier de plusieurs. Ces concerts, contrairement au processus créatif associé à l’écriture des chansons, n’étaient pas du tout fixes. Le service n’était fourni que tant que nous étions sur scène pour jouer notre musique. Plus tard, nous avons enregistré un album (qui, je suis fier de le dire, s’est vendu à plusieurs dizaines d’exemplaires) et nous avons continué à écrire et à jouer.

Decrescendo
Prenons maintenant un peu de recul. Je tiens à souligner qu’à cette époque, il y avait deux modèles de service très différents en jeu, chacun avec un niveau d’évolutivité différent. D’un côté, nous avions nos concerts à coûts très variables. Pour chaque période de service, le groupe devait passer un certain temps sur scène. Ceci est sans compter le temps accordé au travail dans les coulisses (déplacements à destination et en provenance des salles de spectacle, installation et désinstallation de notre équipement, gestion de la production, etc.). D’autre part, nos CD (encore le médium dominant à l’époque) pouvaient être reproduits sans cesse et engendrer peu de coûts supplémentaires. Le seul coût de production des albums correspondait au temps et à la main-d’œuvre consacrés à l’écriture et à l’enregistrement. Une fois ces étapes terminées, le processus de production de CD supplémentaires pouvait être standardisé et automatisé.

Cela signifie que les albums étaient plus évolutifs que les spectacles. En effet, le coût marginal de production d’un CD supplémentaire était inférieur au coût moyen de chaque CD déjà produit. Cela s’explique par le fait que ce secteur de service penchait davantage vers les coûts fixes que les coûts variables. Notre marge totale augmentait avec chaque vente de CD. En revanche, des prestations supplémentaires contribuaient à augmenter nos revenus, mais pas notre marge. Comme un billet de spectacle est plus cher pour les fans qu’un CD (en raison de leur coût hautement variable), le seuil de rentabilité des ventes de CD était beaucoup plus élevé que celui des performances réalisées. Cela s’applique aussi à toute entreprise évolutive. Des coûts fixes, des marges sur coûts variables et des seuils de rentabilité élevés sont la norme.

Nous pouvons en retenir que toutes les entreprises possèdent un niveau d’évolutivité différent. Il est clair que la façon dont les consommateurs interagissent avec le produit ou le service, de même que la technologie disponible à tout moment, sont des facteurs externes qui contribuent à la facilité d’étendre ou de faire évoluer des activités. Cependant, cela ne signifie pas pour autant qu’il est impossible d’accroître l’évolutivité d’une entreprise avec seulement un peu d’effort.

Trouver le bon tempo
Jouer une gamme de musique implique la lecture d’un ensemble de notes ascendantes et descendantes dans une tonalité donnée. Parallèlement, la clé pour améliorer l’évolutivité de votre entreprise est d’organiser vos processus de manière à rendre inférieur le coût des unités de production supplémentaires au coût moyen des extrants précédents. Cela nécessite généralement un passage des coûts variables aux coûts fixes. Toutefois, grâce à la technologie moderne, c’est maintenant plus facile que jamais.

Dans le cas de notre groupe, jouer de la musique pour nos fans était une méthode à coût variable élevé quasi impossible à faire évoluer, puisque chaque concert exigeait que l’ensemble du groupe soit impliqué pour l’entièreté de la période de service. Les CD, eux, nous permettaient d’offrir de la musique aux fans sans que nous ayons à faire plus que le travail créatif. Ces derniers pouvaient alors écouter chaque chanson à l’infini, sans avoir à débourser des frais supplémentaires.

La plupart des entreprises possèdent des processus simples, répétitifs, fondés sur des règles qui peuvent être effectués machinalement. Lorsque ces processus sont manuels et en grand nombre, ceux-ci requièrent plus de temps, et donc signifient des coûts variables plus élevés par rapport aux coûts fixes et une diminution de l’évolutivité de l’entreprise.

Prenez ces processus et normalisez-les : ils pourront ensuite être confiés à des logiciels, qui peuvent souvent être achetés moyennant un tarif mensuel fixe. Vous vous retrouverez alors avec des coûts variables plus faibles et des marges qui augmentent avec la production. Notons que les processus qui ne sont pas normalisés sont pratiquement impossibles à automatiser. Cela signifie qu’une entreprise qui maintient des processus uniques pour chacun de ses clients rend en fait impossible son évolutivité, et donc son expansion.

Chaque fois que des clients me demandent comment faire croître leur entreprise, je leur rappelle toujours ce processus en deux étapes : normaliser et automatiser. En pratique, cela signifie qu’ils doivent examiner leurs processus pour voir s’il existe des moyens de les réviser afin qu’ils puissent être normalisés et confiés à une application qui sera en mesure de les exécuter automatiquement. Cela leur permettra d’accroître leurs activités sans avoir à se procurer plus de ressources. Car aujourd’hui, cette ressource supplémentaire est habituellement du temps, qui se fait de plus en plus rare.

  • Luca Colasanto

    Luca Colasanto

    Author, Senior Manager, KPMG Private Enterprise

    Blog articles

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