• Conor Chell, Author |
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Cet article est le dernier d’une série de quatre sur les procédures d’enquête et d’application de la loi relativement aux allégations d’écoblanchiment en vertu de la Loi sur la concurrence. La première partie, intitulée C-59 : entre visées vertes et risques économiques, donne un aperçu général du processus d’enquête et d’application de la loi relativement aux allégations d’écoblanchiment en vertu de la Loi sur la concurrence. Le deuxième article, intitulé Projet de loi C-59 : De l’investigation à l’enquête, présente certains éléments clés à prendre en considération pour les entreprises susceptibles de faire l’objet d’une enquête du Bureau de la concurrence. Le troisième article, intitulé Poursuites pour pratiques trompeuses, porte sur les poursuites civiles pour pratiques commerciales trompeuses et traite des deux nouvelles dispositions visant à contrer l’écoblanchiment ainsi que du droit privé d’action en vertu de la Loi sur la concurrence.

Dans ce dernier article, je résume la marche à suivre pour les allégations qui relèvent du traitement des pratiques commerciales trompeuses selon le droit criminel.

Pratiques commerciales trompeuses selon le droit criminel

À la suite d’une enquête officielle portant sur des pratiques commerciales fausses ou trompeuses, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») peut décider de renvoyer la question au Service des poursuites pénales du Canada (le « SPPC ») pour intenter une poursuite criminelle. Contrairement aux poursuites civiles en vertu de la Loi sur la concurrence (la « Loi »), qui traite la majorité des cas de fausses déclarations et de pratiques commerciales trompeuses, les poursuites criminelles portent sur les cas les plus graves.

La décision du Bureau de renvoyer une question au SPPC pour intenter une poursuite criminelle

Afin de déterminer si la question doit être renvoyée, ou non, au SPPC pour intenter une poursuite criminelle, le Bureau doit respecter les critères suivants :

  • Il doit y avoir des preuves claires et convaincantes que l’accusé, sciemment ou de façon insouciante, fait des déclarations fausses ou trompeuses au public. Constituerait une telle preuve le fait pour l’accusé de persister dans la conduite reprochée après que des plaintes aient été déposées par des consommateurs directement auprès de l’accusé.
  • S’il y a des preuves claires et convaincantes que l’accusé a donné au public, sciemment ou de façon insouciante, des déclarations fausses ou trompeuses, le Bureau doit être convaincu en outre qu’il serait dans l’intérêt public d’intenter une poursuite criminelle.

Les facteurs pris en considération pour déterminer s’il est dans l’intérêt public d’intenter une poursuite criminelle peuvent varier d’un cas à l’autre, et peuvent inclure la gravité de l’infraction présumée et des facteurs atténuants.

La détermination de la gravité de l’infraction reprochée supposera l’examen de la question de savoir si :

  1. des consommateurs ou des concurrents ont subi un préjudice substantiel auquel les redressements prévus dans le cadre du régime civil ne peuvent remédier convenablement;
  2. les personnes visées par les pratiques trompeuses étaient vulnérables et ont été exploitées (p. ex., des enfants et des personnes âgées);
  3. les personnes intéressées n’ont pas tenté de remédier rapidement et efficacement aux effets nuisibles du comportement ou celui‑ci s’est poursuivi après que les dirigeants de l’entreprise en ont été informés;
  4. le comportement en cause comportait l’omission de se conformer à un engagement antérieur ou d’honorer la promesse de prendre une mesure corrective volontaire ou le non‑respect d’une ordonnance d’interdiction;
  5. les intéressés ont eu un comportement semblable dans le passé.

Seront considérés des facteurs atténuants les éléments suivants :

  1. les conséquences d’une poursuite ou d’une déclaration de culpabilité seraient beaucoup trop sévères;
  2. l’entreprise a mis en œuvre un programme de conformité efficace.

Lorsque, tout compte fait, le Bureau est convaincu que les faits de l’affaire justifient une poursuite criminelle, il peut formuler une recommandation en ce sens au SPPC, lequel prend la décision finale d’intenter une poursuite ou non.

Poursuites au criminel

Comme il a été mentionné précédemment, une entreprise a commis une infraction criminelle si elle a donné, ou qu’elle a permis de donner ou d’envoyer, au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des déclarations fausses ou trompeuses sur un point important ayant pour but de promouvoir un produit ou un intérêt commercial.

Afin de déterminer qu’une entreprise a enfreint les pratiques commerciales trompeuses selon le droit criminel en vertu de la Loi, il n’est pas nécessaire de prouver qu’une personne a, dans les faits, été trompée ou induite en erreur, qu’une personne faisant partie du public à qui les déclarations ont été données se trouvait au Canada ou que les déclarations ont été données à un endroit auquel le public avait accès. L’impression générale et le sens littéral de la déclaration seront également pris en compte.

Responsabilité liée à une infraction

La décision du SPPC de porter des accusations criminelles contre une entreprise pour des pratiques commerciales trompeuses peut entraîner des amendes ou, dans le cas d’une personne, l’emprisonnement.  

D’ailleurs, si l’on juge qu’une personne contrevient au régime criminel lié aux pratiques commerciales trompeuses en vertu de la Loi, cette personne est coupable d’une infraction et est passible de ce qui suit :

  • dans le cas d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 200 000 $ ou, s’il s’agit d’une personne, d’un emprisonnement maximal d’un an, ou des deux;
  • dans le cas d’une déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une amende à la discrétion du tribunal ou, s’il s’agit d’une personne, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, ou des deux.

Principaux points à retenir

Compte tenu de la portée et de l’envergure des nouvelles mesures prévues par la Loi et de l’attention renouvelée du public pour les allégations d’écoblanchiment, les entreprises doivent demeurer vigilantes en ce qui concerne leurs processus internes. La mise en œuvre de lois en matière de présentation obligatoire de l’information ESG, comme la Loi sur l’esclavage moderne (et bientôt les Normes canadiennes d’information sur la durabilité), accroît les risques juridiques pour les sociétés en imposant des normes d’information plus strictes, de sorte que les déclarations trompeuses ou infondées sur la durabilité sont plus susceptibles de donner lieu à un examen réglementaire en raison de plaintes, d’investigations et de mesures d’application de la loi. 

Les entreprises qui ne s’adapteront pas pourraient faire l’objet d’investigations coûteuses et de mesures d’application de la loi, en plus de compromettre leur capacité financière et leur réputation. De plus, comme il est mentionné précédemment, elles pourraient également devoir porter une responsabilité criminelle. Étant donné les risques potentiels, il est essentiel que les entreprises actualisent leurs processus internes et veillent à ce que les informations qu’elles rendent publiques soient soumises à un examen juridique régulier chaque année.
 

Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des procédures d’enquête et d’application de la loi relatives aux pratiques commerciales trompeuses en vertu de la Loi sur la concurrence. Ce document est offert à titre informatif seulement et il ne vise pas à remplacer un avis juridique. Si vous avez besoin d’obtenir des directives, veuillez communiquer avec notre équipe Risques juridiques et présentation de l’information, Enjeux ESG pour explorer la façon dont nous pouvons répondre à vos besoins juridiques.

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