Le 22 mars 2023, la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs a définitivement été adoptée par l’Assemblée nationale. Depuis son dépôt initial le 29 novembre 2022 par les députés Frédéric Descrozaille et Aurore Bergé, cette proposition a fait l’objet de plusieurs modifications significatives. Elle a été publiée le 31 mars au Journal Officiel.
L’ensemble des amendements adoptés par le Sénat et largement repris par la Commission mixte paritaire étend l’envergure de ce texte tout en l’inscrivant dans le sillage des lois EGalim I & II. Dans un contexte économique difficile, marqué par une forte inflation, en particulier des produits alimentaires, le texte élaboré par la Commission mixte paritaire est la synthèse d’un vif débat parlementaire.
L’ambition de rééquilibrer les relations commerciales entre industriels de l'agroalimentaire et enseignes de la grande distribution prend la forme de plusieurs dispositions : l’application du droit français à la distribution de produits à destination de consommateurs français, l’encadrement des promotions et du seuil de revente à perte majoré de 10% (SRP +10), de nouvelles dispositions relatives à l’échec des négociations au 1er mars, l’encadrement des pénalités logistiques ou la non négociation de la matière première agricole concernant les produits vendus sous marque de distributeur (MDD). Nous revenons rapidement sur ses principales dispositions :
L’application du droit français et la compétence des tribunaux français dès lors que les produits sont vendus en France.
La prorogation des dispositions relatives à l’encadrement des promotions et à la majoration à 10% du seuil de revente à perte est également adoptée par les parlementaires. Ces dispositions ont fait l’objet de discussions et négociations. Ainsi, si l'encadrement des promotions jusqu'au 15 avril 2026 sur les produits alimentaires dans les grandes surfaces, à 34% de leur valeur, et à 25% en volume, était initialement prévu, le Sénat a étendu cet encadrement à tous les produits de grande consommation, dont notamment les produits d'hygiène et d'entretien. Lors du vote définitif du texte, l'Assemblée nationale a fixé au 1er mars 2024 l'application de ce nouvel encadrement des promotions sur les produits non-alimentaires.
Concernant le SRP +10%, le texte prolonge le dispositif jusqu’au 15 avril 2025 en excluant du dispositif, à l’initiative des sénateurs, les fruits et légumes frais. Une obligation de communiquer avant le 1er septembre de chaque année « la part du surplus du chiffre d’affaires » en application de la disposition SRP +10% « traduite en revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs » est enfin prévue par le texte.*
Concernant l’échec des négociations annuelles, pour combler un vide juridique, selon M. Descrozaille, la proposition prévoit un dispositif expérimental qui permet au fournisseur de choisir entre interrompre : (i) les livraisons si le prix durant le préavis est jugé trop bas ou (ii) appliquer un préavis de rupture « classique » tenant compte des conditions économiques du marché. En cas de litige sur les conditions du préavis, le médiateur des relations commerciales agricoles sera obligatoirement saisi pour tenter de dégager une solution consensuelle. Si sa médiation échoue, le juge devra tenir compte de ses recommandations. L’exigence de bonne foi lors de ces négociations est également consacrée, prévue initialement par les députés. Ainsi, fournisseurs et distributeurs, en cas d’échec des négociations pourront se prévaloir de la mauvaise foi de leur cocontractant. En cas de non-respect de la date butoir du 1er mars, une revalorisation des amendes administrative est prévue et plafonnée à 1 million d’euros pour les personnes morales et à 200.000 euros pour les personnes physiques (doublé en cas de réitération du distributeur).
Enfin, les pénalités logistiques font l’objet de plusieurs dispositions. Si la loi EGalim 2 a limité le champ d’application de pénalités logistiques (l’application en cas d’inexécution contractuelle de la part du fournisseur en cas de rupture de stocks ou dès lors que le distributeur a subi un préjudice), le texte plafonne à hauteur de 2% de la valeur des produits commandés relevant d’une catégorie le montant des pénalités logistiques qu’un distributeur peut infliger à son fournisseur. Une autre disposition introduit l’obligation d’établir une convention distincte et autonome portant sur le montant et les modalités de détermination des pénalités logistiques. De manière plus accessoire, l’application des pénalités logistiques pourra être suspendue par le gouvernement en cas de situation exceptionnelle constatée par décret du conseil d’Etat et pour une durée maximale de six mois renouvelables. Une obligation d’information à la DGCCRF sur le montant annuel de ces pénalités a également été introduite. Ainsi, distributeurs et fournisseurs devront communiquer, en les détaillant, les sommes respectivement perçues et versées avant le 31 décembre de chaque année sous peine d’une amende administrative, de 75.000 euros pour une personne physique et 500.000 euros pour une personne morale (et en cas de réitération, 150.000 euros pour une personne physique et 1 million d’euros pour une personne morale).
Pour une analyse plus exhaustive de l’ensemble de ces nouvelles dispositions, le département « droit économique et relations commerciales » du cabinet KPMG Avocats est à votre disposition.
POUR ALLER PLUS LOIN
Emmanuel Tricot
KPMG Avocats